Vous êtes ici :

  • Google+
  • Imprimer

À l'heure de la société de la connaissances où il est important que chaque citoyen ne soit pas un simple consommateur de technologie, nous avons des défis à relever autour des sciences du numérique et de l'informatique qui doivent avoir la même place que les sciences de la vie et de la Terre dans la formation d'un individu.

L'égalité des chances du XXIe siècle passe par une éducation au numérique et il est crucial de pouvoir développer une éducation au numérique afin de donner aux jeunes élèves une maîtrise progressive du numérique. Pour cela il est important de pouvoir  observer, étudier « la grammaire » du numérique, de créer et coder des objets numériques. Le code est omniprésent et il est crucial que les élèves puissent décrypter, comprendre le monde numérique dans lequel ils seront amenés à agir. Comme l'a précisé Fleur Pellerin en 2013, « Parce que nos enfants deviendront adultes dans un monde où, soit ils programmeront, soit ils seront programmés ». Beaucoup de pays comme l'Estonie, l'Angleterre, ont pris l'option d'intégrer des curriculum dans le domaine des sciences du numérique. L'Angleterre a défini un curriculum autour des sciences du numérique. Il est important de pouvoir développer « le computational thinking » (la pensée informatique chère à Seymour Papert). La fondation internationale « ISTE » a mis en place un référentiel de compétences pour les enseignants et les élèves. [1] L'Angleterre a lancé un Curriculum Primary - National Curriculum Guidance en 2014 qui court jusqu'au collège [2].

L'arrivée du code à l'école et au collège

Le ministère de l'Education Nationale propose une initiation progressive à la programmation dès le CE1 et ce à compter de la rentrée 2015. François Hollande, président de la république a réaffirmé son souhait que les jeunes Français soient des « acteurs du numérique », le chef de l'Etat a déclaré que les élèves devaient être capables de créer, de programmer, d'inventer grâce au code : « S'ils ne le peuvent pas, alors ils seront simplement des consommateurs, des utilisateurs et à un moment finalement des manipulés du système. Ils doivent en être eux-mêmes les maîtres ! » Une initiation à la programmation est prévue dès l'école primaire. Le projet de programme pour le cycle 2 prévoit que « dès le CE1, les élèves peuvent coder des déplacements à l'aide d'un logiciel de programmation adapté, ce qui les amènera au CE2 à la compréhension et à la production d'algorithmes simples. ». A partir du CM1, il est précisé que les élèves « apprennent à utiliser des logiciels de calculs et d'initiation à la programmation ». Au collège, la notion d'algorithmique est intégrée aux programmes.

Développer la pensée informatique

Comme le précise Seymour Papert, la pensée informatique est une combinaison de la pensée critique, de la créativité, de la résolution de problèmes, de la communication,  de la collaboration et de l'informatique. Les activités de programmation sont transversales et rentrent dans le cadre d'un projet. Elles mobilisent des activités autour de la création, du raisonnement et de la logique. Elles ne peuvent faire l'impasse d'activités autour du langage, de l'expression orale et des étapes autour de l'analyse de l'erreur : expliquer, argumenter, vérifier, formuler, corriger (Cf. article Pour une éducation cognitive autour de l'erreur à l'Ecole [3]). Tout au long de la scolarité, de la maternelle au lycée, il est important de pouvoir établir un portfolio autour des sciences du numérique en construisant des concepts qui doivent se mettre en place progressivement à travers des projets porteurs de sens et adaptés au niveau des élèves.

Utiliser un langage de programmation au collège

Les projets et les activités autour de la programmation permettront de construire progressivement des notions ou des connaissances en s’appuyant sur une « grammaire informatique » en interaction avec l’environnement, pour développer chez les élèves des aptitudes à décrypter les enjeux des applications informatiques dans la société et à utiliser le numérique d’une façon plus maîtrisée et plus éclairée. Pour mettre en action cette « grammaire informatique », les élèves devront manipuler un langage simple pour donner des ordres à la machine. Des applications développées par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) facilitent la mobilisation du langage de programmation dans le cadre de projets. La version 2.0 de l'éditeur Scratch est désormais disponible online et offline [4]. Avec le logiciel Scratch, les adolescents sont à même de développer et partager en ligne leurs créations et animations interactives : jeux vidéos, films d'animation, etc. Le fonctionnement est le suivant : les utilisateurs manient des blocs comme des briques de Lego. Ces briques indiquent des instructions du type : "quand on clique sur alors", "tourner de ... degrés", "aller là où se trouve le pointeur de la souris", "jouer une note durant ... secondes", etc. En les faisant glisser dans leur programme et en les regroupant selon les ordres donnés par le logiciel, les élèves peuvent alors développer des programmes informatiques simples [5].

Avec le logiciel Scratch, on peut initier des collégiens à l’algorithmique dans le cadre du programme de mathématiques. Les algorithmes sont réalisés et mis en œuvre avec Scratch. On peut développer quelques compétences transversales mobilisées en relevant les défis Scratch. Comme par exemple « Mettre en œuvre sa pensée créatrice » ou encore « Résoudre des problèmes ». Nous pouvons synthétiser les concepts de programmation et les compétences liées à l'apprentissage de Scratch tels que présentés dans l’article suivant « Quelques notes pédagogiques autour des défis à relever avec Scratch » [6]. Un exemple d’utilisation au collège est relaté dans le reportage « Maths et jeux vidéo : apprendre à programmer avec Scratch en 5e » [7]. Dans le Cher, un projet innovant autour de la programmation et de l’usage responsable d’internet a été réalisé au sein du collège Philibert Lautissier de Lignières. L’objectif principal consistait à créer un jeu vidéo complet pour permettre aux élèves du collège de vérifier leurs connaissances concernant les bonnes pratiques sur Internet [8].

Pour construire des notions autour des sciences du numérique et une « digital literacy », il est important de proposer aux élèves des situations de communication, de création, des projets de programmation dans différents contextes de production, tout au long de la scolarité. Cela peut commencer dès l'école maternelle.

Construire des concepts dès l'école maternelle

Marie Desbrée, directrice d'école et enseignante à l'école maternelle Saint-Jean de Bray (Loiret), a développé des projets autour de la programmation en Grande Section avec l'application ScratchJr du MIT [9]. 

Ces activités pédagogiques permettent : 

  • une mobilisation générale des élèves dans un processus de programmation : prévisions avec ordres à la machine, recherche des erreurs, corrigé, régulation …
  • une utilisation d'un langage simple pour donner des ordres à la machine avec une possibilité de vérifier son travail en vue de produire des effets sur la machine.

Lors d’un entretien mené avec elle, elle déclare observer et noter :

  • des élèves engagés qui produisent, réfléchissent dans le cadre de  projets de création associant « créativité » et « raisonnement  » en mobilisant des compétences pour résoudre des problèmes : anticipation, raisonnement, traduction des actions prévues dans un langage prévu, exécution du programme, vérification, correction.

Conclusion : Des langages pour apprendre à apprendre

Si le langage Logo a été très utilisé depuis les années 80, le logiciel Scratch est un  environnement de programmation visuel et multimédia  destiné à la réalisation et à la diffusion de séquences animées sonorisées ou non. Il s’agit d’un logiciel de programmation grâce auquel les élèves peuvent animer des objets qu’ils auront préalablement choisis, ou eux-mêmes dessinés. L'intégration de Scratch peut se faire rapidement au premier cycle du primaire permettant ainsi aux élèves de développer rapidement l'apprentissage de la programmation. L'élève peut ainsi suivre des procédures simples comme mettre en place un décor, prévoir des personnages, concevoir des « sprites » (lutins animés), utiliser les briques ou « kits » de commandes toutes prêtes pour programmer. Le principe est donc comme un légo, de briques que l'on monte et que l'on démonte, selon son projet à réaliser.

L'élève peut trouver la liberté de faire des erreurs autant qu'il veut pour mener son projet à bien. Comme le précise une enseignante québecoise, Martine Trudel : « Terrain de jeu illimité afin d’amener nos élèves à problématiser, à raisonner à l’aide du langage mathématique et à mettre en œuvre leur pensée créatrice, Scratch captive les élèves… Plus ils progressent, plus ils sont motivés à relever des défis plus élevés. C'est merveilleux de voir tous les élèves persévérer malgré les difficultés rencontrées… » [10]. Avec l'arrivée des nouveaux programmes, l’école sera amenée à intégrer des logiciels comme Scratch, des logiciels pour apprendre à programmer, créer des objets numériques et qui facilitent le développement d’objectifs métacognitifs, un tiercé gagnant pour « apprendre à apprendre », une clé pour la réussite scolaire.

Notes de bas de page

[1] ISTE Standards, Computer Science educators http://www.iste.org/docs/pdfs/20-14_ISTE_Standards-CSE_PDF.pdf

[2] National curriculum in England : primary curriculum https://www.gov.uk/government/publications/national-curriculum-in-england-primary-curriculum

[3] Michèle Drechsler, Pour une éducation cognitive http://fr.calameo.com/books/0003022617ba72e73eeb7 . 

[4] A propos de Scratch 2.0 http://scratchfr.free.fr/

[5] Emmanuel Ostenne, Atelier Initiation à l’algorithmique en collège avec Scratch/Algobox https://irem.univ-lille1.fr/activites/spip.php?article340

[6] Squeaki MST : Quelques notes pédagogiques autour des défis à relever avec Scratch http://squeaki.recitmst.qc.ca/ScratchPedago

[7] VousNousIls : l’e-mag de l’éducation, Maths et jeux vidéo : apprendre à programmer avec Scratch en 5e https://www.youtube.com/watch?v=qOdOAO0E5-g 

[8] Armand Stanoievitch, Des collégiens créent leur jeu avec Scratch !  http://www.mobile18.fr/des-collegiens-creent-leur-jeu

[9] Marie Desbrée-Levrel, Programmer avec Scratch Jr en grande section de maternelle https://www.youtube.com/watch?v=p8xxyqNYyxw

[10] Michèle Drechsler, Analepse et prolepse pour une science du numérique à l’École http://binaire.blog.lemonde.fr/2014/05/13/analepse-et-prolepse-pour-une-science-du-numerique-a-lecole/