« L’abject et hideux Sainte-Beuve », disait Paul Claudel pour affirmer son rejet d’une méthode littéraire qui prétendait expliquer une œuvre par la biographie de l’auteur. Est-ce le trahir que de proposer cette entrée par sa vie ? Non, si on garde en tête que la biographie n’est pas une donnée figée à reproduire telle quelle, mais un matériau vivant susceptible de mille transpositions et métamorphoses. Antoine Vitez, qui jugeait généralement sans intérêt de connaître la vie d’un poète, faisait une exception pour Claudel : « C’est merveille de voir comme la poésie sert à la transfiguration du péché. » Il comparait même Le Soulier de satin à La Recherche du temps perdu de Marcel Proust : dans les deux cas, un homme a mis toute sa vie dans une œuvre gigantesque. Il est donc légitime de s’attarder sur l’homme Claudel.