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Les jeux olympiques : des enjeux multiples

Le CIO face aux relations internationales : un neutralisme pro-occidental

Les membres du CIO, notamment le président, se donnent la dimension de diplomates, hors du cadre d’un État mais porteurs d’un certain nombre de valeurs mises en application dès les origines en 1894. Ces valeurs sont : l’affirmation de la supériorité de la paix, la fraternité entre peuples, la solidarité entre les Nations, dans le respect des règles édictées et des adversaires, visant le progrès, la perfection humaine comme l’incarnent quelques devises bien connues. Animé par ces valeurs, le CIO prend place dans un monde bouleversé par des tensions, parfois guerrières, opposant les États, qu’ils appartiennent au monde des puissances comme dans l’entre-deux-guerres ou lors de la guerre froide, qu’ils appartiennent à des mondes moins écoutés comme le tiers-monde à partir des années 1960. Dès lors, peut-il se maintenir dans un neutralisme qui le conduit à refuser l’intrusion du politique dans les affaires sportives olympiques ? Ses choix tout au long du XXe siècle ne traduisent-ils pas plutôt dans un premier temps un conservatisme politique, puis une orientation pro-occidentale, teintée de neutralisme, selon l’expression de P. Clastres ? Le passage à des Jeux « commerciaux » avec J. A. Samaranch est-il une réponse à l’impasse créée par les boycotts des années 1976, 1980 et 1984 ?

De quels moyens le CIO dispose-t-il ? Peut-il être un acteur sérieux des relations internationales ? Est-il pris au sérieux ?

Le CIO dispose d’un moyen de pression extraordinaire et dont le poids s’exerce d’une façon sans cesse affirmée, notamment depuis 1952 avec l’arrivée dans la sphère olympique de l’URSS et de ses satellites. En choisissant de faire des Jeux olympiques un terrain d’expression du message politique, sociétal, culturel qu’elle incarne, l’URSS les transforme en un moyen de poursuivre la guerre par d’autres façons, en un moyen d’évaluation de la pertinence du modèle. Mais les Jeux n’appartiennent pas aux États. Le CIO, acteur depuis de longues années des relations internationales, joue pendant la guerre froide un rôle important, sans le surestimer. D’autres moyens complètent sa « panoplie » d’intervention : l’octroi des Jeux à une ville hôte, l’invitation des comités olympiques nationaux affiliés (il s’agit d’une obligation pour participer), la cooptation de nouveaux membres, mais aussi l’introduction de nouveaux sports et de nouvelles épreuves, le retrait d’autres…

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le CIO se trouve dans une position délicate. Les Jeux de 1940 et 1944 n’ont pu avoir lieu et ceux de 1936 (Garmisch-Partenkirchen et Berlin) sont réinterprétés comme la vitrine d’un régime totalitaire raciste, vitrine dans laquelle le CIO s’est compromis, au mieux par neutralité, au pire par complaisance. Ses membres ne se sont pas réunis depuis 1939 et 22 d’entre eux sur 73 sont décédés pendant le conflit, dont le très critiqué président Henri de Baillet-Latour. Entre 1936 et 1939, les Allemands se sont « emparés » du CIO, avec la complicité de dirigeants comme Baillet-Latour, l’américain Brundage, qui avaient des sympathies pour le nazisme au moins par antibolchevisme, voire par antisémitisme. Le père fondateur lui-même, Pierre de Coubertin, malade et âgé, avait manifesté une admiration pour Hitler, qui la lui avait rendue sous la forme d’une statue hommage dans le site olympique de Berlin.

Le nouveau président, le Suédois Edström, place alors le CIO dans une situation de neutralité qui lui évite une « dénazification », mais dans une neutralité toute relative car pro-occidentale. Des gages sont donnés comme le refus de coopter comme membre Carl Diem, l’organisateur des Jeux de Berlin, ou encore le transfert de l’institut olympique de Berlin (créé en 1938) à Lausanne en 1947, ou encore l’exclusion en 1948 du fils de Horthy, le dictateur hongrois. Cependant Edström, soutenu par Brundage, conditionne entre autres la reconnaissance du Comité national olympique de l’URSS à la libération de Karl Ritter von Halt, interné en camp de détention soviétique. Karl Ritter, ancien Reichsportsführer, retrouve son siège au CIO en 1951 !

Pratique bourgeoise des oisifs, sans véritable intérêt pour le pouvoir bolchevique, le sport est d’abord jugé comme une activité physique pour améliorer la santé de la population russe. Les Spartakiades sont créées en 1928 ; le régime conçoit alors le sport comme moyen d’affirmation politique. Le comité olympique d’URSS n’est reconnu qu’en 1951 et participe aux Jeux d’Helsinki en 1952, mais la délégation ne réside pas au village olympique par crainte des contacts et des défections. Un village a d’ailleurs été construit à Otaniemi pour les athlètes de pays communistes quand les Occidentaux résident au village de Kapylae.

Dès leur arrivée, les Soviétiques transforment les Jeux olympiques en un moyen d’affirmation de la supériorité du modèle en transformant les athlètes en machines à collectionner les médailles. L’affrontement qui ne peut avoir lieu de façon conventionnelle du fait de l’armement nucléaire, se joue sur d’autres terrains. La piste d’athlétisme est bien balisée par une lice. L’entrée en lice des chevaliers des temps modernes devient, par la médiatisation, la nouvelle guerre, ce que les statistiques de répartition des médailles soulignent. Entrée au CIO, l’URSS tente de le dominer en copiant des démarches utilisées dans d’autres instances mondiales, notamment l’ONU. Le CIO ne cède pas à la demande d’un représentant par république soviétique, ni à l’élargissement de sa composition à l’ensemble des présidents des CNO. Elle conduit auprès des pays du Sud, rendus plus nombreux par le mouvement de décolonisation, une politique de rapprochement, d’aide, de soutien, comme elle soutient le mouvement des non-alignés. En créant un comité d’aide internationale olympique en 1962, le CIO réagit avec ses moyens. Il dénonce la politique étatique sportive des pays de l’Est qu’il considère comme contraire à la charte contre le professionnalisme et cherche à lutter contre le dopage. Puis à la fin des années 1970, en permettant l’entrée de la République populaire de Chine, en offrant les Jeux d’hiver de 1984 à Sarajevo, il joue de la division dans le bloc communiste. Cependant, il suit les moments forts de la guerre froide, comme les moments forts de détente. En 1974, il attribue les Jeux d’été à la ville de Moscou, ceux d’hiver à Lake Placid, dans une démarche d’équilibre dont l’effet est limité par les boycotts.

Les confrontations directes entre les deux grands sont cependant rares au sein même des Jeux. La finale du tournoi olympique de basket-ball à Munich en serait une sorte d’acmé par la dramaturgie des dernières secondes qui ont vu deux vainqueurs, une controverse sur l’arbitrage, une erreur de chronométrage et finalement le refus de l’équipe états-unienne de venir chercher sa médaille d’argent ! Les documents disponibles sur ce match à la fin épique sont nombreux.

Résultats des athlètes soviétiques aux Jeux olympiques d’été

Année

Médailles d’or

Médailles d’argent

Médailles de bronze

total

Rang dans 
 le classement 
 des pays

1952

22

30

19

71

1

1956

37

29

32

98

1

1960

43

29

31

103

1

1964

30

31

35

96

2

1968

29

32

30

91

2

1972

50

27

22

99

1

1976

49

41

35

125

1

1980

80

69

46

195

1

1984

 

 

 

 

 

1988

55

31

46

132

1

D’après les données chiffrées du CIO.

Lors des Jeux de Barcelone en 1992, l’URSS n’existe plus. Elle est remplacée par la Communauté des États indépendants, nouvellement créée, dont les athlètes défilent précédés par un drapeau olympique. Avec 45 médailles d’or, 38 médailles d’argent, 29 médailles de bronze, cette équipe, pour les seuls Jeux olympiques auxquels elle a participé, s’est classée au 1er rang des États devant les États-Unis.