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par Karen Chabriac,
[septembre 2013]
Mots clés : méthode pédagogique, jeu éducatif
Les jeux sérieux : des éléments de définition
Typologie des jeux sérieux
Qu'est ce qu'un "bon" jeu sérieux ?
Utiliser les jeux sérieux en classe
Entretien avec Eric Sanchez
A quoi faut-il penser ?
Fanny Hervé, professeur d’économie-gestion
Elodie Keller, professeur documentaliste
Anne Wix : une expérimentation académique
Chercher et trouver des jeux sérieux
Veille et mise à disposition
Certaines études, citées par Sanchez, Ney et Labat [1] mettent en évidence l'écart qui se creuse entre les pratiques des jeunes, notamment en termes d'usage des technologies, et l'univers scolaire. L'intégration de jeux sérieux à l'Ecole vise finalement la réduction du fossé entre ces deux mondes, l'idée étant également de s'appuyer sur les pratiques numériques des jeunes pour les dépasser et les adapter à l'apprentissage.
L'ambition sous-jacente est également de s'appuyer sur les aspects émotionnels et la dimension affective de l'apprentissage. A ce titre, le jeu, vecteur d'émotions, est susceptible d'offrir de nouvelles perspectives (mémorisation notamment).
De la même manière les aspects motivationnels sont très fréquemment mis en évidence lorsque l'on parle d'intégration des jeux sérieux en classe.
Par ailleurs, des rapprochements entre les mécanismes d'apprentissage et les mécanismes ludiques sont parfois évoqués. Par exemple, le manuel à destination des enseignants « Les jeux électroniques en classe » [2] rapproche le système de pensée du joueur du processus d'apprentissage : un joueur tente de formuler des hypothèses sur la cause de son échec, formule des hypothèses visant à les surmonter, puis teste ces hypothèses. Les compétences métacognitives semblent donc également mises en avant par l'usage du jeu sérieux.
Nous pouvons également indiquer que l'activation de différents stimulis produits : auditifs, visuels, tactiles et intellectuels sont autant de canaux potentiellement activés en terme de mémorisation.
Hélène Michel, interviewée par B. Devauchelle dans le Café Pédagogique [3], souligne l'intérêt des jeux sérieux pour ce qui concerne les savoir-être et les comportements (ex : faire face à l'inconnu, accueil d'un client, etc). Ces situations étant difficiles à mettre en œuvre dans la réalité, on tente alors de reproduire des situations authentiques dans l'espace virtuel.
Le lien entre motivation et interactivité, dans le jeu comme dans les pédagogies actives en général est souligné par Julian Alvarez.
Enfin les aspects liés à la coopération, notamment dans les environnements multijoueurs sont fréquemment évoqués.
D'autres bienfaits potentiels de l'intégration des jeux sérieux en classe peuvent être mentionnés. Par exemple, certains jeux sont vus comme des facilitateurs de la prise de décision : le joueur mobilise ses connaissances pour élaborer des stratégies dont les effets lui permettent de juger de la pertinence de ses actions. Un autre argument est développé selon lequel les jeux offriraient une dimension sociale non négligeable et qu'ils stimuleraient créativité et persévérance, le joueur pouvant échouer et recommencer. La dédramatisation et la réversibilité de l'erreur seraient ainsi des arguments de taille en faveur de l'usage des jeux sérieux. Certaines études indiquent que l'usage des jeux sérieux peuvent parfois engendrer des gains de confiance et de concentration, de même le lien actes / conséquences peut être renforcé.
Tous ces éléments, issus du rapport Fourgous, nous proposent une vision unilatérale, presque sans réserve à l'égard des apports du jeu sérieux. Pourtant, les études sont loin d'être unanimes.
Les études ne sont pas forcément unanimes quant aux facultés des jeux sérieux à engendrer de réels apprentissages.
Notons à ce titre, le compte rendu d'expérimentation d'Hélène Michel qui a testé l'utilisation d'un serious game sur deux groupes d'étudiants de l'Ecole de Management de Grenoble [4]. L'un des deux groupes a suivi une formation à partir de documents « classiques » de mise en situation, l'autre étant formé à partir d'un jeu sérieux.
Au niveau des résultats d'évaluation, elle ne relève pas de différences significatives entre ces deux groupes. En revanche, elle constate un réel apport du jeu sérieux pour les étudiants ayant déjà une expérience en entreprise, qui, lorsqu'ils ont suivi la formation via le jeu sérieux, ont de meilleurs résultats. Ceci tendrait à dire, selon elle, que le serious game vient renforcer une expérience. mais ne s'avère pas forcément profitable en tant qu'outil de découverte.
Cité dans le dossier d'Eduscol [5], J. Alvarez, évoque le fait que le jeu est un support à l'apprentissage mais qu'il n'est pas en lui-même source d'apprentissage. "Le jeu peut éventuellement servir de support à l'apprentissage, mais à condition de réunir chez l'apprenant différentes modalités, tels le savoir-faire, le vouloir-faire, le pouvoir-faire… Mais cela ne signifie pas que le jeu est en lui-même source d'apprentissage. C'est pour cela que le professeur André Tricot spécifie bien qu'une application ludo-éducative doit s'élaborer en combinant un scénario ludique avec un scénario pédagogique ou utilitaire ».
Dans les écrits parcourus pour la constitution de ce dossier nous remarquons qu'au final rien n'est absolument certains quant aux apprentissages réels des utilisateurs de jeux sérieux. On observe parfois des décalages entre les apprentissages attendus et ceux finalement observés. James Paul Glee indique à ce titre : « il faut accepter l'idée qu'au travers du support vidéo ludique, on ne sait pas ce que l'apprenant apprendra. »
Plus tranchée, l'opinion du sociologue Laurent Trémel lors d'une interview donnée sur le Café Pédagogique [6], qui appelle à la vigilance pour ne pas tomber dans l'excès de confiance à l'égard de ces jeux indiquant notamment que ces derniers proviennent du monde économique et que de grosses multinationales sont impliquées dans leur conception.
Il souligne également que potentiellement tout peut être pédagogique pour peu que cela soit intégré à un usage en classe, le jeu sérieux au même titre que le jardinage.
Ces premiers fondements établis, les apports d'Eric Sanchez permettent de poser un regard distancié sur les jeux sérieux.
Des éléments de définition en passant par les réflexions pédagogiques et l'usage en contexte pédagogique des jeux sérieux, E. Sanchez s'appuie sur les études qu'il a menées pour éclaircir la situation et repositionner les jeux sérieux dans l'espace pédagogique.
[1] Jeux sérieux et pédagogie universitaire, Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 2011, http://www.ritpu.org/IMG/pdf/RITPU_v08_n01-02_48.pdf
[2] http://games.eun.org/upload/GIS_HANDBOOK_FR.PDF
[3] http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2011/122_2.aspx
[5] http://eduscol.education.fr/cid57577/jeux-serieux.html
[6] http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/pages/2008/93_laurenttremel.aspx