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John Dewey : philosophe américain de l’éducation

par Marie-France Blanquet,
[septembre 2010]

Mots clés : Dewey, John (1859-1952) ,

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John Dewey
John Dewey

Spécialisé en psychologie appliquée et en pédagogie, ce philosophe est principalement connu pour sa célèbre école-laboratoire, appelée communément « l’école Dewey ». Il est un des principaux pédagogues du mouvement d'éducation nouvelle.
Il importe de le distinguer de son homonyme déjà rencontré dans le Personnage du mois et plus connu des documentalistes : Melvil Dewey 

 

Vie d’un grand pédagogue : Apprendre ?

Certainement, mais vivre d'abord, et apprendre par la vie, dans la vie.

1859 : Naissance le 20 octobre  à Burlington dans le Vermont, au sein d’une famille modeste de commerçants.
1879 : Il sort diplômé de  l'Université du Vermont
1879-1882 : Il enseigne comme instituteur en Pennsylvanie, à Oil City,  ce qui lui permet de comprendre qu'il n'est pas fait pour travailler dans l'éducation au niveau primaire ou secondaire.  Il reprend alors ses études au département de philosophie de l’université John Hopkins
1883 : Il travaille sous la supervision de G. Stanley Hall, dans le premier Laboratoire Américain de Psychologie
1884 : Il obtient son Ph.D de l'École des Arts et Sciences de l'Université Johns Hopkins. Sa thèse non publiée et perdue était intitulée "The Psychology of Kant"
1884-1894 : Il occupe  un poste universitaire à l'Université du Michigan. C’est pendant son séjour dans le Michigan que Dewey fait la connaissance de sa future femme, Alice Chipman. Elle est entrée à l’université après avoir enseigné plusieurs années dans différentes écoles du Michigan. Dewey lui doit l’orientation que prennent ses intérêts vers la fin des années 1880. Il lui reconnaît d’ailleurs le mérite d’avoir insufflé « punch et substance » à son travail, et elle a une influence considérable sur la formation de ses idées pédagogiques
1890 : Dewey s’éloigne de l’idéalisme pour s’orienter vers le pragmatisme et le naturalisme. Il commence son combat contre les dualismes qui opposent l’esprit et la pensée, la théorie et la pratique, les sciences et les humanités…
1894-1896 : Naissance et ouverture de l’ « école Dewey » avec 16 enfants et deux institutrices. En 1903, elle compte 140 élèves avec 23 instituteurs et 10 assistants diplômés de l’université.
1894-1904 : Dewey rejoint la nouvelle Université de Chicago où il forme sa théorie du savoir fondé empiriquement, alignant ses idées sur la nouvelle École de Pensée Pragmatique. C’est au cours de la décennie passée à Chicago que Dewey élabore les principes de sa philosophie et commence à entrevoir le type d’école que requiert l’application de ses principes
1897 : Publication de Mon Credo pédagogique (My pedagogic creed) [1]
1899 : Il publie son œuvre principale en matière d'éducation, "The School and Society" ; (L’école et la société) et est élu président de l'Association américaine de psychologie [2].
1903 : Publication de "Thought and its Subject-Matter"ouvrage rassemblant des essais de ses collègues de Chicago, dont le titre collectif était &"Studies in Logical Theory". Dewey dirige alors  le département de philosophie, de psychologie et d'éducation et fonde aussi l'University of Chicago Laboratory Schools (École Laboratoire de Chicago) où il actualise ses connaissances en pédagogie
1904- 1952 : Il est professeur de philosophie à la fois à l'Université Columbia et à l'École Normale.
1905 : Il devient président de l'Association Américaine de Philosophie. Il est également membre de longue date de la Fédération Américaine des Enseignants.
1910 : Comment nous pensons (How we think) [3] : Penser, c'est expérimenter, et en vérifier les conséquences, c'est mettre à l'épreuve une hypothèse par une action, qu'elle soit réelle ou imaginaire. Les idées sont donc des instruments, ou encore des moyens de transformation de l'expérience. Penser implique de ne jamais oublier l'acte de vérification des idées-hypothèses. Explorer comment nous pensons, c'est aussi réfléchir aux manières dont nous pouvons aider les enfants à développer cette aptitude. Il n'y a pas de théorie sur "comment nous pensons " ; sans que l'on puisse la vérifier dans une pédagogie.
1916  Démocratie et éducation. Dewey désigne cette œuvre comme celle qui se rapproche le plus d’une somme de sa doctrine philosophique. « Que signifie la démocratie, si ce n’est que l’individu doit avoir son mot à dire dans la détermination des conditions et des buts de son propre travail ». C’est ce que font, dans son école, élèves et enseignants [4].
1938 : Experience and education [5] l’expérience est essentielle dans l’éducation et pour l’apprentissage des élèves. Dewey décrit et explique le concept d’expérience et montre en quoi elle est importante dans l’éducation.
1952 : Décès le 1er juin 1952 à New York.

Apprendre par l'action : rôle de l'expérience : synthèse de sa philosophie

Dewey est l'initiateur du « hands-on learning » (« apprendre par l'action ») ou pédagogie du projet. Son école-laboratoire est loin de l'autorité habituelle. Le maître est un guide et  l'élève apprend en agissant. Dewey souhaite réconcilier esprit et action, travail et loisir, intérêt et effort. Il pense que l'enfant doit agir plutôt que d'écouter. C’est pourquoi le terme d’expérience revient dans toutes ses œuvres.

  • Art comme expérienceCe document contient une série de dix conférences faites par l’auteur à l’université de Harvard. Il s’applique à combattre la conception du beau comme une manifestation isolée du reste des concepts humains qui conduit à isoler dans des musées, par exemple, des objets intitulés : objets d’art. Pour  lui, la qualité esthétique est la manifestation d’une expérience commune et non un phénomène à part car toute expérience est le résultat d’un jeu réciproque de forces mises en mouvement entre un évènement extérieur et une personne. Ce jeu n’est ni causal, ni désordonné. Il suit un processus avec un commencement et une fin. Lorsque ce processus se développe sans dissonances, alors il revêt par cela même une qualité esthétique ; à l’origine d’une émotion esthétique. L’œuvre d’art étant une œuvre d’expression doit pouvoir être communiquée aux autres. L’art tend donc essentiellement à mettre les hommes en rapport les uns avec les autres et à constituer entre eux, un lien d’expérience immédiate commune, moyen d’échapper à l’individualisme [6]. L'art comme expérience, traduction Jean-Pierre Cometti et alii, Éditions Farrago/Université de Pau, 2005 et Gallimard, 2001
  • AutoritéDans l’école traditionnelle, la méthode d’instruction est largement autoritaire. La discipline est cultivée en rendant les tâches difficiles et parfois désagréables. Le maître a donc assez souvent à exercer la contrainte d’une manière ou d’une autre. La meilleure méthode d’enseignement de l’époque, celle de Herbart, est de manière évidente centrée sur le maître. Le caractère autoritaire de cet enseignement est aussi un témoignage de l’atmosphère sociale de l’école. Le maître est le ‘monarque’ de la salle de classe. La soumission et l’obéissance à sa parole sont des vertus scolaires plus importantes que l’initiative et l’indépendance de l’élève. L’esprit social qui caractérise la salle de classe tend aussi bien à caractériser l’administration de l’école. Car les élèves attendent du maître les principes de leur conduite. Mais ce dernier suit le directeur de l’école, qui, lui, suit les autorités de l’Etat… L’école Dewey va aller à contre-courant de cette conception.
  • Buts de l’éducationDans un univers en constante évolution, le développement de l’enfant doit avoir une fin dynamique et non statique. C’est cette révision constante du processus d’éducation qui rend l’éducation progressive ; et c’est elle qui a placé Dewey a la tête du mouvement de l’Education progressive.
    Le premier  critère d’un but valable de l’éducation est qu’il doit naître des activités actuelles, celles que l’enfant est amené à avoir, celles qu’il voit mener par ses parents, les amis de la famille, les gens dans la rue, les commerçants... Si les fins éducatives tirent leur origine des activités réelles de la vie, elles seront aussi nombreuses et variées que la vie elle-même.
    Le second critère pour un but éducatif valable, c’est qu’il reste flexible. Dans tous les cas, il n’appartient pas à l’enseignant d’imposer aux enfants des buts éducatifs, eux-mêmes souvent imposés par les instances supérieures sans les consulter. Imposer des buts éducatifs à un autre, c’est le priver de l’exercice de prévision, c’est-à-dire de la faculté de s’adapter. L’enfant qui apprend ne doit laisser son choix de but se transformer en un projet rigide et inflexible. Il ne s’agit pas, face à des situations identiques, d’avoir toujours le même comportement stéréotypé et appris. Il faut savoir s’adapter en bénéficiant des acquis de l’expérience.
  • Civisme et démocratieDewey est le premier à associer le terme de démocratie à celui d’éducation. « Démocratie et éducation » est publié un siècle et quart après que les Etats-Unis eurent acquis leur autonomie. Il est le premier à marquer explicitement les conséquences pédagogiques de ce temps d’expérience. Son ouvrage, comme il le déclare dans sa préface, a pour but de recueillir et d’énoncer les idées que suggère implicitement une société démocratique et de les appliquer aux problèmes de l’éducation : c’est-à-dire de fixer les grandes lignes constructives d’une éducation démocratique digne de ce nom.
    Le programme de l’école Dewey se rapporte aux occupations de la communauté. L’éducation est à la vie sociale ce que la nutrition est à l’organisme. Eduquer signifie communiquer aux autres notre expérience afin qu’elle devienne un bien commun.  Et, dans cette communauté, l’enfant a sa place et sa part de travail dans la division du travail instaurée. Ainsi, on développe chez lui le sentiment d’une coopération mutuelle et le sentiment de travailler de façon positive pour une communauté. Par là, l’ordre et la discipline se développent, non à partir d’un ordre du maître, mais à partir du respect propre de l’enfant pour le travail effectué et la conscience prise des droits possédés par d’autres individus engagés dans d’autres parties de la tâche commune. Dewey déclare : « lorsque les conditions scolaires sont si rigides et si formelles qu’elles n’ont aucune parallèle en dehors de l’école, l’ordre extérieur et le décorum peuvent être préservés… des habitudes externes d’attention et de contrainte peuvent être formées, mais aucun pouvoir d’initiative ou de direction, aucune auto-discipline morale [7]. Dans cette situation, l’esprit communautaire est remplacé par « des motivations et des normes fortement individualistes » : crainte, émulation, rivalité, jugements de supériorité et d’infériorité et, de ce fait, « les plus faibles perdent le sens de leurs capacités et acceptent une position d’infériorité persistante et durable » tandis que « les forts sont tentés de se glorifier d’être les plus forts ».
    Pour que l’école puisse cultiver chez les enfants le sens social et développer leur esprit démocratique, il faudrait déjà, estime Dewey, qu’elle soit organisée en communauté coopérative. Si l’on veut que l’éducation prépare à la démocratie, l’école doit devenir « une institution qui soit, provisoirement, un lieu de vie pour l’enfant, où l’enfant soit un membre de la société, ait conscience de cette appartenance et accepte d’apporter sa contribution ».
    Créer dans la classe les conditions favorables à la formation du sens démocratique n’est pas une tâche aisée : en effet, une telle disposition de l’esprit n’est pas quelque chose que les maîtres puissent imposer aux élèves ; il leur faut créer un environnement social propre à inciter les enfants à assumer spontanément les responsabilités d’une conduite morale démocratique. Or, cette vie morale, note Dewey, « n’existe que là où l’individu a sa propre appréciation des buts qu’il se propose et travaille avec intérêt et dévouement à leur réalisation ».  [5] Dewey, 1897 a, p. 77.
    Dewey comprend bien qu’il demande beaucoup à l’enseignant et c’est pourquoi, évoquant vers la fin des années 1890 son rôle et son importance sociale, il le déclare avec emphase « l’annonciateur du vrai royaume de Dieu » !
  • Credo pédagogiqueCe document représente le premier livre pédagogique important de John Dewey. Il contient les idées essentielles qu’il développe par la suite. Pour lui, la science de l’éducation est celle de la formation du caractère. Eduquer, c’est fournir à chaque enfant la possibilité de se réaliser lui-même en développant ses facultés naturelles, et le guider vers des fins à la fois sociale et individuelle. On doit prendre garde avant tout à ne pas contrarier les tendances qui caractérisent la personnalité de l’enfant. Ce dernier ne doit pas chercher à s’adapter aux choses qui l’entourent, comme le veulent les tenants de la pédagogie positive, mais à développer ses propres qualités qui lui permettront plus tard de modifier les données de son existence et l’aideront de cette façon à réaliser son destin.
    Cet ouvrage permet de souligner les deux caractéristiques de la méthode de Dewey : il faut développer l’éducation mentale en fonction de son adaptation à l’existence concrète et non pour ses propres fins ; l’éducation est sociale. Les enfants doivent apprendre à l’école à devenir des membres sains et actifs du pays auquel ils appartiennent. La véritable école ne doit jamais cesser d’être une communauté embryonnaire et un des meilleurs moyens d’atteindre ce but est de développer le travail manuel en commun.
    L’éducation représente une force énorme capable de transformer radicalement aussi bien les individus que les Etats. C’est là tout le Credo pédagogique de Dewey que partagent sûrement de nombreux enseignants
  • DocumentDewey prend une certaine distance avec le document, distance avec laquelle le professeur documentaliste est d’accord car elle repose sur la dichotomie de l’être et de l’avoir.
    En effet, lorsque toute l’expérience sur laquelle est basée tous les buts de l’éducation, est emmagasinée dans des manuels, des encyclopédies, des atlas et des ouvrages du même genre, il est trop facile de regarder ce matériel comme inerte, et d’oublier que sa principale signification est d’être un catalogue en vue de faire quelque chose, en l’occurrence un acte d’apprentissage, c’est-à-dire d’accès au savoir. Dewey désire éviter cette erreur, et montrer que les données emmagasinées dans ces dépôts ne sont pas une connaissance. Elles sont seulement de l’information. Il insiste sur la différence existant entre ces deux concepts. Il se plaint qu’un défaut trop fréquent des programmes réside en ce que les élèves accumulent simplement de l’information. Ils n’en usent pas de manière à en faire de la connaissance. Ils apprennent en vue des buts scolaires (récitations, examens…) mais ils ne perçoivent pas son rapport avec la vie de chaque jour.
    Du coup, la lecture devient pour un lui , un acte comme les autres pas plus et pas moins important que savoir couper du bois pour faire sa maison, ou du tissu pour faire son vêtement ! Un savoir-faire tel que la lecture s’acquiert lorsque l’enfant en arrive au stade où il reconnaît l’utilité de ce dernier pour résoudre les problèmes qui se posent à lui dans les activités qui forment son occupation. « Si un enfant comprend la raison d’acquérir un savoir-faire, l’acquisition lui en est grandement facilitée ». Les livres et la lecture sont donc considérés strictement comme des outils.
  • Éducation centrée sur l’enfantA l’opposé des traditionnalistes, les tenants de cette éducation, tels G. Stanley Hall et des membres de la National Herbart Society, soutiennent que l’enseignement des divers sujets doit être subordonné au développement naturel et sans entrave de l’enfant. Pour eux, l’expression des impulsions spontanées de l’enfant est « le point de départ, le centre, le but ». Dewey leur reproche de ne pas relier les intérêts et les activités de l’enfant aux sujets d’étude. Cette école centrée sur l’enfant est décrite en terme de chaos, d’anarchie, de démission des adultes par les tenants de l’école traditionnaliste quand eux, prônent la spontanéité, le changement, l’épanouissement de l’individualité des enfants.
    Pour Dewey, le débat qui sépare ceux qui défendent l’école traditionnaliste (voir ce mot) et celle qui est centrée sur l’enfant est la manifestation d’un dualisme, contre lequel il s’insurge. Le différend pourrait être résolu, d’après lui, si les deux camps voulaient bien « se débarrasser de l’idée funeste qu’il y aurait opposition de nature (plutôt qu’une différence de degré) entre l’expérience de l’enfant et les divers sujets qu’il abordera au cours de ses études. Il faut faire voir que l’expérience de l’enfant renferme déjà en elle-même des éléments - faits et vérités - de même nature que ceux que contiennent les études élaborées par la raison des adultes ; et, ce qui importe davantage encore, il faut montrer comment elle renferme les attitudes, les mobiles, les intérêts qui ont opéré le développement et l’organisation des programmes logiquement agencés. Il s’agit aussi d’interpréter ceux-ci comme le résultat organique de forces à l’œuvre  dans la vie de l’enfant, et d’y découvrir les moyens de donner à l’expérience insuffisante de l’enfant une maturité plus riche ».
  • « École Dewey »Trois principaux facteurs peuvent expliquer le cheminement qui conduit Dewey vers son école. Le premier concerne la démocratie (voir ce mot). C’est ensuite la révolution industrielle et l’importance de la science moderne. Parmi les disciplines scientifiques, la biologie et la théorie scientifique de l’évolution jouent un rôle de premier plan dans le pragmatisme de Dewey. Il en tire de nombreux arguments par analogie en vue de conclusions d’importance pédagogique.
    Au centre du programme de cette école figure l’occupation, c’est-à-dire un mode d’activité, de la part de l’enfant, qui reproduit un type de travail exercé dans la vie sociale ou lui est parallèle. Dans cette école, les élèves répartis en groupes d’âge,  suivent une éducation fondée sur le travail dans ses manifestations les plus simples et exécutent une grande variété de projets centrés sur différents métiers traditionnels ou contemporains. C’est la cuisine, la couture, la menuiserie… A l’Ecole expérimentale, « l’enfant vient pour faire des choses …et utiliser des outils pour des actes de construction simples ; et c’est dans le contexte et à l’occasion de ces actes que s’ordonnent les études : écriture, lecture, arithmétique, etc.»
    Toute notion acquise se réfère directement à son application pratique, c’est-à-dire à sa fonction sociale. Jeu et gymnastique perdent ainsi beaucoup de leur valeur en soi car le travail manuel  entraîne l’enfant à faire de nombreux mouvements et le jeu parce que son imagination créatrice se développe plus utilement au contact de la réalité
    Au contraire de l’école traditionnelle, l’école Dewey prend comme point de départ non point les activités futures du futur adulte qu’est l’élève, mais les activités communes dans lesquelles il est immédiatement engagé. Le but de l’éducation est donc, non de l’extraire, ou de le développer en accord avec quelque modèle éloigné, mais plutôt de l’aider à résoudre les problèmes suscités par les contacts courants, avec les environnements physique et social. Pour le jeune enfant, ceux-ci viennent de la maison et de la communauté. L’école, dès lors, doit être une prolongation simplifiée et ordonnée de ces situations sociales ; cela en partant des capacités et des tendances présentes de l’enfant. Procurer aux enfants une « expérience de première main » de situations-problèmes qu’ils ont en grande partie créés eux-mêmes, représente la clé de voûte de la pédagogie de Dewey. « Tant qu’on ne s’attache pas à créer des conditions obligeant l’enfant à participer activement à la construction personnalisée de ses propres problèmes et à concourir à la mise en œuvre des méthodes qui lui permettront de les résoudre (fût-ce au prix d’essais et d’erreurs multiples), l’esprit ne peut pas être réellement libéré ».
    « L’école est l’unique forme de vie sociale à fonctionner dans l’abstraction et en milieu contrôlé, à être directement expérimentale, et si la philosophie doit jamais devenir une science expérimentale, le point de départ en est la construction d’une école ».
    L’Ecole Dewey ne dura pas une décade. Dewey, nommé à l’université de Colombia, exprime dès lors sa pensée pédagogique via ses publications.
  • Ecole traditionnelleSon but est la préparation pour une vie adulte ; cela l’entraîne à ne pas relier les sujets d’étude aux intérêts et activités de l’enfant. Ainsi, l’enfant est préoccupé de se préparer à quelque étape future de la vie plutôt que de vivre richement et pleinement le présent. L’éducation est un développement, un déroulement vers quelque fin dernière, vers quelque état de complet développement ou perfection des puissances propres ; c’est l’actualisation des potentialités latentes chez l’enfant. L’actualisation des capacités de l’enfant réside surtout dans l’exercice des facultés comme la mémoire, la raison, la volonté ou l’imagination. Ces facultés peuvent aisément être transférées d’une activité à une autre et si la matière du programme devient plus difficile, le pouvoir développé devrait devenir plus considérable. Cela implique une discipline mentale aussi bien qu’une certaine discipline morale. Les matières du programme sont dès lors choisies et ordonnées en fonction de leur valeur disciplinaire plus qu’en raison de leur relation avec les soucis pratiques de la vie.
    Les traditionalistes, avec en tête William Torrey Harris, commissaire à l’éducation des États-Unis, sont favorables à une instruction distillant avec méthode et dans la discipline la sagesse accumulée de la civilisation. C’est le sujet d’étude qui est le but et qui détermine la méthode à suivre. L’enfant quant à lui n’a qu’à "recevoir, accepter. Il a fait sa part quand il s’est montré docile et soumis ». Le savoir doit être imposé à l’enfant en une succession d’étapes déterminées par la logique du programme abstrait. Or, cette façon de présenter les choses n’intéressent absolument pas les enfants. Ainsi, le maître doit faire appel à des motivations qui n’ont aucun rapport avec le sujet d’études. C’est la crainte qui arrive à produire chez lui les apparences de l’apprentissage.
  • Enfant et élèveLes enfants, affirme Dewey, n’arrivent pas à l’école comme « autant d’ardoises vierges passives sur lesquelles l’enseignant inscrirait les leçons de la civilisation ». Lorsque l’enfant entre à l’école, il est « déjà intensément actif, et il s’agit pour l’éducation de prendre en main cette activité, de lui donner une direction ». L’enfant qui commence sa scolarité apporte avec lui quatre « impulsions innées » -celles « de communiquer, de construire, de chercher à savoir et d’affiner son expression »- qui sont « les ressources naturelles, le capital non investi, dont la mise en valeur conditionne la croissance active de l’enfant » . L’enfant apporte également avec lui les intérêts et les activités du foyer et du voisinage dans lequel il vit, et il incombe à l’enseignant d’exploiter cette « matière première » en orientant les activités de l’enfant vers des « résultats positifs ». Car l’individu se réalise en utilisant ses talents propres pour contribuer au bien-être de la communauté. La fonction cruciale de l’éducation dans une société démocratique est donc d’aider l’enfant à acquérir le caractère, somme d’habitudes et de vertus, qui lui permettra de se réaliser pleinement de cette façon. Cela veut dire d’aller à l’encontre des méthodes à orientation fortement individualiste qui obligent tous les élèves d’une classe à lire en même temps les mêmes livres et à réciter les mêmes leçons. Dans ces conditions, les impulsions de l’enfant s’atrophient et le maître ne peut tirer parti du désir inné qu’à l’enfant de donner, de faire, c’est-à-dire de servir [8].
  • Expérience : maître-mot de DeweyL’expérience représente le concept unique et central de la position philosophique de Dewey. Trois de ces plus importants ouvrages comportent ce terme : L’expérience et la nature / L’art en tant qu’expérience / Expérience et éducation.  L’expérience semble la chose la plus innocente ; mais si l’on n’en use pas avec circonspection, elle peut aisément devenir la plus individuelle des connaissances, nous faisant prendre pour des faits purement objectifs de simples préjugés. Par contre, on peut devenir maniaque au point de ne plus savoir raisonner que sur des principes abstraits, peut-être universels, mais vides de sens réel. Le philosophe empiriste oublie la conscience et le philosophe idéaliste, l’objectivité des choses et finit par réduire toute réalité au processus mythique d’une conscience unique. Les deux mutilent l’expérience de ses éléments essentiels et excluent ce faisant, toute possibilité d’une philosophie saine. Pour Dewey, la valeur des connaissances ne réside pas dans le fait qu’elles sont vraies ou non, mais dans le fait qu’elles possèdent une signification pratique en vue d’une fin supérieure, et c’est bien cette signification pratique qui est, en dernière analyse, le seul critérium de vérité.
    Pour lui,  l’expérience a un double aspect : elle consiste, d’une part, à essayer et, d’autre part, à éprouver. En tant qu’actions et épreuves pour chaque personne, l’expérience est la clé qui fait comprendre la nature de la réalité. C’est aussi la clé nécessaire pour comprendre l’échec et s’en préserver ; l’expérience comprenant l’épreuve aussi bien que la connaissance. La vérité ou la valeur d’une expérience dépend de la relation notée entre ce que l’on essaie et ce qui en résulte. Si les résultats concordent avec les prévisions, alors l’hypothèse est bonne. Les essais futurs seront donc faits à la lumière des résultats antérieurs, et c’est là une activité significative et  intelligente. L’intelligence a donc un rôle instrumental en permettant à l’homme d’établir un lien entre le « faire » et l’ « éprouver ».
    Cependant, le futur se présente toujours avec une part d’inconnu. L’expérience n’est donc jamais définitive et l’homme est voué à la reconstruire continuellement à la lumière de l’expérience future.
    « Le rôle de l’enseignant est de réinsérer les sujets d’étude dans l’expérience. Ces derniers, comme tout savoir humain, sont le produit des efforts de l’homme pour résoudre les problèmes  que son expérience lui a donné de rencontrer, mais avant de constituer cet ensemble ordonné de connaissances qu’ils représentent, ils ont été abstraits des situations qui étaient à l’origine de leur élaboration ».
  • Maitre d’école La pédagogie de Dewey exige de l’enseignant qu’il s’acquitte d’une tâche extrêmement difficile, qui est de « réinsérer les sujets d’étude dans l’expérience ». Pour les tenants de l’éducation traditionnelle, ce savoir doit simplement être imposé à l’enfant en une succession d’étapes déterminées par la logique de ce corpus abstrait de vérité. Or, cette façon de présenter les choses n’intéresse guère les enfants et, en outre, ne leur apprend pas par quelles méthodes d’interrogation et d’expérimentation l’humanité a acquis ce savoir. Aussi le maître en est-il réduit à faire appel chez l’enfant à des motivations sans aucun rapport avec le sujet d’étude, telles que la crainte de la souffrance ou de l’humiliation, pour arriver à produire chez lui les apparences de l’apprentissage. Au lieu d’imposer le sujet à l’enfant de cette manière - ou de simplement laisser l’enfant livré à lui-même comme le préconisent les romantiques - Dewey invite les enseignants à faire entrer la psychologie dans le programme en construisant un environnement où l’enfant se trouve confronté, dans ses activités immédiates, à des problèmes l’amenant à faire appel aux connaissances et aux savoir-faire des sciences, de l’histoire et de l’art.
    Pour pouvoir enseigner de cette façon, c’est-à-dire orienter le développement de l’enfant de façon non directive, il faut de l’aveu même de Dewey que le maître soit un professionnel hautement qualifié, connaissant parfaitement la matière qu’il enseigne, formé à la psychologie de l’enfance et rompu au maniement des techniques permettant de stimuler suffisamment l’enfant pour l’amener à intégrer le sujet d’étude dans son expérience de croissance. Comme le faisaient observer deux éducatrices ayant travaillé avec Dewey, ce maître doit être capable de voir le monde à la fois dans les yeux de l’enfant et avec ceux de l’adulte. « Comme Alice, l’institutrice doit passer avec ses enfants derrière le miroir et, dans ce prisme de l’imaginaire, elle doit voir toutes choses avec leurs yeux et avec les limites qui sont celles de leur expérience ; mais, lorsque la nécessité s’en fait sentir, elle doit être capable de recouvrer sa vision exercée et, avec le point de vue réaliste de l’adulte, de fournir aux enfants les repères du savoir et les outils de la méthode » [7]. Dewey concède que la plupart des instituteurs ne possèdent ni les connaissances ni les savoir-faire nécessaires pour enseigner de cette façon, mais il soutient qu’ils peuvent apprendre à le faire.
    La foi de Dewey en l’enseignant transparaît aussi dans sa conviction, exprimée dans les années 1890, que « l’éducation est la méthode fondamentale du progrès et de la réforme de la société ». Dans la mesure où l’école joue un rôle décisif dans la formation de la personnalité des enfants d’une société donnée, elle peut, si elle est conçue à cette fin, transformer de manière fondamentale cette société. L’école constitue en effet une sorte de bouillon de culture susceptible d’influer réellement sur le cours de son évolution. En fait, si les enseignants faisaient bien leur travail, toute réforme deviendrait pratiquement superflue : une communauté démocratique et coopérative émergerait directement de la classe.
  • Méthode d’enseignementDewey met au point « une méthode du problème » en cinq points qui rivalise avec celle qu’Herbart expose également en cinq points. D’une certaine façon, cette méthode peut être comparée aux étapes de la recherche documentaire…
    La première étape de cette méthode, reconnaissance du problème,  commence avec quelque expérience actuelle de l’enfant. Le point de départ doit impérativement être quelque situation empirique spécifique et actuelle. Pour l’enfant, ces activités prennent leur source essentiellement dans les activités de la maison et de la communauté.
    La deuxième étape, définition de ce problème, concerne la rencontre avec une difficulté. Il y a irruption dans la continuité de l’activité actuelle.
    La troisième étape, solutions possibles,  réside donc dans l’inspection des données qui sont sous la main et qui peuvent fournir une solution ; cela en faisant appel à l’expérience passée. Armés de données choisies, maître et élève forment une hypothèse en vue de restaurer la continuité interrompue de l’expérience. Pour formuler une hypothèse, il faut penser ; cela pour envisager les conséquences probables de chacune (quatrième étape : résultats possibles).
    Enfin, la dernière étape dans la méthode du problème (mise à l’épreuve) réclame que l’on mette l’hypothèse à l’épreuve de l’expérience. Cela devient une épreuve de vérité et de valeur. Pour Dewey, la pensée consiste en bien plus que ce qui se passe simplement à l’intérieur de la tête.
    Cette méthode du problème fournit, pour Dewey, une solution à la question de la motivation de l’étude. La méthode part de quelque activité courante de l’enfant dont, justement parce qu’il s’y est engagé manifeste de sa part un intérêt spontané. Il désire la continuer et devient prêt à surmonter les obstacles pouvant intervenir. L’intérêt naît à ce moment-là du fait que l’élève  voit que certains intermédiaires – le programme- doivent être maîtrisés comme moyens en vue de restaurer la continuité de l’activité originale.
    Dewey voit dans l’effort, non pas un produit de l’énergie, mais un produit de l’intérêt. Il n’y a donc pas d’opposition entre intérêt et effort. De même, il n’y a pas d’opposition entre intérêt et discipline.
    Le succès de la méthode du problème à la fois dans ses phases éthique et logique dépend en grande partie du fait que l’on accorde à l’enfant un vif sentiment de son engagement personnel dans le processus.
  • PédagogieConvaincu que nombre de problèmes rencontrés dans la pratique éducative de son époque ont leur origine dans l’épistémologie dualiste erronée qui la fonde, - épistémologie qu’il dénonce dans ses écrits des années 1890 sur la psychologie et la logique - Dewey entreprend d’élaborer une pédagogie fondée sur les idées qu’il défend : le fonctionnalisme et l’instrumentalisme. Pour avoir passé beaucoup de temps à observer ses propres enfants grandir, Dewey est persuadé que la dynamique de l’expérience est la même chez l’enfant et l’adulte. Les enfants comme les adultes sont des êtres actifs qui apprennent en affrontant les problèmes qu’ils rencontrent au cours d’activités mobilisant leur intérêt. Pour les uns comme pour les autres, la pensée est un instrument qui leur sert à résoudre les problèmes de leur expérience vécue, et la connaissance est la sagesse accumulée qu’engendre la résolution de ces problèmes. Malheureusement, les conclusions théoriques de ce fonctionnalisme n’ont eu, constate Dewey, que peu d’impact sur la pédagogie, et les établissements scolaires ignorent cette identité de nature entre l’expérience des enfants et celle des adultes.
  • PhilosophieCe n’est  pas un hasard, observe Dewey, si, comme lui-même, nombre de grands philosophes se sont intéressés de très près aux problèmes d’éducation, car il existe « une relation intime et vitale entre le besoin de philosopher et la nécessité d’éduquer ». Si la philosophie est  sagesse -la vision d’une « meilleure manière de vivre »- alors une conduite consciente de l’éducation est la praxis du philosophe. « Si la philosophie doit être autre chose que de vaines spéculations invérifiables, il faut qu’elle soit animée par la conviction que sa théorie de l’expérience est une hypothèse qui ne se réalise que pour autant que l’expérience est effectivement modelée en accord avec elle. Et cette réalisation exige que l’homme soit mis dans des dispositions d’esprit telles qu’il désire et recherche ce type d’expérience. Ce modelage des dispositions peut s’effectuer par l’intermédiaire de divers agents, mais dans les sociétés modernes l’école est l’un des plus déterminants et, à ce titre, constitue le lieu indispensable où une philosophie se concrétise en "réalité vivante" ».
  • Programme scolaireLes disciplines scolaires n’ont pas l’objectif de développer les facultés de l’enfant.  Le programme doit être un instrument qui aide l’enfant à réaliser tous les projets que celui-ci peut avoir formulés dans le but de contrôler le résultat de ses activités présentes. Il doit faciliter le passage de la maison à l’école, répondre aux besoins de l’enfant comme la nourriture, l’habillement, le logement. Du coup, écriture et lecture deviennent des instruments destinés à enrichir des activités vitales de base comme l’approvisionnement en nourriture, confection d’un habit ou construction d’un abri. Le programme est donc un moyen de réaliser les buts de la vie courante. Dewey parle du divorce entre le savoir et son application. Or, aucune instruction ne peut réussir en séparant le savoir du savoir-faire. Le cœur d’une instruction motivée consiste à garder constamment à l’esprit la relation entre les fins et les moyens. Dès lors, l’école doit mettre l’accent sur des activités manuelles  comme la cuisine, la menuiserie, la couture… en prise directe avec la réalité quotidienne.
    Le programme adéquat pour réaliser le genre de buts que Dewey a dans l’esprit doit nécessairement être un programme d’expérience : impliquant à la fois un faire et une épreuve.
    Le premier signe d’un bon programme, c’est qu’il est en rapport avec les soucis de l’expérience personnelle de l’enfant dont il tire sa source. Le second signe, c’est qu’en agissant sur ce programme, l’enfant parvient à une vue plus claire à l’intérieur de son expérience, en même temps qu’à un accroissement d’efficacité dans l’expérience.
    En fait le programme est là pour rappeler à l’enseignant quelles sont les voies ouvertes à l’enfant. « Veillez à réaliser jour après jour les conditions qui stimuleront et épanouiront les pouvoirs actifs de vos élèves. Il faut que l’enfant accomplisse sa propre destinée telle qu’elle se révèle à vous dans les trésors des sciences, de l’art et de l’industrie », conseille-t-il.
  • Théorie sociale de l’éducationDewey  s’intéresse aux problèmes éducatifs essentiellement d’un point de vue sociologique. C’est à la sociologie qu’il revient de déterminer la nature et les méthodes de l’éducation, et l’éducation a pour but principal de former des individus aptes à faire face à la vie moderne. L’intellectualisme pur, fait de quelques privilégiés, doit faire place à une nouvelle culture dans un monde où les classes sociales sont entrées en rapport les unes avec les autres. L’enfant ne doit plus être instruit de notions et de connaissances abstraites mais doit être préparé à jouer un rôle dans la vie sociale.
    L’éducation est essentiellement un processus social, un processus de partage de l’expérience. Dewey s’oppose au dressage de l’enfant qui apprend à se conduire de manière à agir comme un adulte même s’il ne partage pas les mêmes idées et dispositions émotionnelles. Pour lui, il faut traiter l’enfant plus comme un partenaire égal que comme une personne à dresser.
    Une bonne société est une société dans laquelle il y a un maximum d’expérience partagée non seulement entre ses membres, mais aussi entre ses membres et ceux des autres sociétés. La forme de société qui remplit le mieux ces caractères est la démocratie, mode de vie en association qui permet de renverser les anciennes barrières de races, de classes ou de sectes qui gênent sa libre communication.
    Une école démocratique qui apprend aux enfants à agir dans leurs communautés à la lumière du plus large partage possible de l’expérience est vouée à jouer un rôle dans la reconstruction de l’ordre social. Ainsi, l’éducation et la politique sont une seule et même chose en tant que chacune a des prétentions à une gestion intelligente des affaires sociales. Le sens de la démocratie en éducation est un sens moral. Or, pour Dewey, social et moral ne font qu’un. La marque morale d’une société démocratique est qu’elle traite l’expérience de manière à partager avec les jeunes, les opportunités d’une gestion intelligente des affaires sociales.
  • Travail manuel (éducation professionnelle)Puisque le programme valable se rapporte à l’expérience quotidienne de l’enfant à la maison et dans la communauté, Dewey attache une très grande importance aux occupations de la maison et de la communauté, donc au travail manuel. Ce dernier fournit, à travers les phases variées des diverses occupations, d’excellentes opportunités pour apprendre les matières du programme, non simplement comme une information en vue de fins scolaires, mais comme connaissance issue des situations de la vie réelle. Ainsi, lorsque les enfants apprennent dans l’école Dewey, le jardinage, la couture, la menuiserie… c’est pour apprendre, par delà ces expériences, la botanique, les sciences économiques, les mathématiques…
    De ce fait, il n’y a pas de hiérarchie : l’élève s’applique tout autant pour apprendre l’histoire, les mathématiques et les sciences que pour apprendre la musique, la poésie ou la peinture.
    Dans Démocratie et éducation, Dewey étudie la distinction établie par les Grecs entre culture et utilité pratique. Cela a entraîné l’idée qu’une vie vraiment digne d’être vécue ne peut l’être que par ceux qui pensent et qui vivent du travail des autres. En termes pédagogiques, cette distinction sépare l’éducation libérale et l’éducation professionnelle qui limite l’éducation des travailleurs à une instruction scolaire élémentaire. Dans une société démocratique, toute distinction entre une instruction libérale et une éducation technique doit disparaître. Cette éducation atténuerait les défauts du système économique actuel. « L’enseignement professionnel qui m’intéresse, n’est pas celui qui adapte l’ouvrier au régime industriel existant ; je ne suis pas suffisamment épris de ce régime pour cela ».

Conclusion

En un temps où l'on se réclame de la pédagogie du projet, qu'il s'agisse des projets d'établissements scolaires, des projets d'action éducative, des projets pédagogiques de toute espèce, la référence à l'oeuvre de Dewey devrait être constante. Or, elle reste bien trop oubliée. L'oeuvre de Dewey reste importante. Elle a le mérite de poser des problèmes et des questions d'une actualité incontestable.

[1] DEWEY, John. Mon Credo pédagogique. 2e édition. Paris : Vrin, 1958
[2] DEWEY, John. L’école et la société. Paris : Delachaux et Niestlé, 1913
[3) DEWEY, John. Comment nous pensons. Paris : Flammarion, 1931
[4] DEWEY, John. Démocratie et éducation. Paris : Armand Colin, 1975
[5] DEWEY, John. Expérience et éducation. Paris: Armand Colin, 1968
[6} DEWEY, John. L’art comme expérience. Gallimard, 2010
[7] MAYHEW, Katherine, EDWARDS, Anna. L’Ecole Dewey. New-York : D. Appleton-Century Company, 1936
[8] WESTBROOK, Robert B. John Dewey (1859-1952). Perspectives: revue trimestrielle d’éducation comparée, 1993, vol.XX