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par Aline Bousquet, enseignante-documentaliste,
[septembre 2014]
Mots clés : éducation aux médias, éducation à l'information, enseignant-documentaliste
Introduction
L'EMI, un nouvel enseignement au service de la citoyenneté du 21è siècle ?
Les usages des élèves
Les contenus de l'EMI
Mettre en place l'EMI
Pour une éducation aux médias et à l'information, de la 6è à la 3è
L'EMI en pratique : des exemples de projets menés avec des classes
Désinformation : de la médiatisation à l'éthique de l'information
Subjectivité du message médiatique : 4 femmes dans la Révolution française
Revues de presse radiophoniques ou comment se tenir au courant du monde
Présentation de B2i.mooc
Pour aller plus loin
Projet proposé par Aline Bousquet, professeure documentaliste au collège Madeleine Cros de Dourgne (81)
Auteur du blog Podcasts et Pédago : http://podcastspedago.blogspot.fr/
La gratuité et la facilité de création de blogs et de sites personnels sans connaissance informatique nécessaire, ni expertise reconnue en culture humaniste permettent une re-écriture subjective de l'Histoire du monde sur le Web. Les contributions possibles par tous à des articles sur Wikipédia y participent.
Or, le rôle des femmes dans l'histoire ainsi que la période de la Révolution française sont sujets à controverse.. Le projet « Quatre femmes dans la Révolution française » est donc une occasion idéale pour aborder l'évaluation de l'information, l'intention de publication ainsi que le traitement subjectif de l'information avec des élèves lecteurs et producteurs de messages médiatiques.
La production finale est une émission radiophonique par classe, diffusée sur une radio associative.
Les productions sont également publiées sur le Web via Soundcloud.
Le projet a été réalisé en collège avec deux classes de 4° en interdisciplinarité entre la professeure d'histoire et la professeure documentaliste.
Les élèves sont invités à découvrir le rôle de quatre femmes dans la Révolution Française.
Je suis intervenue durant toute la séquence pour former les élèves à la maîtrise de l'information (localiser l'information, sélectionner l'information, traiter et restituer l'information). La formation avait pour but de permettre aux élèves d'acquérir des compétences et une culture en littératie informationnelle, médiatique et numérique.
D'après la grille de compétences en info-documentation de l'Académie de Toulouse 2012
D'après la proposition de référentiel de compétences élèves en Éducation aux Médias du CLEMI
D'après le WikiNotions de la FADBEN
Toutes les séances ont eu lieu classe entière soit au CDI (afin de faciliter le travail de groupes), soit en salle informatique (pour les recherches d'information et l'écriture collaborative des textes).
La séquence s'est étalée sur deux mois (février et mars 2014) à raison de 2h de séances par semaine en moyenne.
Gestion de la classe : classe entière en salle informatique. La professeure d'histoire présente le projet et forme les groupes d'élèves. La professeure documentaliste mène le reste de la séance.
[télécharger la fiche-élève n°1] Quatre femmes dans la Révolution française : qui dit vrai ?
Un extrait d'émission radio en podcast est diffusé aux élèves afin qu'ils visualisent la production finale demandée.
Les élèves se mettent ensuite par binôme devant un ordinateur connecté à Internet et choisissent deux femmes parmi les quatre proposées dont ils vont devoir rechercher la biographie : Olympe de Gouges, Charlotte Corday, Manon Roland et Théroigne de Méricourt.
La fiche-élève est lue et expliquée.
Les élèves écrivent leur première requête (le nom d'une seule femme) dans le moteur de recherche de leur choix et lisent la première page de résultats (certains utilisent Google, d'autres Yahoo) :
Les élèves vérifient chaque site proposé par le moteur de recherche : type de site et mention de l'auteur et de son expertise en histoire.
Le schéma de la typologie des sites Web est rempli au tableau au fur et à mesure que les élèves identifient les sites et auteurs.
Lorsque la carte mentale est complétée, les élèves réfléchissent ensuite à l'intention de publication propre à chaque type de site rencontré et si l'information y est objective. Ils remplissent en autonomie chaque bulle puis la correction est collective.
Les élèves réfléchissent ensuite à leur stratégie de recherche pour trouver une information pertinente et objective en fonction des remarques faites précédemment. La notion de pertinence de l'information est expliquée. Ils proposent oralement une stratégie qu'ils écrivent ensuite sur leur feuille.
Gestion de la classe : en binôme en salle informatique
[télécharger la fiche élève n°2] Tableau (1) prélèvement de l'information
[télécharger la fiche élève n°3] Tableau (2) fiabilité du site Web
[télécharger la fiche n°4] Grille de critères d'évaluation
Les élèves sont par binôme en salle informatique et doivent rechercher des informations sur les deux femmes qu'ils ont choisi lors de la séance 1. Ils effectuent leur recherche d'information en autonomie en réinvestissant les connaissances vues précédemment. Le prélèvement de l'information est manuscrit sur un tableau (1) et suit des questions posées par l'enseignante d'histoire. Les traces de leur réflexion et de leur enquête médiatique (évaluation de la pertinence de l'information, de l'expertise de l'auteur et de la fiabilité du site Web) sont notées dans le tableau (2) de la fiche-élève : « J'évalue la fiabilité du site Web avant de prélever l'information utile à ma recherche »
Les deux tableaux sont relevés à la fin des deux heures de recherche pour évaluation (grille de critères d'évaluation) :
Être critique devant l'intention de publication ne suffit pas pour évaluer l'information publiée.
Gestion de la classe : en classe entière au CDI
[télécharger la fiche élève n°5] Quatre femmes dans la Révolution française : Les faits, rien que les faits
Durant leur recherche d'information, les élèves ont exploré des sites Web dont l'information publiée n'était pas neutre alors que l'intention de publication était pourtant d'informer l'internaute.
Cette séance permet de faire travailler les élèves sur le concept de point de vue ou d'opinion lié au traitement de l'information par les médias.
La professeure documentaliste donne un à deux exemples dans chaque colonne jusqu'à ce qu'un élève propose un exemple et précise dans quelle colonne le placer. Les élèves vont proposer des exemples qui vont leur permettre de faire émerger le terme « subjectivité » (qu'ils ne connaissent pas) en opposition à « objectivité », et « point de vue » ou « opinion » lié à « l'intention de publication ». Aucune réponse n'est fausse.
La professeure documentaliste propose aux élèves trois extraits de textes provenant de sites Web explorés par les élèves lors de leur recherche d'information, et dont l'intention de publication est d'informer. (un média en ligne, une encyclopédie, un site de question/réponse)
Les élèves doivent souligner les termes subjectifs dans ces trois textes. Il est intéressant de leur demander quelle est l'intention de l'auteur, son angle ou traitement journalistique : se moquer, émettre une critique négative, proposer une vision dramatique d'un fait historique...
à partir des informations prélevées en séance 2 et des connaissances acquises en séance 3 (objectivité et subjectivité de l'information : le point de vue) et également acquises en cours d'histoire sur la période historique.
Gestion de la classe : en binôme en salle informatique, classe entière
[télécharger la fiche élève n°6] Conducteur de l'émission radio
Un pad par classe est créé. La professeure d'histoire propose un conducteur de l'émission aux élèves. (Le conducteur a été réfléchi en amont par l'enseignante par faute de temps mais peut aussi être réalisé par les élèves en une séance). Ce conducteur a été créé en fonction du contenu vu lors des séances en histoire parallèlement au projet.
La professeure organise les groupes en conséquence :
Ainsi, chaque groupe a accès à deux ordinateurs pour rédiger un texte objectif et un autre subjectif sur le même sujet (soit une des quatre biographies, soit le contexte historique, soit l'assassinat de Jean-Paul Marat …). Ces textes sont rédigés les uns sous les autres sur le pad. Lorsque les deux textes de chaque groupe sont rédigés, ils sont fondus en un seul texte toujours via le pad et en communiquant via le tchat intégré du pad si besoin.
Les élèves les plus en difficulté sont responsables de l'introduction et de la conclusion de l'émission.
Gestion de la classe : classe entière au CDI. La professeure documentaliste mène cette séance.
[télécharger la fiche élève n°7] Ecrire pour lire à la radio
Cette séance est entièrement axée sur l'éducation au média radio.
La professeure documentaliste fait écouter aux élèves de courts extraits de chroniques radio comme « mot à mot » d'Antoine Mercier sur France Culture : http://www.franceculture.fr/emission-mot-a-mot-selfie-2013-12-28 et « la question du jour » de Nathalie Fontrel sur France Inter : http://www.franceinter.fr/emission-la-question-du-jour-pourquoi-les-zones-humides-ont-elles-droit-a-une-journee-mondiale
Les élèves sont invités à analyser la voix des journalistes (choisir une voix d'homme et une voix de femme) : ton, débit, hauteur de la voix, articulation… mots accentués pour donner « le ton journalistique radio ».
La professeure documentaliste leur explique que ce ton est possible à condition que leur texte écrit soit transformé pour être lu à voix haute en fonction de règles d'écriture radiophonique.
La fiche-élève est lue et commentée.
La partie « De l'écrit à l'oral » débute par la transformation des phrases longues en phrases courtes : un élève volontaire lit le texte. Il va vite manquer d'air car il ne saura pas où s'arrêter pour respirer. Le texte est projeté au vidéoprojecteur (en zoomant un peu) et les élèves sont invités à proposer des modifications pour raccourcir les phrases qui sont transposées au tableau.
La seconde partie sur l'exhaustivité de l'information est réalisée en autonomie par les élèves puis la correction est collective. Même chose pour les mots à souligner dans le texte modifié.
Deux élèves volontaires lisent à voix haute une phrase de leur choix : ils vont buter, se tromper. La professeure documentaliste demande à tous les élèves de prendre un crayon à papier et de le mettre en travers de leur bouche comme un mors de cheval et de s'entrainer, à voix haute, à lire les phrases. Au bout de quelques minutes, les deux volontaires du début de l'exercice sont invités à relire leur phrase sans le crayon à papier : la lecture sera très fluide. Tous les élèves volontaires lisent les phrases de leur choix avec le ton.
Les élèves sont ensuite invités à lire à voix haute le texte modifié précédemment en mettant le ton et en accentuant les mots soulignés afin d'avoir le même ton qu'un journaliste radio.
Gestion de la classe : classe entière au CDI. Les élèves sont par groupe de travail. Les deux professeures aident les élèves à rédiger leur texte.
Les groupes de la séance 4 se réunissent à la même table et retravaillent leur texte en phrases courtes, ils vérifient l'exhaustivité de l'information proposée et suppriment les informations répétées. Le texte du pad a été imprimé pour les élèves par manque de disponibilité de la salle informatique mais ce travail aurait pu être réalisé via le pad.
Les élèves qui ont fini leur texte écrit commencent à s'entraîner à l'oral.
Gestion de la classe : classe entière au CDI.
La professeure documentaliste entraine les élèves pendant que la professeure d'histoire aide les derniers groupes à finir leur texte.
Les élèves soulignent les mots importants à accentuer, se répartissent les phrases à lire et s'entrainent à lire à voix haute en s'isolant dans les coins du CDI. Les groupes sont enregistrés au fur et à mesure qu'ils se sentent prêts via un microphone enregistreur.
Gestion de la classe : classe entière au CDI.
Des chansons révolutionnaires appartenant au domaine public ont été sélectionnées par la professeure d'histoire. Les élèves votent pour celle du générique de début et de fin de l'émission radio.
La professeure d'histoire invite chaque élève à réfléchir à un mot-clé décrivant cette période historique. Chaque élève propose un mot à la professeure. La professeure documentaliste enregistre ensuite chaque mot d'élève constituant ainsi les éléments verbaux du générique de début et de fin.
Le montage a été réalisé sans les élèves par la professeure documentaliste par manque de temps.
Celles-ci sont diffusées sur une radio associative tarnaise R d'Autan avec qui le collège a signé une convention de partenariat en septembre 2013 pour la diffusion de productions radiophoniques créées entre janvier et juin 2014. C'est la seconde année où cette convention est signée. Celle-ci permet de créer des productions radiophoniques toute l'année sans contrainte d'échéance.
La convention permet de préciser ce sur quoi la radio et le collège s'engagent :
Afin de communiquer les émissions à la radio R d'Autan où elles sont diffusées, les fichiers MP3 sont copiés dans un dossier de DropBox (stockage et partage de fichiers en ligne) partagé avec la radio R d'Autan.
Elle est effectuée par la professeure documentaliste via la plateforme de distribution audio en ligne Soundcloud. Les podcasts ainsi publiés permettent aux élèves de télécharger leur travail pour le stocker chez eux, de le faire écouter à qui ils le souhaitent en dehors du créneau horaire de diffusion hertzienne et de la zone d'écoute de la radio.
Deux évaluations sommatives ont été effectuées pour ce projet.
[télécharger la fiche n°8] Grille des critères d'évaluation
L'évaluation a porté sur l'exactitude des informations prélevées et leur reformulation (tableau (1) sur 10 points).
Elle a également porté sur la réflexion des élèves lors de l'évaluation de la fiabilité des sites Web (tableau (2) sur 10 points) : l'élève a su définir le type de site, son intention de publication, trouver la mention de l'auteur et vérifier son expertise en histoire.
L'évaluation a porté sur des items des compétences du Socle Commun de connaissances et de compétences :
Ce travail peut être l'occasion également de faire réfléchir les élèves à l'origine de la subjectivité de l'information sur le Web : qui publie ? Qui filtre les informations publiées ? Pourquoi les élèves ne se posent-ils pas la question de la subjectivité des ouvrages documentaires du CDI portant sur la même période ? Sont-ils réellement objectifs ? Un message médiatique peut-il être objectif / neutre ?
Cette réflexion peut ensuite aboutir à une étude des dépêches des Agences de Presse (AFP, Reuters) qui proposent aux médias d'information des informations objectives et factuelles. Les élèves pourront comparer les dépêches de l'AFP d'une actualité précise avec son traitement réalisé en radio, sur le Web et à la télévision.
En radio, les journalistes peuvent lire un texte objectif et factuel tout en donnant leur opinion personnelle uniquement par le ton, un changement de rythme sur certains mots, la couleur de la voix... Il s'agit alors d'une lecture expressive qu'il peut être intéressant de faire étudier aux élèves et de faire reproduire lors de la création de chroniques radio par exemple. Comment, par une simple pause, l'opinion du journaliste est communiquée alors que le texte est neutre.
Ce même travail peut ensuite être réalisé avec un journal télévisé où entre en jeu l'expression corporelle du présentateur-journaliste.
Il aurait été intéressant d'aborder la notion de manipulation par la transformation du message médiatique grâce au montage audio : enregistrement du texte subjectif rédigé par les élèves puis suppression des éléments verbaux subjectifs par le montage afin de créer un message radiophonique objectif.
L'exercice inverse est également intéressant, notamment pour une éducation à l'observation et à l'écoute (compétences qui me semblent importantes dans l'Éducation aux Médias et à l'Information, quel que soit le support). Il s'agit d'enregistrer des messages médiatiques neutres produits par les élèves puis de leur demander d'y insérer des mots et groupes de mots créant ainsi une opinion. Les élèves vont devoir reproduire oralement le débit et le ton à l'identique de ce qu'ils ont enregistré (et donc écouté ensuite) afin que le montage des ajouts audio soit le plus discret possible.
Si cette séance permet d'aborder la subjectivité de l'information sur le Web et à la radio, il est possible de prolonger le projet avec un autre média comme la télévision. Cela peut être réalisé à travers l'analyse du montage des sons et images de reportages et documentaires, l'analyse des voix-off en relation avec le montage et une réflexion sur le parti-pris du réalisateur sur son sujet (ou angle) grâce à l'étude de sa mise en scène de la réalité.
Il n'y a plus qu'un pas enfin pour aborder l'idée de subjectivité dans la réalisation cinématographique à travers l'analyse de courts-métrages par exemple (plus simple à travailler que les longs-métrages) et l'analyse sémiologique de l'image composée.