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Internet scolaire : la liberté surveillée

Par Marie-Hélène Pillon,
SavoirsCDI [avril 2004]

Mots clés : internet , sécurité

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Pierre Gardenat [SavoirsCDI 2004]
Pierre Gardenat [SavoirsCDI 2004]

Interview de Pierre Gardenat
Service Informatique du rectorat de Rennes - Bureau du développement des usages TIC

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, relater votre parcours professionnel et préciser vos responsabilités actuelles ?

Pierre Gardenat : Je travaille actuellement au service informatique du rectorat de Rennes et je m’occupe plus particulièrement du développement des usages pédagogiques liés aux TICE.
Concernant mon parcours, j’ai commencé après mon baccalauréat une formation scientifique en maths sup. au lycée Chateaubriand à Rennes. Je me suis assez vite arrêté pour passer en lettres supérieures. Après mes années de lettres supérieures, j’ai intégré l’université et j’ai passé une agrégation de lettres classiques. Au bout de quelques années d’enseignement, j’ai été contacté par une inspectrice pédagogique régionale de Lettres qui m’a proposé de travailler sur le site Web des lettres de l’académie. Ce que j’ai accepté et, de fil en aiguille, j’ai intégré le service informatique.

La circulaire ministérielle du 18-2-2004 intitulée « Usages de l’internet dans le cadre pédagogique et protection des mineurs » parue au BO n°9 du 26 février 2004 propose aux établissements un certain nombre de mesures d’aide (listes blanches, listes noires, filtres, etc.), de mesures de formation, de responsabilisation. Pouvez-vous préciser rapidement ce que sont les listes noires, les listes blanches et les filtres ?, et nous dire, si de votre point de vue, les mesures proposées dans cette circulaire répondent à l’attente des équipes éducatives ?

Pierre Gardenat : Il est évident qu’une circulaire sur la protection des mineurs était attendue par les utilisateurs du système éducatif. Mais cette circulaire n’aborde pas un certain nombre de points pour des raisons qui sont liées à la complexité de la situation de l’Internet en France, complexité qui existe ailleurs aussi. Actuellement Internet n’est pas réglementé, ou alors réglementé d’une manière qui ne correspond pas aux besoins des utilisateurs, en particulier pas à ceux du système éducatif. Pourquoi Internet n’est-il pas réglementé ? Parce que sans doute, Internet offre un certain nombre de promesses de marché, parce qu’Internet est avant tout poussé par le commerce et que les domaines commerciaux qui fonctionnent le mieux sur l’Internet sont les domaines liés à la pornographie, ce qui ne va pas dans le sens de la protection des mineurs !
Qu’entend-on par listes blanches et listes noires ?
Une liste noire est une liste de sites que l’on va déclarer inappropriés au système éducatif. On va donc filtrer l’accès à Internet via cette liste noire. Lorsque le navigateur du poste informatique d’un établissement essaie de se connecter à l’un de ces sites, une machine se charge alors de regarder si le site figure dans la fameuse liste noire et, si c’est le cas, elle va renvoyer un message au navigateur disant qu’on ne peut pas avoir accès à ce site.
Actuellement la liste noire la plus utilisée dans l’Éducation nationale est une liste qui est mise à jour par l’université de Toulouse et le dispositif qui permet d’avoir accès à cette liste s’appelle SquidGuard. C’est le système adopté dans l’académie de Rennes à travers le SLIS. 415 000 adresses sont actuellement répertoriées dans cette liste.
La liste blanche est une liste qui fonctionne sur un modèle inverse, c'est-à-dire que l’on va autoriser un certain nombre d’adresses préalablement validées et dont on est sûr qu’elles ne présentent pas de risques particuliers pour la jeunesse.
Evidemment chaque type de liste a ses avantages et ses inconvénients : la liste noire permet aux élèves d’avoir accès à tous les sites qui ne sont pas interdits, ce qui veut dire qu’on a quand même potentiellement accès à une grande variété de sites et que, dans la mesure où la liste noire est gérée par des humains, on va laisser passer des sites que la machine pourrait considérer comme ambigus. Prenons un exemple simple, un site utilisé dans le cadre des SVT qui aborde la reproduction sexuée : si c’était la machine qui décidait de laisser apparaître ce type de site, il y a de fortes chances que l’accès au site serait bloqué. L’inscription dans la liste noire sera décidée par un être humain et celui-ci pourra très bien considérer que c’est un site qui correspond aux besoins des élèves.

Un des problèmes principaux des listes noires n’est-il pas celui de leur mise à jour ?

Pierre Gardenat : Effectivement, c’est le problème majeur de ce type de filtrage. Actuellement on estime que plusieurs centaines de sites indésirables apparaissent chaque jour. Il est évident qu’une personne seule ou qu’un groupe de personnes n’est pas capable de « scanner » tous les jours l’ensemble de l’Internet pour découvrir si tel ou tel site pose problème. C’est un travail qui doit être fait de manière collective, c’est la raison pour laquelle en France le nouveau dispositif mis en place prévoit une chaîne d’alerte. Les problèmes qui sont repérés dans les établissements scolaires doivent être remontés auprès du RSSI (responsable sécurité du système d’information de l’académie) qui traite les problèmes avec les services du CTICE. Si le problème est jugé sérieux, il sera signalé au niveau national. Aux différents niveaux, on peut demander la mise à jour de la liste noire via un formulaire disponible sur Internet.
Mais cela ne suffit pas et ce dispositif comporte des failles particulièrement dangereuses, liées à des types de sites particuliers.
J’en distinguerai deux  :

– Les premiers sont les proxys http. Un proxy http est un système de rebond. Le proxy http ne filtre rien a priori et il va donc laisser passer tout type d’adresses ; si ce proxy http n’est pas filtré par SquidGuard, on pourra récupérer les 415 000 adresses interdites, seulement parce qu’une seule adresse n’aura pas été filtrée ;

– Le deuxième danger, lié à cette liste noire et à sa mise à jour est le problème des sites pédophiles. La plupart du temps ce sont des sites d’apparence tout à fait anodine : difficile par exemple de savoir que des sites sur les poupées Barbie ou les Pokemon présentent un danger réel pour la jeunesse et malheureusement l’expérience nous a montré que des réseaux pédophiles peuvent se cacher derrière ce type de sites. Ils vont par exemple inviter les enfants à prendre contact avec des adultes par l’intermédiaire de messages attrayants où l’on va leur promettre l’envoi de cadeaux, enfin des choses de ce genre… 

Récemment sur une liste de diffusion académique, un documentaliste signalait qu’en faisant une recherche sur des textes classiques il était tombé sur une anthologie de littérature pédophile, plus ou moins camouflée sous un habillage littéraire

Pierre Gardenat : Ce sont souvent des sites d’associations, de courants libertins qui se cachent derrière des affichages de pensée libertaire mais qui hélas, bien souvent, défendent ou présentent des textes qui ne sont pas forcément choquants au premier abord, mais qui se révèlent particulièrement ambigus pour des lecteurs non avertis…

Les listes blanches, outre le fait qu’elles soient restrictives, posent la question de la sélection des sources autorisées. Qui sélectionne, à quel niveau, selon quels critères ?

Pierre Gardenat : Le principal inconvénient de la liste blanche est qu’on est obligé de dire ce qu’on autorise. C’est comme si dans une bibliothèque on disait aux élèves : « Vous n’aurez accès qu’aux deux ou trois livres qu’on a choisis pour vous. » Se posent effectivement les questions du choix : qui va choisir ?, en fonction de quels intérêts ?
On peut penser, et ce serait la situation idéale, que l’enseignant pourrait, dans le cadre d’une pédagogie adaptée aux élèves qu’il a en face de lui, choisir lui-même les sites qu’il va mettre à leur disposition. Mais cela représente un travail énorme et on ne peut pas imaginer que chaque enseignant fasse ce travail pour l’ensemble de ses classes et qu’il assure le travail de mise à jour régulière.

C’est le travail que l’enseignant fait parfois (mais à une autre échelle) quand il fournit une bibliographie à ses élèves. Savoir chercher, trier, sélectionner les informations est une compétence fondamentale à faire acquérir aux élèves.

Pierre Gardenat : Effectivement, une des problématiques qui prend de plus en plus d’importance dans les établissements est celle de la recherche documentaire à partir de moteurs très puissants comme peut l’être par exemple le moteur Google. Dans ce cas, on voit bien que lorsqu’il s’agit, à partir d’une recherche dans Google, d’autoriser un certain nombre de sites, on se trouve très vite démuni par le bruit que génère le moteur et par la très grande incertitude que l’on a sur les résultats que l’on va obtenir.

Il existe peu de solutions à part celle de dire qu’il y a des groupes de personnes qui vont décider si tel site peut être autorisé ou non et s’il présente un intérêt ou non pour l’élève. Ces groupes de gens devraient être constitués de manière à représenter différents courants d’idées, différents courants politiques, différentes tendances dans l’Éducation nationale. Mais on imagine mal que ce type de groupes puisse fonctionner de manière pérenne dans un monde où les crédits de l’éducation sont relativement restreints. Ce qui laisse une large place à l’arbitraire. Qui devra décider des ressources accessibles ? C’est une question qui actuellement est ouverte.

Vous imaginez donc la sélection des sites se faire plutôt au niveau de l’établissement ?

Pierre Gardenat : Oui, l’équipe éducative est la plus compétente pour sélectionner les ressources les mieux adaptées au public dont elle a la charge.

Que pensez-vous d’un projet comme Éducasource ? Quels sont, de votre point de vue, les intérêts d’un outil de ce type ?

Pierre Gardenat : Éducasource présente un certain nombre de ressources classées en fonction de disciplines, de domaines ou centres d’intérêts et destinées au public scolaire. L’intérêt évident est qu’il s’agit d’une banque de ressources validées qui donc, a priori, ne présentent pas de risques quant à leur consultation. L’inconvénient majeur est qu’on se limite là encore considérablement. Quand on se limite aux ressources répertoriées dans Éducasource c’est un peu comme si l’on réduisait une énorme bibliothèque à quelques ouvrages et qu’on décidait de fermer les yeux sur l’ensemble des autres livres. On restreint considérablement le champ des savoirs.

Et n’oublions pas que l’accès à Internet à l’école n’est qu’une petite partie de l’accès à Internet. L’élève peut avoir accès à Internet de plusieurs lieux de l’établissement; de son domicile ou de d’autres points encore et dans ce cas, quid du filtrage dans les bibliothèques ? Quid du filtrage chez lui ? Si on décide de filtrer dans l’établissement scolaire, est-ce que l’on remplit le rôle que l’école s’assigne en matière d’éducation ? Est-ce que le fait d’aseptiser les ressources de cette manière en disant « voilà, on ne met à disposition des élèves que des ressources déjà validées » ne risque pas de présenter à terme plus de danger pour l’enfant que le fait de lui apprendre à naviguer au milieu des récifs ?

Développer l’esprit critique des élèves est l’affaire de toute l’équipe éducative, c’est l’affaire de l’école, c’est l’affaire des parents, c’est l’affaire aussi des associations, de tous ceux qui font partie de ce système d’éducation.

Pensez-vous que le documentaliste ait un rôle spécifique à jouer dans le développement de l’esprit critique des élèves face à l’information ?

Pierre Gardenat : Le documentaliste dans l’établissement, c’est un peu le « nombril », il est à fois extérieur et au centre. Il est extérieur car il n’enseigne pas une discipline de manière fixe même s’il a des compétences à faire acquérir aux élèves, et il est au centre car toutes les disciplines ont besoin tôt ou tard de recherches documentaires et la majorité des recherches vont se dérouler au CDI. Le documentaliste est au centre de cette problématique de la recherche, ce qui en fait un moteur dans cette éducation aux risques de l’Internet.

En ce concerne l’accès des élèves aux ressources documentaires, il y a un débat entre les enseignants qui pensent que l’élève doit commencer par rechercher dans le catalogue du CDI les documents dont il a besoin et, dans un deuxième temps, consulter le Web, et ceux qui ne voient pas l’utilité de ce passage obligé par le catalogue du CDI. Quel est votre avis d’enseignant sur ce débat ?

Pierre Gardenat : En fait, tout dépend de la nature de la recherche qu’on est amené à conduire. Si la recherche concerne une actualité brûlante sur laquelle les documents du CDI (sur papier mais pas seulement) auront du mal à apporter de l’information appropriée et à jour, il est certain que la recherche sur Internet présente un intérêt particulier ; en revanche, pour des recherches sur des sujets classiques, le papier doit jouer son rôle, il ne faut pas opposer la recherche papier et la recherche numérique comme le font effectivement certains enseignants. Il s’agit de ressources qui sont tout à fait complémentaires. Le recours aux documents papier au CDI a un intérêt évident, c’est comme une « liste blanche » : l’élève a accès à des ressources qui ont été sélectionnées par l’équipe éducative.

Revenons à la question : comment apprendre aux élèves à valider l’information ?

Pierre Gardenat : C’est un vaste débat, et il n’y a pas de réponse toute faite. Comment repérer qu’une information est valide ou non ? Il faut donner aux élèves toutes les pistes qui leur permettent de « critérier » l’information, de la reconnaître, d’en connaître la source. Si l’on apprend à l’élève à repérer qui est l’auteur de la ressource, quand elle a été produite, on va lui donner les moyens de comparer ces données avec les données d’une autre source. Ensuite, il pourra sur la base de l’appartenance de l’auteur à tel ou tel courant d’idées, à tel ou tel courant politique, sur la base de la date à laquelle l’information a été produite, avec une prise en compte de l’actualité de l’époque, confronter ces différentes informations et voir si la source répond à des critères d’objectivité qui sont propres à apporter une certaine valeur au document qu’il vient de trouver.

Il faut apprendre à l’élève à regarder au-delà de la ressource, à identifier ce qui fait de la ressource une ressource objective ou non.

Un autre fléau souvent signalé par les enseignants est l’utilisation massive par les élèves du « copier/coller » de ressources consultées sur Internet. Ce « copiage » a toujours existé et a toujours été dénoncé par les enseignants. Le phénomène est certes amplifié avec Internet, parce que facilité, mais le meilleur moyen de lutter contre ces dérapages n’est-il pas d’apprendre aux élèves à respecter la propriété intellectuelle en signalant les sources par exemple ?

Pierre Gardenat : La copie et le plagiat ont toujours existé. On le constate dans le monde de l’édition où l’on trouve régulièrement des procès de gens qui ont écrit des livres qui ressemblent beaucoup à des livres écrits antérieurement. Ce n’est pas un problème nouveau et ce n’est pas un problème qui touche seulement l’école.
À l’école, on doit apprendre aux élèves plusieurs choses : on doit les éduquer, leur apprendre ce qui est juste, ce qu’il ne l’est pas mais on doit leur apprendre également à écrire, à raisonner, etc.
D’un côté le plagiat est presque inévitable dans un certain nombre de domaines, mais je crois qu’un enseignant qui connaît ses élèves reconnaîtra facilement un devoir plagié, copié. Il faut faire comprendre aux élèves que le plagiat passera difficilement auprès du professeur.
Il faut faire comprendre à l’élève qu’on cherche à lui faire acquérir une certaine autonomie et que le plagiat va à l’encontre de cette démarche et l’élève, en collège, est capable de comprendre cela.

Il y a en fait deux réponses :

– on n’a très peu de chance de « berner un prof » ;
– on obtient un résultat contraire à celui qu’on veut obtenir. 

N’est-ce pas aussi parce que les problématiques sont, en partie du moins, mal définies ?

Pierre Gardenat : Bien sûr, on a affaire souvent à des problématiques trop larges ou à des problématiques trop complexes. Il est évident que si l’on propose aux élèves des problématiques qui les dépassent, ils vont avoir tendance à recourir à des solutions toutes faites qui vont leur sembler « coller ». Il y a là un réel travail pour les enseignants : apprendre aux élèves à définir des problématiques pertinentes et adaptées et les obliger à en cerner les contours.

Je voudrais revenir à la circulaire mentionnée au début de l’interview. Cette circulaire n’a-t-elle pas avant tout pour objectif de rassurer les chefs d’établissements ?

Pierre Gardenat : Celui qui est inquiet, c’est toujours celui qui va se faire taper sur la tête s’il y a un problème. Alors évidement la responsabilité du chef d’établissement dans le filtrage est claire, elle est évidente, c’est à lui qu’incombe la responsabilité de s’assurer qu’il n’y aura pas de problème.

En donnant aux chefs d’établissement les moyens de filtrer, on va les rassurer en leur disant : « vous avez une obligation de moyens donc pas de problème, vous êtes couvert », mais comme je le disais précédemment, c’est malheureusement seulement une obligation de moyens et pas une obligation de résultats. La pénalisation n’est pas non plus une formule adéquate et pertinente mais je crois que cette problématique du filtrage devrait être prise d’une manière plus globale et la nouvelle loi sur l’économie numérique qui était en deuxième lecture au Sénat va peut-être apporter une réponse. Pour l’instant, cette loi est extrêmement contestée pour toutes les raisons que l’on sait, en particulier pour les dérives potentielles qu’elle peut introduire en matière de contrôle de circulation des contenus. Il y a là effectivement un risque important, mais je pense qu’une loi qui définirait plus finement ce qui doit et ce qui ne doit pas circuler dans les tuyaux, ce qui arrive dans les établissements, cette loi serait plus à même d’apporter une réponse pertinente.

On va rassurer les chefs d’établissement, certes, mais le risque majeur va toujours être là, celui des sites pédophiles en particulier, celui de l’accès à Internet dans les familles : le problème n’est pas résolu, on laisse en plan toute une partie de la problématique.

Est-ce qu’au nom d’objectifs très louables, la protection des mineurs et/ou des plus fragiles, on ne risque pas de mettre en place une société de contrôle, voire de surveillance ?

Pierre Gardenat : C’est exactement ce que craignent les opposants à la loi sur l’économie numérique. À vouloir trop filtrer, à vouloir protéger les auteurs, les industriels, en leur fournissant des armes pour contrôler tout ce qui passe dans les tuyaux d’Internet, le risque est que l’on attribue des pouvoirs importants à un petit nombre qui risque de s’en servir à de mauvaises fins.
On est toujours dans ce qui oppose les courants libertaires aux courants liberticides.
L’Internet actuellement, comme je le disais précédemment, est peu réglementé et il se peut que la loi sur l’économie numérique apporte une réglementation excessive. Il y a un équilibre à trouver. Ce qui est sûr, c’est qu’Internet pose beaucoup de questions, on n’a parlé ici que du filtrage, on aurait pu parler du spam, des pourriels. C’est un vrai fléau, pourquoi ? Parce qu’on n’a pas pris la mesure de la menace que cela représentait pour les réseaux mais aussi pour la protection des mineurs. Un élève qui ouvre une boîte électronique, s’il publie un petit site Web où il présente sa famille, va indiquer son contact, son adresse, il va donc être répertorié par un moteur de recherche et, très rapidement, il va recevoir dans sa boîte aux lettres des spams, y compris des spams pornographiques. Actuellement, on n’a pas vraiment les moyens de filtrer ce type de contenus, on peut mettre en place des systèmes antispam au niveau des serveurs et des postes individuels, mais il n’y a pas de réflexion globale nationale sur ce thème, ou au moins on n’en voit pas les effets.
De la même façon, on n’a pas évoqué les noms de domaines rachetés par des sociétés après qu’ils ont été abandonnés par tel ou tel organisme, par exemple : des adresses à vocation éducative sont régulièrement abandonnées, y compris celles de sites d’établissements scolaires ou de projets pédagogiques parce que cela coûte cher, parce qu’il faut régulièrement renouveler son droit d’usage auprès des autorités de nommage. On oublie ou on ne renouvelle pas pour des raisons financières. Le nom de domaine est libre et très vite racheté par des sociétés qui guettent justement la disponibilité de noms de domaines et qui s’en servent pour renvoyer vers des sites pornographiques. Un nom de domaine qui a déjà servi apporte une clientèle ; c’est un moyen idéal de faire de la publicité à peu de frais.
L’Internet est une véritable jungle, luxuriante et envahissante, magnifique et oppressante ; s’y frayer un chemin n’est pas chose facile, et de nombreux dangers nous guettent, évidents ou dissimulés par la végétation. Et comme un seul pays ne peut avoir qu’une vision partielle du problème il est vraisemblable que l’on n’ait pas encore pris la mesure de la tâche à accomplir : réglementer l’Internet, pour nécessaire que ce soit, risque d’être long et compliqué. D’un côté on a le sentiment réel qu’il faut faire quelque chose et de l’autre côté, on se méfie des solutions radicales qui pourraient faire qu’Internet ne soit plus un espace de liberté.