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Petit historique de l'album

par Martine Hausberg,
[octobre 2011]

Mots clés : littérature de jeunesse, album

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Petit historique de l'album

Si l'on s'intéresse à l'album en tant qu'objet littéraire dans lequel l'image n'est pas le faire-valoir du texte mais son alter ego, sa naissance est plutôt récente.
Le statut de l'image et son interaction avec le texte ont évolué au fil du temps et l'on distingue un certain nombre d'étapes qui mènent de l'album moderne du début du XXème siècle à l'album contemporain.

Si l'on se réfère aux travaux de Sophie Van der Linden [1], on peut dater l'émergence de l'album moderne avec le titre Macao et Cosmage d'Edy-Legrand en 1919 publié par la NFR, et réédité en 2000 aux éditions Circonflexe. Cet ouvrage,  qui inverse la prédominance du texte par rapport à l'image, préfigure l'ancrage de l'album jeunesse dans le champs de la création artistique par la qualité des illustrations et par son originalité : format carré, texte se détachant sur des couleurs.

A partir de 1936, Paul Faucher va publier Les Albums du Père Castor réalisés par des artistes de talent issus notamment de l'avant-garde russe, tels que F. Rojanski (qui signe Rojan), I. Bilibine... Cette collection poursuit également des visées pédagogiques et éducatives.

Une nouvelle étape est franchie dans les années 1950 par Robert Delpire, éditeur d'art et publicitaire, qui travaille avec les grands illustrateurs de l'époque. Il publie en 1955 Les larmes de crocodile d'André François. Cet album, tout en longueur, est inséré  dans un étui en carton telle la caisse destinée au transport du crocodile. Toujours chez Delpire paraît en 1967 la version française de Max et les Maximonstres de l'américain Maurice Sendak (édition américaine : 1963) qui va créer à sa sortie une polémique à propos de la mise en images de l'imaginaire enfantin, considérée par certains comme trop effrayante et potentiellement choquante pour des enfants.

Ces deux titres sont désormais devenus des classiques incontestables de l'édition jeunesse.

Puissance évocatrice de l'image qui s'affranchit du texte, ouvrage destiné à un public de tout âge et non spécifiquement enfantin, c'est ce que revendiquent Harlin Quist et François Ruy-Vidal qui vont s'associer. Dans le panorama éditorial des années 1970, leurs productions se révèlent audacieuses, comme en témoigne le titre d'Albert Cullum Sur la fenêtre le géranium vient de mourir mais toi... oui, toi... toi qui vois tout, toi qui peux tout, tu n'en as rien su, paru en 1971. Il  traite de l'incompréhension de l'élève par son professeur. François Ruy-Vidal déclare comme un manifeste : « Il n'y a pas d'art pour les enfants, il y a de l'Art, il n'y a pas pas de graphisme pur les enfants, il y a le Graphisme. Il n'y a pas de couleurs pour les enfants, il y a les couleurs. Il n'y a pas de littérature pour les enfants. Il y a la Littérature» [2]). Il conclut : « En partant de ces quatre principes, on peut dire qu'un livre pour enfants est un bon livre quand il est un bon livre pour tout le monde ».
Une polémique va l'opposer à Françoise Dolto : l'une craignant que ces albums sombres et chargés de symboles puissent choquer ou même traumatiser les enfants, l'autre mettant en avant leur capacité à faire naître chez les jeunes lecteurs un processus de questionnement et d'interprétation.

En 1965, Jean Fabre crée l'Ecole des loisirs, apportant un changement dans le statut du livre pour enfant. Le parti pris éditorial consiste notamment à apporter du divertissement, « du bien-être » à travers l'album en favorisant l'expression créatrice d'auteurs-illustrateurs qui interrogent le rapport texte-image au service de la narration, avec Tomi Ungerer, Claude Ponti et plus récemment Grégoire Solotareff.

Des illustrateurs reconnus et porteurs d'univers bien particuliers tels que Nicole Claveloux, Henri Galeron qui ont travaillé avec F. Ruy-Vidal, vont se retrouver chez Gallimard dont le secteur jeunesse a été créé en 1972 par Pierre Marchand ; ils y rejoignent Pef, Quentin Blake, Tony Ross...

Les années 1970-1980 voient la création de petites maisons d'édition qui s'aventurent sur des pistes originales avec notamment des albums sans texte tels que Les Chatouilles, ou encore Vaguement qui est un petit hommage à Hokusaï, tous deux publiés par Le Sourire qui mord, créé en 1976 par Christian Bruel.

A partir de 1990, les innovations éditoriales s'intensifient à tous les niveaux, des techniques employées parfois mêlées au sein d'un même album aux thèmes traités... En 1994, Olivier Douzou entre aux éditions du Rouergue pour créer une collection jeunesse. Sur le site Ricochet on peut lire à son propos : «Vous avez créé un style inimitable, aucune collection n'a eu une identité visuelle aussi forte». En effet, les albums du Rouergue et ce dès la sortie de Jojo la mache en 1993, vont se caractériser par le format carré (un peu le fruit du hasard selon Douzou ! ces carnets de travail étant carrés...), l'originalité dans la façon de raconter des histoires, de croiser des images et du texte, de renforcer le propos par la matérialité de l'album.

Le secteur jeunesse du Seuil, dans le même temps, édite des albums qui révèlent de très intéressantes qualités graphiques et des auteurs-illustrateurs tels qu'Isabelle Poncelet ou Thierry Dedieu. 

De nouvelles maisons d'édition sont venues enrichir la production d'albums de qualité telles Sarbacane, créé en 2003, Naïve en 2004 ou encore Panama en 2005.

Notes de bas de page

[1] Van der Linden, Sophie. Lire l'album. L'atelier du poisson soluble, 2006.

[2] Histoires de l'album par ses créateurs. Université d'été de l'image pour la jeunesse : les 26 et 27 juin 2008 [en ligne] BNF et Institut Charles Perrault. Consulté le17/10/2011. Consultable à l'adresse :
http://lajoieparleslivres.bnf.fr/masc/integration/joie/statique/univ/interfaceschoisies/Index/index.html