Robert Escarpit

par Marie-France Blanquet,
[Avril 2008]

Mots clés : sciences de l'information, Escarpit, Robert : 1918-2000

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Robert Escarpit

Robert Escarpit, un précurseur. Très actif dans de nombreux domaines, R. Escarpit a de nombreux visages. Il est connu essentiellement comme billettiste du journal le Monde. Mais cette activité publique ne doit pas faire oublier le militant, idéologiquement proche du Parti Communiste, le romancier, l’essayiste, l’auteur de livres pour enfants, le spécialiste de Byron, l’expert international pour l’Unesco... Elle ne doit surtout pas nous faire oublier la facette que nous développons plus spécialement ici : celle du chercheur et de l’universitaire qui crée en France une nouvelle discipline : les sciences de l’information et de la communication.

Une vie bien remplie

1918 : Naissance à Saint Macaire en Gironde. Ses parents sont, tous deux, instituteurs.

1938 : R. Escarpit entre à l’Ecole normale pour y faire des études de grec puis d’anglais

1943 : Il obtient l’agrégation d’anglais et devient enseignant au lycée d’Arcachon

1945 : Il est décoré de la croix de guerre pour faits de Résistance qu’il évoque brièvement dans un de ses premiers écrits : Le jeune homme et la nuit (1972), puis dans Les va-nu-pieds en 1982. Cette même année, il part pour le Mexique où il exerce les fonctions de secrétaire général puis de directeur de l’Institut français d’Amérique latine

1949 : Il rentre en France et occupe un poste d’assistant d’anglais puis de maître de conférences à la faculté des Lettres de Bordeaux

1949-1979 : Il devient, à la demande d’Hubert Beuve-Méry, billettiste « Au jour, le jour » du journal Le Monde. Il écrira neuf mille billets remplis d’humour et d’intelligence

1952 : Il devient docteur ès lettres et prend la chaire de littérature comparée

1958 : Il publie Sociologie de la littérature dans la collection Que sais-je ? où il engage une réflexion sur la littérature hors du texte. Ce livre, traduit en 23 langues, connaît un succès international

1960 : Il fonde le Centre de sociologie des faits littéraires qui devient en 1965, l’Institut de littérature et de techniques artistiques de masse (ILTAM).

1961 : Président de la Ligue de l’enseignement, il publie Ecole laïque, école du peuple

1963 : La publication de l’Atlas de la lecture à Bordeaux concrétise le travail de l’ILTAM

1964 : Publication du Littératron, un de ses romans le plus connu. On y trouve la fameuse formule : « L’audiovisuel ça marche, l’audiovisuel ça paie, les finances crachent, les commissions votent… ». C’est une charge contre l’escroquerie à l’audiovisuel : « qui Dieu sait, a fait des milliers de victimes dans notre pays, y compris dans l’enseignement des langues » [1]. Les laboratoires de langue sont, en effet, considérés alors comme la solution à l’enseignement des langues vivantes.

1965 : Publication de la Révolution du livre qui analyse le phénomène livre de poche. Cet ouvrage est écrit à la demande de l’Unesco et traduit en 20 langues

1967 : Il fonde à Bordeaux l’Institut universitaire de technologie qu’il dirige de 1970 à 1975

1969 : Il crée l’Unité pluridisciplinaire des sciences de l’information et de la communication (UPTEC)

1972 : La faim de lire, écrit avec Ronald Baker, exprime la demande éditoriale dans les pays en voie de développement. Cette même année, il crée avec d’autres auteurs, chercheurs et universitaires (parmi lesquels Jean Meyriat et Roland Barthes) un groupe de pression qui deviendra la Société française des sciences de l’information et de la communication

1975 : Publication de son roman préféré : Appelez moi Thérèse pour lequel il correspond avec François Mauriac.
Cette année là, le ministère reconnaît la nouvelle discipline en créant une section au sein du Comité consultatif des universités

1976 : R. Escarpit jette les bases des sciences de l’information et de la communication en publiant la Théorie générale des sciences de l’information et de la communication. Il y expose la théorie mathématique de la communication émise par C. Shannon et les grandes lignes de la cybernétique qu’il intègre dans son univers conceptuel. Cette étude qui présente une vue d’ensemble des sciences de l’information et de la communication, reste aujourd’hui un livre essentiel pour tous ceux qui s’intéressent à ce domaine scientifique

1975-1978 : Il devient président de l’Université de Bordeaux 3 et professeur en sciences de l’information et de la communication qu’il contribue à créer en France

1978 : L’Iltam devient un laboratoire des sciences de l’information et de la communication (Lasic), associé au CNRS. Il publie en 1982 Le livre blanc de la communication

1982 : Il est élu avec le groupe communiste au Conseil régional d’Aquitaine

1983 : R. Escarpit est décoré des insignes de Chevalier de la légion d’honneur

1984 : Il prend sa retraite, nommé professeur émérite. Il écrit alors de nombreux romans et livres pour enfants qu’il illustre lui-même : la série des Rouletabosse (les vacances, les enquêtes), Petit Gambu…

2000 : Décès à Langon en Gironde, tout prés de Saint Macaire où il est né.

Une vie en mots-clés

  • Analphabétisme Préoccupé par toutes les interrogations liées au livre, au lecteur et à la lecture, R. Escarpit analyse l’analphabétisme et, à travers cette analyse, veut lutter contre ce problème. Il joue en ce sens un rôle important auprès de l’Unesco.
    L’analphabétisme peut se décrire à partir d’un niveau de base très rare aujourd’hui : l’ignorance complète de toute forme d’écriture. L’analphabétisme correspond plutôt, à un deuxième niveau, décrit comme l’incapacité à établir un lien entre la parole et l’écriture. Ceci même si l’illettré total peut reconnaître des pièces de monnaies avec leur valeur ou des signaux sur la route. Un troisième niveau comporte une certaine aptitude au déchiffrement des signes et de leurs combinaisons sans permettre pour autant la lecture d’un texte.
    Il existe cependant un quatrième niveau : l’analphabétisme fonctionnel. C’est celui qui pose le plus de problèmes car il est diffus au sein des sociétés. Il se caractérise par une incapacité à utiliser la connaissance ou le maniement des signes pour des fins pratiques… La lecture et l’écriture sont en ce cas, des opérations trop pénibles et trop lentes pour entrer dans le comportement normal de l’individu. Ce dernier sait lire, sait écrire mais ne sait pas ou ne peut pas faire « fonctionner » son savoir. « Si les statistiques prenaient en compte les analphabètes fonctionnels, les évaluations de l’analphabétisme seraient probablement deux à trois fois plus lourdes ». Ces chiffres sont effrayants car cela signifie que dans le monde actuel un pourcentage encore trop faible d’êtres humains peut participer réellement à la communication écrite. « Dès lors il est permis de se demander si cette communication, malgré toutes ses vertus, a l’efficacité nécessaire et si les autres médias qui se sont développés… ne sont pas capables d’obtenir un meilleur résultat et surtout de l’obtenir plus rapidement » La réponse passe, quand R. Escarpit écrit ses lignes, par l’audiovisuel et les promesses du village global créé par McLuhan. Qu’aurait écrit R. Escarpit dans ce cybermonde qui est le nôtre aujourd’hui ? [2]
  • Analyse documentaire Ce théoricien de l’information la décrit de façon très originale en s’aidant du songe d’Athalie de Racine (« C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit … »). Il résume ce superbe passage poétique de 58 mots en une dizaine de termes qui traduisent bien l’information et seulement elle : « ai vu, en songe, ma mère morte». [3]
    Certes, réduit à la seule information, le texte perd toute sa beauté et sa poésie. Mais le rôle de l’analyse documentaire est d’extraire des textes analysés, l’information et, seulement elle, en proposant une condensation de ce texte. Les documentalistes appelés à rédiger des résumés indicatifs ou informatifs savent bien que le rôle de l’analyse documentaire est de détecter l’information contenue dans un texte et de dépouiller ce dernier de toute la non information qu’il contient. Ceci dans l’objectif d’extraire et de discipliner l’information et de réduite les masses documentaires. L’intérêt de l’analyse documentaire réside, en effet, dans la maîtrise de l’afflux de documents. Elle est un outil de lutte contre la surinformation.
  • Bibliothèque et librairie Ces organismes jouent un rôle essentiel dans la distribution et l’accès aux livres mêmes si leurs motivations sont différentes. Les librairies constituent un lien fondamental entre les éditeurs et les lecteurs quand les bibliothèques font partie des ressources nationales. Ces dernières constituent un des meilleurs moyens de parvenir à mettre des livres dans les mains de tous les lecteurs en puissance Ils peuvent les consulter sur place ou les emporter pour les lire et les étudier à loisir à l’endroit de leur choix. R. Escarpit insiste sur le rôle des bibliothèques dans le développement des enfants. Elles peuvent assurer le premier contact avec le monde des livres, principalement dans les groupes sociaux défavorisés. C’est pourquoi il est essentiel de développer des bibliothèques scolaires ou dédiées à la jeunesse.
    Bibliothèques comme librairies sont conduits à posséder une politique d’achat spécifique car ni le libraire ni le bibliothécaire ne peuvent matériellement offrir à leur clientèle la totalité de la production. Ces professionnels se substituent au lecteur pour une appréciation prévisionnelle de ce que sera sa réponse, pour anticiper ses besoins et sa demande. La communication directe avec le lecteur est, dans ce cas, appréciable. « Mais dès qu’il s’agit, comme c’est le cas à notre époque, de grandes masses de lecteurs, de tels contacts ne sont possibles que grâce à une extrême démultiplication des points de distribution et, qui plus est, des points de décision d’achat. L’appareil traditionnel du commerce et de la prestation de services n’y suffit plus. Il faut faire appel à des techniques, comme celles de l’animation culturelle, par exemple, permettant l’initiative du petit groupe, et retrouver en somme la souplesse de la dimension manipulaire »[2]. Ainsi l’évolution du monde exige une adaptation des professionnels de l’information aux environnements inédits qui se dessinent avec le futur.
  • Browsing et Catalogue Le catalogue constitue un document relais contenant en mémoire, non l’information elle-même, mais la désignation du document qui la contient. L’inconvénient du catalogue est qu’il offre à l’interrogation du lecteur un cadre de classement purement arbitraire fondé jadis sur les premiers mots du document, remplacé par la suite par les données proposées par les normes de catalogage. C’est ainsi qu’a fonctionné la mémoire documentaire depuis la plus haute antiquité. Babylone possédait sa bibliothèque dans laquelle, grâce à un catalogue chacun pouvait retrouver l’information cherchée. Il en va de même pour un système d’informatique documentaire simple où le catalogue est consulté à partir d’un clavier/écran.
    Cependant tout catalogue a ses limites : « Le système de catalogage le plus raffiné ne peut remplacer ce que les Anglais appellent le « Browsing » ou butinage qui suppose le libre accès (Voir ce mot). C’est une exploration ambulatoire de la bibliothèque où le lecteur parcours les rayons comme le client d’un supermarché. Mais dans une bibliothèque, le lecteur peut en plus feuilleter le livre : « ce qui est une deuxième exploration qui se superpose à la première » [3].
  • Culture R. Escarpit écrit au sujet de la culture des pages admirables et étonnantes que tout enseignant-documentaliste et tout enseignant devraient lire et méditer. Nous vous proposons le passage suivant :
    « Cultivé est étymologiquement un doublet de colonisé. Etre cultivé, c’est être mis en valeur comme une plate-bande qui produit des tomates. La tomate est la réponse stéréotypée de la terre au stimulus asservi de la semence sélectionnée… L’homme cultivé est une plate-bande que l’éducation a désherbée, puis ensemencée sélectivement… Sans doute ne peut-on éviter qu’il en soit ainsi. Nous vivons en groupe et tout groupe secrète pour sa cohésion une colle informationnelle qui est l’évidence (par exemple, la solidité du sol, le lever du jour après la nuit…). Certaines de ces évidences sont plus difficiles à acquérir que d’autres et on leur donne plus de prix. Ce sont elles qui constituent la culture."
    La question est de savoir qui est le cultivateur ».[3]
  • R. Escarpit analyse par ailleurs le rôle des « réserves culturelles » (les élites) et l’ésotérisme qui les séparent des « masses ». Les intellectuels y apparaissent comme « l’armée de métier de la culture ». Escarpit rappelle également le concept de culture mosaïque émis par A. Moles et examine la culture « à la demande » qu’autorisent la radio et la télédiffusion, auxquels aujourd’hui il est indispensable d’ajouter le réseau Internet.
  • Document R. Escarpit a une approche très originale du document qu’il qualifie d’anti-événement. « Tout événement est un événement humain. Au cours de ces derniers millénaires, l’homme a élaboré pour échapper à cette contrainte un anti-événement qui est le document » [3]. Un événement se produit, un document a été produit, existe, donc est défini, entièrement connaissable et prévisible. Il ne peut donc, en aucun cas, constituer un événement. (Voir aussi Semi-document)
    Le document représente la forme matérielle d’une mémoire de données. Un pas décisif a été franchi lorsque l’homme a institué le document, cumulation de traces fixes et permanentes où les réponses données en feedback, à travers le temps, restent disponibles pour une lecture. « En d’autres termes, il y a constitution d’un savoir. C’est ici que l’on voit toute le différence entre la notion d’information et de savoir. L’information est une quantité négative apportée à l’esprit par l’événement quand il passe du futur au passé. Le savoir est une construction assez stable pour freiner l’écoulement du temps et rester disponible à l’échelle d’une vie humaine, assez mouvante pour accueillir sans cesse de nouvelles réponses et les insérer dans des structures lisibles » [3].(Voir aussi journal).
    Le document est un objet informationnel visible ou touchable et doué d’une double indépendance par rapport au temps : synchronie et stabilité. Ce sont ces propriétés qui ont été utilisées pour assurer une diffusion au message visuel. Un document est mobile, il peut être affiché, reproduit et donc distribué.
    Une autre caractéristique du document est de fixer la parole : « Verba volant, scripta manent » soulevant ainsi la problématique de la confiance sociale.
  • Documentaliste Ce que R. Escarpit signale - et qui ne peut que conforter le documentaliste confronté à l’apparition du document numérique-, c’est l’adaptation immédiate de ce professionnel à tout nouveau type de document, tel le microdocument (microfilm ou microfiche).
    « L’apparition des microfilms et autres innovations techniques a fait du documentaliste l’un des premiers expérimentateurs des formes nouvelles que peut prendre le livre » [3]. Dans ces lignes, R. Escarpit anticipe sur l’attitude que le documentaliste peut avoir sur le livre électronique ou e-book en l’intégrant, avec ses spécificités, dans son environnement, comme un document parmi les autres.
  • Documentation Moyens de conservation et de diffusion de l’information, la documentation sert la cause du livre tout en couvrant un domaine beaucoup plus vaste et en jouant un rôle important dans la conception et la réalisation de livres scientifiques, tels les traités ou monographies.
    La technique documentaire est inventée par l’homme pour créer une mémoire artificielle capable d’oublier et d’évoquer comme peut le faire la mémoire humaine. « Ce qu’on appelle la technique documentaire est en général désigné en anglais par l’expression double de stockage de l’information et de récupération de l’information (storage et retrieval). Ceci renvoie à la métaphore financière d’une banque de données où est déposé un capital d’information sur lequel on peut faire des retraits à la demande » [3]. Les bibliothèques d’Alexandrie furent les premiers documentalistes en ce qu’ils élaborèrent des méthodes de software permettant de suppléer partiellement les fonctions d’oubli et d’évocation.
  • Ecriture L’humanité vit un moment historique lorsqu’elle invente un système de trace pour noter le langage oral en inventant l’écriture. La parole reste sans support matériel. L’écriture lui en fournit un et confère donc une solidité et un pérennité que ne possède pas la parole. « Le rendez-vous de l’écriture, c’est-à-dire du langage de la trace avec le langage oral a été une étape inéluctable dans l’évolution des sociétés ». Par ailleurs précise ce penseur, « il est assez vain de se demander si l’écriture est le produit d’une certaine évolution sociale ou si c’est elle au contraire qui a provoqué cette évolution. Les deux sont vrais. » [4]. Ce qu’il important de signaler c’est le rapport de l’écriture avec des institutions et des fonctions sociales telles la religion, la politique, le commerce. Il marque fortement l’histoire de la communication écrite.
    En tous cas, l’évolution générale des écritures vers les systèmes alphabétiques correspond à un des soucis majeurs de la transmission de l’information : l’économie des symboles.
  • Entropie Le concept d’entropie, directement issu de la théorie mathématique des sciences de l’information et de la communication, est très souvent utilisé par R. Escarpit pour expliciter le concept d’information. Entre les composants d’un système physique, ce qui circule est de l’énergie. Cette dernière, pour que le système fonctionne correctement, doit rester constante. « Elle constitue en quelque sorte le capital inaliénable, réalisable en travail » [5]. Mais un capital peut être thésaurisé, investi ou dilapidé. .. De même qu’un capital se dévalue, l’énergie se dégrade et cette dégradation est irréversible. On donne le nom d’entropie à la fonction qui régit le processus de dégradation de l’énergie. Il en va de même si l’on remplace le terme énergie par information. Cette dernière y est alors définie comme l’incertitude qui est résolue par l’apparition du signal. Et cette entropie informationnelle peut être mesurée. Le calcul de l’entropie est la mesure de la quantité d’information apportée par un message, un signal ou une source donnée. R. Escarpit s’appuie sur l’exemple d’une partie de cartes pour décrire les trois modes de relation avec son environnement proche ou lointain qui permettent à l’individu de « s’informer », « c’est-à-dire de construire sa forme individuelle, d’affirmer son identité unique et irremplaçable, à contre-courant de l’entropie universelle : connaître, contrôler, posséder » [5].
    Ainsi l’information, en tant que négation de l’entropie universelle est un produit de la liberté individuelle de l’homme. C’est dont le je et lui seul qui produit de l’information.
  • Ephémère La production d’éphémère est très souvent évoquée par cet auteur qui, en s’appuyant sur des chiffres aujourd’hui largement dépassés, qualifie d’éphémères tous ces documents produits pour une lecture immédiate et immédiatement oubliés : « périodiques, semi-périodiques ou non périodiques ». Les progrès technologiques permettent de les décupler. Cela a une conséquence : « le savoir humain en se développant et en se diversifiant, devient plus périssable et donc plus étroitement soumis à l’érosion du temps » [4].
  • Formation et documentation On doit à Robert Escarpit l’ouverture des filières formant à la documentation d’entreprise dans les IUT. « C’est donc largement grâce à lui que la documentation est devenue une matière légitimement enseignée dans les établissements universitaires d’abord au niveau du premier cycle » [6]. Plus tard, il intègre cette discipline dans le second cycle en créant l’Uptec, puis en 7975, un diplôme d’études approfondies.
  • Image « En apparence l’image est moins résistante que l’écriture à l’interrogation ou à l’agression d’un destinataire. Ou bien elle est figurative et renvoie sans ambiguïté à un référent, ou bien elle est non figurative et constitue un ensemble de stimuli plus ou moins confus qu’on peut organiser projectivement selon un Gestalt (identification) ou selon un pattern qui appelle soit un discours, soit une réponse affective ».[3]
    « On notera que le documentaliste part toujours d’un texte. Si ce texte n’existe pas, il faut d’abord le constituer » [3]. L’analyse de l’image n’échappe pas à cette obligation qui exige la production d’un discours descriptif de l’image et la notation de ce discours dans un texte qui constitue le document relais à analyser.
  • Indexation Callimaque de Cyrène, principal organisateur de la bibliothèque d’Alexandrie trouve le principe des pinakes ou tableaux pour présenter les livres non plus par leurs caractéristiques catalographiques mais à partir de leur contenu. Il divise le savoir en humain en 120 pinakes. Il est ainsi le père de la classification bibliographique puisqu’il range les livres en fonction de leur contenu, et donc à partir d’un critère intellectuel prenant en compte l’information contenue dans le texte présenté. (La bibliographie proprement dite se développe au XVIIe siècle avec G. Naudé, que nous rencontrerons ultérieurement sur ce site). Mais il est aussi le père de l’analyse documentaire et de l’indexation qui a pour caractéristique d’être fabricatrice d’oubli puisque celui qui indexe élimine volontairement ce qui n’est pas pertinent pour ne garder que l’essentiel. (Voir aussi Analyse documentaire).
  • « Infocom » Information et communication sont souvent employés l’un avec l’autre et même parfois l’un pour l’autre.
    Il est cependant important de ne pas confondre ces concepts. La communication est un processus complexe fonctionnant à travers un certain nombre d’appareils. L’information est la mesure mathématique ou non du contenu des messages que transmettent ces équipements.
    R. Escarpit parle toujours de l’acte de communiquer et de son produit l’information pour expliquer à la fois leur complémentarité et leur spécificité. « Pour moi, l’information est le contenu de la communication, et la communication, le véhicule de l’information … Une information c’est donner un apport qui perturbe l’ordre établi, l’ordre établie par le prévisible. Une information, c’est quelque chose qui n’est pas prévisible [5]».
    La notion d’information est liée à toute forme de pensée pourvu quelle soit capable de prévoir. Ce qui fait l’originalité irremplaçable et le prix inestimable de la pensée humaine, c’est le pourvoir de non-pertinence, l’imprévisibilité vraie de l’énonciation.
    R. Escarpit se réfère au fameux schéma de communication en affirmant que toute communication suppose l’émission et la réception de signes. La communication humaine demande donc un appareil d’émission et un appareil de réception. Tout appareil de communication est composé de machines interconnectées en réseaux et le processus d’information a pour effet de constituer des ensembles d’objets stables, définis et prévisibles. Cela entraîne à distinguer informer et s’informer. « Le paradoxe de la communication reste le même : informer ou s’informer, c’est-à-dire utiliser l’appareil pour contrôler l’environnement ou participer au processus pour affirmer son identité, l’un impliquant l’autre et réciproquement » [3].
    Un monde surinformé comme le nôtre peut très bien avoir de graves dysfonctionnements dans son système de communication. Si l’information peut être transmise unilatéralement, la communication est toujours bilatérale ou multilatérale et donc plus difficile à contrôler (Voir aussi : Théorie de l’information et de la communication).
  • Institutionnalisation des sciences de l’information et la communication Pionnier dans l’introduction de ces sciences en France, Escarpit a des mots sévères pour caractériser les formations mises en place : « L’information et la communication sont admises partout. Il n’existe pas d’université qui n’ait son enseignement ou sa recherche. Mais il y en a peut-être trop. Nous avons ouvert la boite de Pandore, et au lieu que tous les maux du monde s’en échappent, ils y sont entrés. La communication est devenue une sorte de tarte à la crème » [1].
  • Journal Comme journaliste, R. Escarpit parle souvent de la presse et de son rôle dans nos sociétés.
    Il le décrit comme un type de texte très spécifique qui rempli les trois fonctions du texte (Voir Texte). Une page de journal est une image (fonction iconique). C’est aussi un discours écrit à travers les différents articles rédigés qui le composent (fonction discursive). Il a enfin une fonction documentaire à travers son organisation : rubriques, titres, sous-titres...
    Il est à l’origine de nombreuses problématiques économiques, politiques… Parmi ces dernières, se pose l’interrogation suivante : Le journal constitue-t-il un moyen de communication de masse ou un moyen collectif d’information? « En fait, il est les deux, si inconfortable que soit cette situation. Son rôle est précisément d’instaurer la communication dans l’événement, c’est-à-dire de figer provisoirement l’information dans un appareil en transformant l’événement en document » [4].
  • Langue véhiculaire et langue vernaculaire R. Escarpit conteste l’idée d’une francophonie qu’il qualifie de  profondément naïve [3]. Il explique, en effet, que les langues dominées, serves ou vernaculaires gardent une plus grande flexibilité que les langues véhiculaires même si entre les deux, un métissage est inévitable. C’est le cas de l’anglais moderne. Mais les langues véhiculaires sont plus résistantes au changement. « L’extension territoriale d’une langue véhiculaire la condamne à la fragmentation et le niveau d’incompréhension qu’elle permet peut s’en trouver abaissé considérablement, ce qui d’ailleurs n’a rien de surprenant puisque la fonction d’une telle langue n’est pas d’interconnecter des sous-systèmes, mais de les relier de manière univoque et univectorielle à la machine maîtresse d’un système.
  • Lecteur A force d’étudier les œuvres littéraires et leurs auteurs, on perd de vue ceux qui sont les acteurs principaux de la chaîne de l’écrit : les lecteurs. Or, pour mesurer les enjeux de la communication écrite, il faut comprendre ce qu’est la lecture, la manière de recevoir le message écrit.
    A ce propos, Jean Meyriat, ami de Robert Escarpit, rappelle que la démarche qui met le lecteur au premier plan : « est analogue à celle du documentaliste, qui se soucie d’abord de comprendre les demandes et les besoins des usagers, et va ensuite chercher les moyens dans la panoplie que met à sa disposition l’état des techniques » [6].
  • Lecture L’acte de lecture est un processus complexe et personnel. Dans des termes savants, R. Escarpit distingue deux types de déchiffrement du texte : le type hypologographique où le lecteur doit reconstruire le logogramme ou mot écrit avec son orthographe à partir de l’identification des signes élémentaires (l’enfant qui apprend à lire, par exemple) et le type hyperlogographique qui est vraiment de la lecture où il y a maîtrise du langage et de son contenu : le mot et son sens, la phrase et sa construction. Cette distinction permet de mieux comprendre le concept d’analphabétisme fonctionnel analysé souvent par cet auteur.
    Par ailleurs, R. Escarpit introduit une distinction entre lecture objective, seule réelle lecture, et lecture projective. La lecture objective est la lecture de texte imprimé qui exige un déchiffrement des signes graphiques. « C’est une lecture qui tend à épuiser l’entropie du texte, c’est-à-dire à énoncer toute l’information qu’il contient, à le rendre entièrement connu, de sorte que tout nouveau balayage ne produira que des événements prévisibles » [3]. C’est l’homme et non l’équipement qui reste au gouvernail. C’est lui qui commande le mouvement de balayage et donc la séquence des stimuli qui l’atteignent. Le texte reste disponible et manipulable. Ce n’est pas le cas d’une émission de télévision par exemple, cas de lecture projective, où le balayage est assuré par la machine (ou lecteur) et où l’homme ne peut manipuler le déroulement du message. La lecture projective est celle que l’on a dans la lecture d’un roman. Elle engage l’ensemble de la personnalité du lecteur et rappelle le concept de lecture plaisir. Elle est donc distincte de la lecture objective, qui est une lecture savante, l’interrogation d’une mémoire qu’on interroge. Les textes conçus pour cette lecture intéressent tout particulièrement les professionnels de l’information. Ce sont les répertoires, les dictionnaires qui sont construits pour être consultés comme mémoire et donc organisés. R. Escarpit traduit cette organisation dans le concept de programme.(voir aussi Semi-document).
  • Libre accès Il fait peur encore à de nombreux bibliothécaires qui sont encore ce que l’on appelait plaisamment naguère des bibliotaphes (qui a la passion des livres au point de les cacher et à ne les montrer à personne). Heureusement,  R. Escarpit reconnaît que la jeune génération est de moins en moins fâchée avec cette pratique. « Cela dit, c’est une pratique qui a ses limites d’abord parce qu’elle demande des loisirs, ensuite parce qu’on ne peut impunément laisser envahir les dépôts de livre. [3] »
  • Littérature Escarpit analyse dans plusieurs ouvrages la littérature qui prend naissance avec l’invention de l’écriture. Il la présente de façon inattendue en la qualifiant d’ « art impur  qui n’a jamais pu se définir » ; impur car pris entre les exigences de l’art et celles de la signification. « La littérature peut donc être considérée comme un produit historique bâtard né de l’extension de l’écriture à l’art de la parole  sous la pression de circonstances sociales et économiques. Ces expressions ne sont pas nécessairement péjoratives. Elles veulent souligner le danger qu’il y aurait à vouloir aborder le problème de la communication écrite par celui de la communication littéraire, car ce dernier n’est qu’un aboutissement et la conséquence d’un état de fait » [4]
  • Livre Il est omniprésent dans l’œuvre de R. Escarpit qui se préoccupe de son histoire, de son avenir face aux quasi-livres (reprographie) et aux non-livres (documents audiovisuels et électroniques). Mais il se soucie surtout de sa distribution, donc du lecteur et de son besoin. Inventé depuis plus de 4000 ans, le livre est une admirable machine à communiquer dans laquelle les messages sont codés et peuvent être reproduits, multipliés, déplacés, décodés par n’importe quel individu possédant la clé du code. C'est-à-dire sachant lire ! R. Escarpit rejoint de nombreux chercheurs dans le constat d’une profonde inégalité dans le monde qui montre des « zones d’abondance, des zones de pénurie et des zones de famine » [2]
    Or c’est le monde entier qui a besoin de livres et de lecture afin qu’aucun être humain ne soit exclu de la communication écrite.
    R. Escarpit détermine trois secteurs prioritaires où les besoins sont urgents mais où les progrès sont lents. C’est d’abord le livre d’enseignement dans lequel il importe de comprendre les livres extra-scolaires destinés à l’éducation permanente. Le second secteur couvre le livre d’enfants car c’est dès le premier âge que s’acquièrent les habitudes de lecture. Le troisième secteur est celui du livre de lecture générale pour adultes.
    Dans La faim de lire, et même si les données statistiques qui servent d’argumentation à son auteur sont largement obsolètes, R. Escarpit propose une Charte du livre qui reste toujours d’actualité. Cette charte, composée de 14 articles ou propositions, insiste sur le rôle indispensable du livre dans l’éducation et sur le droit de lire pour tous les hommes. Mais elle insiste aussi sur son impact dans les échanges internationaux : « Les livres servent la cause de la compréhension internationale et de la coopération pacifique ». « Les guerres naissent dans l’esprit des hommes » déclare l’acte constitutif de l’Unesco. « Les livres représentent l’une des principales défenses de la paix en raison du rôle considérable qu’ils jouent dans la création d’un climat intellectuel d’amitié et de compréhension mutuelle »[2] .C’est une très belle utopie dans laquelle tous les enseignants documentalistes sont tombés et continuent heureusement à tomber. C’est une des raisons pour laquelle ils doivent lire et relire cette magnifique charte du livre.
  • Mémoire et Surinformation Nos sociétés se caractérisent par une croissance exponentielle des documents qu’elles créent. De plus, elles inventent constamment de nouveaux documents basés sur des technologies, toujours nouvelles. Elles soulèvent ainsi la problématique de la surinformation, considérée par R. Escarpit comme l’un des problèmes documentaires majeurs, lié à la capacité de la mémoire externe ainsi construite, à son organisation et à son utilisation mais lié également à l’oubli.
    Comme il le fait pour le terme de lecteur, R. Escarpit regrette le terme de mémoire confondant mémoire humaine et mémoire machine. Car la mémoire humaine est limitée et sait oublier quand une mémoire machinale, sans cesse grandissante, en est incapable. Tout au plus, sait-elle effacer, action qui n’a rien à voir avec celle d’oublier.
    L’homme moderne, soumis par les médias audiovisuels à une surinformation qu’il n’a ni le temps ni les moyens d’exploiter, obligé par la vie sociale à une série de comportements qui n’ont pas forcément de lien systématique entre eux, lit simultanément selon plusieurs programmes et passe de l’un à l’autre sans s’en apercevoir. Cependant, les travaux et enquêtes montrent que plus un être humain est formé, plus il assume de responsabilité au sein de la société et plus il devient conscient de cette surinformation et sait la maîtriser. Ces constats ne peuvent que conforter l’enseignant documentaliste sur sa mission et l’importance de son action au sein de l’école.
    La documentation prend naissance dans cette surinformation. La prolifération du document oblige, en effet, très vite les professionnels de l’information à se poser des problèmes d’oubli et d’évocation. La bibliothèque d’Alexandrie possédait plus d’un demi-million de volumes. Dés lors, il devenait très difficile d’interroger une pareille « mémoire » . C’est pourquoi ils inventèrent des techniques documentaires permettant de rappeler les contenus documentaires ou d’oublier les contenus non documentaires (Voir : Documentation). Les documentalistes ont donc de beaux jours devant eux !
  • Ordinateur et Technologie de l’information et de la communication La réflexion théorique sur les sciences de l’information est indissociable des pratiques éclairées de la communication et de l’information et du bon usage des nouveaux outils que le progrès technologique met constamment à leur disposition. Cependant, R. Escarpit exprime souvent un certain agacement, face aux regards émerveillés que certains portent sur les technologies et les fantastiques progrès techniques enregistrés. Il qualifie l’ordinateur de « crétin » et martèle : « En réalité, nous manions ces outils merveilleux, perfectionnés avec des cerveaux qui ne sont pas beaucoup plus développés que celui de l’homme de Cro-Magnon. Nous sommes toujours tributaires du fait que le cerveau humain ne peut pas débiter plus de quarante-cinq bits d’information par seconde… »
    L’ordinateur est une caisse enregistreuse de génie mais ce n’est que cela. « Il a bouleversé notre vie mais il ne l’a pas vraiment changée. Ses deux grandes fonctions, la mémoire et le calcul, nous ont permis de desserrer l’étau chronologique. Le document informatique prend au piège et rend indéfiniment disponible une quantité d’événements incommensurablement plus grande que le document écrit traditionnel mais surtout une information extrêmement périssable ». [3]
    R. Escarpit rappelle l’exploit de ce mathématicien (William Shanks) qui passa 15 ans de sa vie entre 1858 et 1873, à calculer les décimales de pi jusqu’à la 707e. Quelques ans plus tard, l’Eniac mit 70 heures pour atteindre la 2035e décimale et en 1955, un ordinateur arriva à la 10 017e décimale en 33 heures. Aujourd’hui les performances sont décuplées. Mais à quoi sert cette surinformation informatique produite en dehors de l’homme, éminemment périssable, connue de la seule machine qui la fabrique? « On s’aperçut vite que plus on améliorait les performances du « hardware », plus il fallait diversifier et développer les interventions du « software » : collecte de l’information, analyse, codage, programmation, décodage, interprétation » [3].
  • Semi-document R. Escarpit désigne sous ce terme tous les documents qui ne peuvent faire l’objet d’une lecture objective mais seulement d’une perception, c’est-à-dire d’une lecture projective. Il englobe dans ce concept tous les documents sonores, visuels ou audiovisuels immédiats, telle une pièce de théâtre jouée, ou différés et nécessitant un équipement de lecture. Le document, en effet, défini comme moyen de constitution d’un savoir:« suppose que les traces restent disponibles pour une lecture, c’est-à-dire pour une exploration libre de toute contrainte événementielle ou chronologique en fonction d’un projet à réaliser » [4].
    Ainsi, c’est un abus de langage de désigner des machines comme « lecteur » et donc capable de « lecture ».
    Par ailleurs, un semi-document ne fait pas l’objet d’une réelle lecture de la part de l’homme car ce dernier ne dispose pas du contexte ou mémoire du texte. Auditeur ou spectateur, l’homme est obligé, pour constituer la continuité du discours, à l’empan de sa propre mémoire à court terme. Il perçoit mais ne lit pas.
  • Sociologie de la littérature : science transdisciplinaire par essence. Dans son essai fondateur, R Escarpit érige en branche de la sociologie l’étude de la production, de la diffusion et de la consommation de textes
    Sa démarche consiste à repenser la place du lecteur dans l’ensemble du fait littéraire. En centrant son attention sur le travail et les moyens du lecteur, ce chercheur rejoint la route suivie par R. Barthes. La littérature comparée fonde cette démarche. L’expérience de comparatiste de l’auteur lui permet de forger le concept de « trahison créatrice » pour exprimer son importance dans la sociologie de la littérature.
    « C’est la fréquentation de la littérature comparée et son intérêt pour la sociologie des faits littéraires (dès 1948 Escarpit soulignait le rôle du LECTEUR dont on ne parlait guère dans ce temps) qui est à l’origine de la démarche fondatrice qui devait orienter toute la suite. »[7]
  • Texte Il est le résultat de l’écriture, « compromis bâtard, malaisé et paradoxal, qui consiste à noter le langage phonique au moyen d’un langage visuel de traces » [4]. Le texte remplit trois fonctions : iconiques (les titres des journaux, par exemple), discursive (les mots-vedettes du discours) et documentaire puisqu’il y a stabilisation de l’ensemble du message sur un support qui le rend indépendant du temps et synchroniquement disponible.
    Cette onction documentaire nous intéresse particulièrement : elle impose au texte un certain nombre de contraintes et tout d’abord des contraintes matérielles telles que le classement et le répertoriage. Un texte qui est un flux de discours, tels le roman ou un poème, est difficilement exploitable du point de vue informationnel. Pour être exploité, un texte doit faire l’objet d’une organisation spécifique. « C’est la fonction documentaire qui a imposé sa forme au livre tel que nous le connaissons actuellement, et notamment le découpage en pages numérotées. Il n’y a pas de document sans référence et pas de référence sans découpage du texte. C’est en particulier ainsi qu’on peut expliquer le passage du volumen au codex de pages cousues ensemble qui est encore la forme normale du livre et dont le nom reste lié à la notion de répertoire référentiel (codex des pharmaciens, codes des juristes). Le dictionnaire et l’encyclopédie ont ajouté à la pagination un découpage interne de la page » [3].
  • Théorie mathématique de l’information et de la communication Ce sont des raisons économiques qui ont suscité au cours de la première moitié du XXe siècle cette théorie attribuée au physicien Shannon, disciple de N. Wiener. « L’exigence d’une société économiquement développée est avant tout l’existence d’un réseau de communication rapide et sûr aussi bien à l’intérieur des structures de production qu’entre ces structures » [3]. R. Escarpit le démontre en rappelant que notre langue emploie le terme de communication pour désigner tous les modes de transport et tous les vecteurs chargés de transporter les messages. Il remarque que le progrès, à leur sujet est d’augmenter leur vitesse. C’est la raison pour laquelle le développement des télécommunications est essentiel dans le développement des sociétés préoccupées par la rentabilité et le rendement. C’est aussi la raison pour laquelle le progrès électronique sur lequel repose cette vitesse, qui doit être toujours plus rapide (!) passe par une recherche théorique et mathématique mettant en lumière les concepts d’entropie, de chaos et de cosmos…
    Cependant, R. Escarpit insiste sans cesse sur les limites du modèle mécaniste des théoriciens de la télécommunication. Leur théorie est partielle, préoccupée par le canal et non par la source. Or cette source est inévitablement une pensée humaine. C’est pourquoi cette théorie partielle de l’information doit être complétée. C’est le rôle des sciences de l’information et de la communication. « Or si la théorie mathématique de la communication permet de définir de façon satisfaisante les exigences du canal, aucun philosophe n’a jamais pu énumérer les exigences de la pensée humaine » [3].
  • Théorie des sciences de l’information et pratique R. Escarpit fait acte de précurseur en publiant la Théorie générale de l’information et de la communication dans laquelle il pose les questions essentielles. Il y réunit deux sciences que de nombreux pays séparent : l’information et la communication. Il est le premier à affirmer l’unité des sciences de l’information et de la communication puisque comme nous l’avons vu avec l’Infocom : « la communication est un acte et l’information est son produit » [4]. Certes les approches scientifiques de ces concepts sont diverses. C’est ce qui explique le pluriel de cette nouvelle science(s) mais leur objet est fondamentalement le même. « Pour moi, l’information est le contenu de la communication, et la communication le véhicule de l’information », formule synthétique mais très clair à retenir.
    R. Escarpit s’inquiète souvent de la docilité à l’instrumentalisation de certains chercheurs qui se laissent accaparer par des travaux répondant à des demandes ponctuelles sans faire progresser la connaissance. Il insiste constamment sur la nécessité de travaux fondamentaux. Il déplore : « l’absence visible de recherche théorique trop souvent sacrifiée à la recherche appliquée ». « Je m’incline devant la qualité des recherches qui sont faites. Mais je le répète, il n’y a pas assez de théorie »[1].
  • Thésaurus Les langages documentaires sont des codes plutôt que des langages. Ils tentent de fixer et de systématiser la convention signifiante afin de donner au signal un le maximum d’entropie. Ils sont élaborés à partir de l’analyse du langage naturel. Leur but est d’éliminer la redondance et d’en arriver à la production d’un seul symbole pour chaque signification par l’élimination de la polysémie et de l’homonymie.
    Mais les thésaurus sont plus faciles à établir dans le domaine des sciences et des techniques que dans les domaines couverts par les sciences humaines. Il n’existe pas de thésaurus satisfaisants pour certaines sciences humaines, notamment l’esthétique [3]. R. Escarpit décrit le thésaurus comme un excellent instrument de récriture. Il permet au documentaliste de récrire un texte en remplaçant dans le texte primaire un terme par un descripteur et en ajoutant des relations que le texte primaire n’explicite pas. Outil de l’analyse documentaire, elle-même récriture puisque son résultat est la condensation d’un texte.

Conclusion

« L’idée fondamentale est de supprimer, non seulement la notion, mais le fait de la « consommation » culturelle pour les remplacer par ceux de « production » culturelle étendue à tous les groupes et ensembles-groupes qui constituent la société ». Sans connaître les possibilités offertes par les progrès technologiques, R.Escarpit décrit parfaitement les objectifs du Web 2.0 qui reposent sur la participation de tous.
    « C’est à nous de décider si le fil par lequel Shannon fait passer ses bits servira à nous étrangler les uns après les autres ou s’il nous donnera la vie unanime d’une conversation dans laquelle chacun aura son mot à dire » [3]

[1] DEWEZE, Jean et LAULAN, Anne-Marie, ESCARPIT, Robert. Interview de Robert Escarpit en 1992. Saint Macaire : SFIC, 1992. Texte et vidéo sont accessibles à l’adresse :  Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://www.cetec-info.org/jlmichel/Textes.Escarpit.92.html
[2] BARKER, Ronald.E et ESCARPIT, Robert. La faim de lire. Paris : Unesco, 1973.
Ce document est accessible en ligne à l’adresse suivante : Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://unesdoc.unesco.org/images/0013/001376/137662fo.pdf
[3] ESCARPIT, Robert. Théorie générale de l’information et de la communication. Paris : Hachette Université, 1976.
[4] ESCARPIT, Robert. L’écrit et la communication. Paris : PUF, 1973.
[5] ESCARPIT, Robert. Théorie de l’information et pratique politique. Paris : Seuil, 1981
[6] MEYRIAT, Jean. Robert Escarpit, la documentation et les sciences de l’Inforcom. Documentaliste- Sciences de l’information, septembre-décembre 2000, vol.37, no 5-6, p. 326-328)
[7] DEWEZE, Jean. Robert. Escarpit (1918-2000) La disparition d’un maître fondateur. In Hommage à Robert Escarpit : actes de la journée d’hommage du 23 octobre 1998.  Communication et Organisation, 2e semestre 2000, numéro Hors série de ISIC-GRECO, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3.

Pour aller plus loin

ROBINE, Nicole. Hommage à Robert Escarpit : Universitaire, écrivain, journaliste 24 avril 1918-19 novembre 2000. Bordeaux : IUT Michel de Montaigne, 2001.

ESCARPIT, Robert. Exposé général introductif. In Premier congrès français des sciences de l’information et de la communication, Compiègne, 21 avril 1978. Accessible à l’adresse : Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://www.cetec-info.org/jlmichel/Textes.Escarpit.78.html