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Quels espaces de travail et d'étude, de recherche et de collaboration dans les établissements de second degré ?

par Jean-Pierre Véran, IA-IPR honoraire, formateur associé université de Montpellier,
[juin 2013]

Mots clés : CDI (centre de documentation et d'information), vie scolaire

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Dans les établissements de 2012, les élèves sont accueillis dans des salles de classes où des professeurs les encadrent, salles parfois spécialisées pour certains enseignements. Quand ils ne sont pas encadrés par un professeur, dans une salle de classe, au gymnase ou sur un plateau sportif, ils peuvent aller en salle d'étude, sous la responsabilité d'un personnel d'assistance éducative en général appelé « surveillant » ou « pion », et, pour certains d'entre eux, au centre de documentation et d'information sous la responsabilité du professeur-documentaliste. L'accès aux salles d'étude et au CDI est physiquement limité au nombre de places disponibles. Ceux qui sont en surnombre auront la possibilité de s'installer sur un escalier ou sur les bancs de la cour si le temps le permet, en collège, ou sortiront, s'ils sont lycéens, au risque de ne pas revenir.

Concrètement, cela se traduit par des procédures variables, une des plus répandue en collège étant que les élèves vont d'abord en étude puis, après examen de leurs besoins et attentes, ceux qui ont « une recherche à faire » sont accompagnés au CDI soit par un personnel du service de la vie scolaire, soit par le professeur-documentaliste qui est venu les chercher. Les autres restent en étude, ou en permanence, et, encore trop souvent, les salles dédiées ne disposent que de tables et de chaises. Un élève qui voudrait s'avancer dans son travail ne peut le faire s'il n'a pas par chance avec lui le manuel nécessaire. Celui qui voudrait feuilleter un périodique, naviguer sur un site d'information ne peut le faire, faute de ressources et d'accès disponibles.

Les conseillers principaux d'éducation et professeurs documentalistes font souvent le même constat : perte de temps scolaire utile en allées et venues, déplacements, appels multiples dans un lieu et un autre ; perte de temps scolaire utile dans des salles de permanence où la fonction de l'assistant d'éducation est quasi exclusivement de surveillance au lieu d'être d'accompagnement éducatif ; impossibilité d'accéder à des ressources physiques ou en ligne, alors que cela est désormais facilité par les réseaux.

Des tensions surgissent parfois quand la permanence « déborde », et qu'il faut bien envisager que le « trop plein » soit accueilli au CDI, alors que le professeur –documentaliste a pris en charge une demi-classe pour une séance de formation à la culture de l'information. Ou bien quand, dans le souci de ne pas mêler les élèves exclus de cours à ceux qui sont en permanence, le conseiller principal d'éducation serait tenté de les orienter vers le CDI. On connaît le slogan : « Le CDI n'est pas une perm ! », qui résume bien les conflits potentiels nés d'une organisation cloisonnée.

Dans des établissements où les besoins éducatifs et de formation des élèves sont les plus grands, ceux des réseaux ECLAIR, par exemple, cette déperdition de temps, d'énergie et de ressource humaine est inacceptable pour les cadres que sont les conseillers principaux d'éducation et les professeurs documentalistes.

Aussi certains d'entre eux se sont-ils engagés dans une démarche de remodelage des espaces de travail, d'étude, d'apprentissage, visant à rapprocher les espaces dits de vie scolaire et l'espace documentaire, de façon à faciliter les apprentissages et l'accompagnement éducatif des élèves.

On prendra ici trois exemples concrets, l'un dans un collège ECLAIR des Pyrénées orientales, l'autre dans un LP ECLAIR du Bas Rhin, l'autre dans un collège ECLAIR de l'Hérault.

Dans le premier collège, le projet se concrétise dans la réalisation d'un espace des savoirs, proche de la salle des professeurs et accessible aussi depuis la cour de récréation, avec pour objectif de faire en sorte que l'élève, au sein d'un collège réputé difficile, se sente à la fois en position active d'apprenant, dans un climat serein et sécurisant, favorisant à la fois son autonomie, sa curiosité et sa volonté de devenir un citoyen actif et responsable. Très concrètement, autour du nouvel espace documentaire, avec son fonds physique et ses ressources et supports numériques de travail, son espace de travail sur tables et son espace de lecture autonome, sont disposés de petites salles d'étude propices au travail en groupes, un espace de travail autonome et de détente, un espace informatique, un espace travail – projet pour professeurs, professeurs documentalistes et CPE, le bureau des assistants d'éducation et l'espace d'entretien avec les élèves, pour les CPE, professeurs et assistants d'éducation.

Dans le lycée professionnel, il s'agit aussi de stimuler l'ambition de réussir chez les élèves. Ouvert aux professeurs comme aux élèves, le « learning centre » est un espace modulable et flexible, proposant sur trois niveaux, espace documentaire, espace informatique, espace convivial et citoyen. C'est là qu'est favorisé l'accompagnement de l'élève sous toutes ses formes, en facilitant l'accès aux ressources humaines, d'enseignement, d'information, de médiation, de conseil, aux ressources documentaires physiques et numériques.

Dans le deuxième collège, CPE et professeur-documentaliste ont pris le parti de travailler ensemble, en utilisant de façon opportune un escalier de secours inexploité qui permet de rapprocher les deux espaces., Les personnels prennent en charge les temps d'ateliers proposés régulièrement aux élèves dans leur emploi du temps, pour, en complément des cours, bénéficier d'un temps encadré de recherche<s>,</s> d'information, de culture médiatique, artistique. Les assistants d'éducation en particulier jouent là pleinement leur rôle d'un accompagnement éducatif. Certaines de ces activités se déroulent au CDI, d'autres en divers lieux, et il ne fait pas de doute que la création d'un pôle nouveau fédérateur faciliterait le déroulement de ces activités de formation. Au CDI l'utilisation des outils numériques est au même titre que celle des supports papier favorisée. Les élèves, après un temps dédié au travail scolaire (notamment sur des exerciceurs en ligne) peuvent s'adonner aux loisirs numériques tout en respectant une charte d'usage informatique. Cette situation éducative favorise l'autonomie et la responsabilisation des élèves.

Que déduire de ces trois exemples ?

  • Une préoccupation centrale : renforcer le sens pour les élèves –et leurs parents-de leur présence dans l'établissement scolaire, développer leur motivation à y venir et à y rester pour apprendre. D'où l'attention portée aux conditions d'accueil, à la disponibilité des personnels d'assistance éducative, au développement de leur responsabilité et de leur engagement.
  • Une priorité : renforcer le travail d'équipe entre tous les personnels chargés de la formation des élèves, professeurs de disciplines, professeurs-documentalistes, conseillers principaux d'éducation, personnels d'assistance éducative.
  • Une visée commune : dépasser la césure entre instruction et éducation, culture humaniste et culture juvénile, par la promotion d'un humanisme numérique qui réalise la symbiose entre la culture patrimoniale et la culture de l'information indispensable au XXIe siècle. Les nouveaux espaces de travail sont particulièrement propices à l'appropriation par les élèves d'une translittératie, qui s'appuie sur les heures d'enseignement disciplinaire en classe, les travaux de recherche et de production conduits au carrefour des savoirs ou au learning centre, les projets qui s'y élaborent entre personnels (projets de classe, projets artistiques, culturels, parcours de formation à la culture de l'information…), entre personnels et élèves (projets collectifs, accompagnement personnalisé, tutorat…), entre élèves ( projets de vie lycéenne, actions solidaires…).
  • Le rôle renforcé du professeur-documentaliste : il forme les élèves, en contribuant explicitement à leur parcours de formation, il coordonne des projets et des équipes, il est un acteur de premier plan au conseil pédagogique où s'élabore la politique pédagogique et éducative de l'établissement, un interlocuteur reconnu de ses collègues coordonnateurs de disciplines et CPE.