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Les bibliothèques scolaires en Hongrie

Par Isabelle Estève, documentaliste au CRDP de Basse-Normandie (Caen),

Mots clés : Hongrie , bibliothèque , international

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Interview de Zsuzsa Hock, bibliothécaire-documentaliste au Városmajori Gimnázium de Budapest (Hongrie)

Bonjour. Pouvez-vous présenter l'établissement dans lequel vous travaillez ?

Zsuzsa Hock : Je travaille dans un lycée, le Városmajori Gimnázium à Budapest, dans un quartier résidentiel. Ce lycée construit en 1989 est donc relativement neuf. Il accueille environ 650 élèves, âgés de 12 à 18 ans. Une centaine d'adultes, toutes catégories confondues (employés, administratifs, personnels de santé et de cuisine) y travaillent, dont 60 enseignants.
Il y a de 35 à 40 élèves dans chacune des 20 classes de l’établissement; mais de nombreux cours sont dédoublés. On y enseigne essentiellement les mathématiques ( qui constituent le plus grand nombre d'heures),  la musique, la littérature et l’informatique.

Quel est votre parcours professionnel ?

Zsuzsa Hock : J'ai suivi des études en Sciences de l'Information et de littérature de langue hongroise ; je suis titulaire d'un master. J’ai exercé pendant 26 ans le métier de bibliothécaire scolaire, et au cours de ces 26 années, j'ai travaillé dans divers types d’établissements scolaires : lycée de sport, lycée commercial, lycée Français de Budapest et maintenant, le lycée Városmajori.
Actuellement, je suis premier surveillant des bibliothèques scolaires de Budapest. J'ai essentiellement un rôle de coordination et de suivi des bibliothèques.

Existe-t-il des cdi dans tous les établissements scolaires hongrois ?

Zsuzsa Hock : En Hongrie il y a environ 6000 écoles et lycées (privés et publics ) mais il n’y a que peu de cdi. Il n’y a pas de données chiffrées fiables, mais on peut estimer qu’il existe un cdi dans environ un établissement sur deux.
Á Budapest il y a 1000 écoles et presque toutes emploient un bibliothécaire-documentaliste.
Il existe une grande disparité entre les cdi :
en ce qui concerne la surface, cela peut varier d’une seule petite pièce (30-50 m2 ) à une grande, voire plusieurs pièces ( réparties en lieu de travail, salle informatique, salle des périodiques, etc.), le tout pouvant atteindre 100 à 500 m².
en ce qui concerne le personnel, il peut s'agir d'un bibliothécaire-documentaliste sans formation (une personne en retraite, un enseignant de discipline, etc.), d'un documentaliste qui a suivi une formation, de deux documentalistes, d'un documentaliste et d'un assistant, etc.

Pouvez-vous nous parler de l'organisation des lieux ?

Zsuzsa Hock : Il y a de tout petits cdi (constitués d'une, deux, voire trois armoires fermées), des cdi sans équipement informatique ni multimédia. Dans ces salles il peut y avoir des cours le matin ; l’après-midi, on ouvre les armoires qui contiennent les documents - ceci pas seulement dans les petits villages mais également dans des villes telles que Budapest-.
Il existe également des cdi – comme celui dans lequel je travaille – qui bénéficient d’un équipement informatique, d’accès à Internet, de photocopieurs, de scanners, etc.
Entre les deux, il y a tous les cas de figures... La constante est que généralement, les conditions de travail sont étroitement liées à la personnalité du bibliothécaire-documentaliste.  

Comment sont recrutés les personnels exerçant dans les bibliothèques scolaires?

Zsuzsa Hock : En 1993, l’État a codifié dans la Loi d’éducation la possibilité du recrutement d’un bibliothécaire-documentaliste dans chaque établissement, en précisant le rôle et les missions des bibliothécaires-documentalistes : depuis le travail pédagogique jusqu’aux divers travaux, la nécessité de recruter un bibliothécaire-documentaliste, le nombre d’heures d’ouverture et de fonctionnement, le volume minimum des documents, la liste des objets techniques, le nombre de mètres carrés, etc. Selon les textes officiels, il faut un poste de bibliothécaire-documentaliste dans chaque établissement, mais il est courant d’employer un ancien enseignant désormais à la retraite.
Personnellement, j'ai passé un concours – un entretien – pour un poste auquel postulaient 12 candidats. Le jury était composé du proviseur, des deux directeurs, de représentants syndicaux, de représentants de chaque groupe des enseignants de discipline. Pour postuler, il fallait déposer un C.V., un projet pour le cdi, le tout étant suivi d’un entretien sous la forme de questions-réponses.

Quels types de formation suivent les documentalistes hongrois ?

Zsuzsa Hock : Des modifications sont en cours en ce qui concerne la formation des bibliothécaires-documentalistes. Actuellement, il existe deux formations :
des formations d'un à quatre ans de type école supérieure, ce qui permet d'obtenir un diplôme valable dans les écoles où les enfants scolarisés ont entre 7 et14 ans;
des formations  d'un à cinq ans de type universitaire, ce qui permet d’exercer dans des lycées où les élèves scolarisés ont entre 15 et18 ans.
Mais en Hongrie, il n’existe pas de CAPES de documentation comme en France. Nous ne bénéficions que de quelques séminaires de formation. Nous sommes en train de préparer une formation spécialisée, à laquelle je participe.
Pour toutes ces raisons, actuellement toute personne qui aime lire peut devenir bilbiothécaire-documentaliste. Quelqu’un qui est titulaire d’un diplôme pédagogique validé et qui a suivi un cours de bibliothéconomie peut demander à avoir un poste dans un cdi.

Quelle place occupe le bibliothécaire-documentaliste au sein de l'équipe éducative ? En particulier, y-a-t-il une reconnaissance effective de son rôle pédagogique ?

Zsuzsa Hock : Selon la loi, le bibliothécaire-documentaliste est un professeur qui appartient au corps enseignant, qui participe à toutes les réunions pédagogiques. Par ailleurs, il est tenu d’enseigner les techniques de recherche d’information, d’utilisation des ressources, etc. Mais en pratique, cela dépend beaucoup des collèges, du proviseur et naturellement du bibliothécaire / documentaliste.
Personnellement, j’ai  toujours fait partie de l’équipe éducative.
La Loi éducative reconnaît l’égalité entre les enseignants de discipline et les bibliothécaires-documentalistes. Le programme national scolaire de 2003 a octroyé un rôle important aux cdi, avec la nécessité par exemple d’accéder aux TICE. Chaque établissement a élaboré un programme pédagogique en adéquation avec les programmes nationaux et les particularités locales. Il existe donc, du moins théoriquement, égalité. En réalité, cette égalité entre enseignants et bibliothécaires-documentalistes n’est réellement effective que si ce dernier a une personnalité assez forte.
La loi, dans le Programme Scolaire National, définit le rôle pédagogique du bibliothécaire-documentaliste. Chaque institution doit élaborer son programme pédagogique; et dans ce programme, il est théoriquement obligatoire d’inclure aussi un programme pour la bibliothèque. Mais, très souvent, cela reste théorique :
- soit le bibliothécaire-documentaliste n’a pas de formation
- soit le bibliothécaire-documentaliste a du mal à s’imposer, à trouver et prouver sa place et son rôle.
Personnellement, j’ai élaboré mon programme, et la moitié des enseignants s’y est associé, soit 30 à 35 enseignants. J’ai pu enseigner soit dans le programme de langue hongroise, soit dans des cours d’informatique, soit pendant l’heure de professeur principal.
Nous pouvons également travailler dans divers cours : avec les enseignants de physique, de mathématiques, etc.

Quelle est l'amplitude d'ouverture des cdi ?

Zsuzsa Hock : La loi dit qu’il faut ouvrir le cdi aux élèves pendant les heures d’enseignement, soit 22 heures par semaine. Cette même loi dit aussi qu’il faut un bibliothécaire-documentaliste à plein temps. Dans les faits, dans les bibliothèques scolaires il y a un seul documentaliste qui doit faire tout le travail ! Il est donc très fréquent que le cdi ne soit ouvert que 4 à 5 heures dans les établissements. 
Il est très rare qu’il y ait –comme c’était le cas dans mon établissement- deux bibliothécaires-documentalistes. Cela nous a permis d'ouvrir tous les jours de 8 à 16 heures.
Dans mon établissement d'exercice, la bibliothèque scolaire est ouverte aux élèves de 7h30 à 16h00. Nous sommes deux à en assurer la gestion et l'animation : moi-même et un assistant (qui ne possède pas de certificat professionnel).

Comment se fait le financement des cdi ?

Zsuzsa Hock : L’établissement scolaire construit son budget chaque année, et une part de ce budget est spécialement consacrée aux documents. Cependant, il est très fréquent que le responsable du budget de l’établissement dise qu’il ne peut y avoir de crédits spécifiques pour la bibliothèque.
Les documentalistes ne peuvent donc pas systématiquement compter sur un budget fixé à l’avance et correct. Ils compensent en faisant des estimations à partir de leurs achats de l’année précédente, et peuvent ainsi programmer leurs acquisitions le plus correctement possible.
En Hongrie, il y a également des possibilités de financement sur projet auprès d’associations ou de fondations qui peuvent verser des subventions. Cependant, les possibilités de financement sont moindres pour les bibliothèques scolaires que pour les bibliothèques publiques.  

Quelle place occupent les TICE dans les établissements scolaires hongrois, en particulier dans les cdi ?

Zsuzsa Hock : Depuis 2003, chaque lycée possède des salles informatique et des accès Internet ; chaque bibliothèque scolaire dispose d'un à trois ordinateurs. Par exemple, dans le lycée où j’étais en poste, il y avait six ordinateurs.
De plus, depuis 2005, nous avons des formations à la recherche sur Internet à l’Ecole Normale. Cependant, il y a encore beaucoup de collègues qui ne savent pas  utiliser les ordinateurs et l’informatique, ni ne savent quel usage pédagogique en faire.
Par exemple, dans mon cdi, il y a 5 postes informatiques connectés à Internet réservés aux élèves, qui peuvent naviguer librement.

Existe-t-il des associations professionnelles qui défendent la "cause" des bibliothécaires-documentalistes ?

Zsuzsa Hock : Depuis 1986, il existe une association des bibliothèques scolaires : j’en ai été la présidente et désormais j'en suis la vice-présidente. Globalement, l’association oeuvre pour la reconnaissance du métier. Nous sommes en train d’élaborer la formation des bibliothécaires scolaires, puisqu'en Hongrie, il n’existe pas de CAPES et que donc, les personnels peuvent travailler comme bibliothécaires-documentalistes sans formation spécifique.
Le rôle des partenariats, tout du moins les liens avec d’autres institutions, est très important. Nous essayons de créer des liens, de monter des partenariats avec l’Institut National de la Bibliothèque, avec la Bibliothèque pédagogique Nationale et avec les 19 centres pédagogiques implantés dans chaque région, ainsi qu’avec les associations pédagogiques.
Un autre problème actuellement en Hongrie est lié à l’existence de deux ministères : un Ministère de l’Education et un Ministère de la Culture. D’une part toutes les bibliothèques, à l’exception des bibliothèques scolaires, dépendent du Ministre de la Culture. D’autre part, au Ministère de l’Education, il n’est pas fait référence aux bibliothèques scolaires, et par conséquent celles-ci ne reçoivent pas de budget spécifique. Pourtant, selon la loi, nous dépendons bien du Ministère de l’Education...
Le Ministre de la Culture n’inclut pas les bibliothèques scolaires dans son budget, bien qu'il nous demande des comptes chaque année. Malgré cela et paradoxalement, les deux ministères nous sollicitent régulièrement pour avoir nos avis sur les nouvelles lois.

Vues du cdi du Városmajori Gimnázium de Budapest

1. Monôme après le baccalauréat ...
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2. Cdi du Városmajori Gimnázium de Budapest
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3. Cdi du Városmajori Gimnázium de Budapest
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4. Les élèves ont à leur disposition environ 25 000 documents  dont 18 000 livres.
4. Les élèves ont à leur disposition environ 25 000 documents dont 18 000 livres.