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Le 14 Juillet, naissance d’une fête nationale

Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération

Et si la fête de la Fédération donnait tout son sens à la prise de la Bastille ?

Le 15 juillet 1789, Louis XVI nomme La Fayette commandant de la garde parisienne créée pour canaliser les mouvements populaires et assurer la protection des Parisiens. Des milices de citoyens se créent dans chaque ville sur le modèle de la garde nationale de Paris pour lutter contre toute menace, notamment pendant la Grande Peur. Des fédérations locales, régionales de gardes nationales se sont constituées dans le sud de la France dès le mois d’août 1789. Elles se répandent dans le reste du pays. La Fayette incite à organiser pour le premier anniversaire de la prise de la Bastille une fête nationale célébrant cette fédération, proposition acceptée par l’Assemblée. L’Assemblée veut que cette commémoration du 14 Juillet célèbre l’unité de tous les Français.

La Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, au Champ-de- Mars

Charles Thévenin (1764-1838), La Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, au Champ-de- Mars, peinture réalisée en 1795, Paris, musée Carnavalet, © Musée Carnavalet/ Roger-Viollet

L’auteur de la toile a été présenté dans la partie précédente.

Le théâtre de la fête est le Champ-de-Mars, aménagé à partir du 1er juillet par de nombreux ouvriers, notamment de terrassement pour créer un cirque à l’antique, dont la capacité est estimée à cent mille places. Au centre de ce que l’on n’appelle pas encore un « stade », avec des talus en forme de tribunes, est érigé un autel, dédié à la Patrie, base d’un culte civique. La préparation du lieu vit la participation de représentants des différents groupes sociaux. La légende veut que Louis XVI, lui-même, y assista.

Le jour de la fête, les spectateurs sont estimés à deux cent cinquante mille. Les fédérés venus de toutes les provinces, complétés par les fédérés parisiens, estimés quant à eux à cent mille, défilèrent avec leurs drapeaux montrant l’union de la Nation à travers le défilé de ceux qui la défendent. Des éléments constitutifs des 14 Juillet modernes naissent sans doute en cette occasion.

Le roi est placé sous un chapiteau adossé à l’École militaire, sur la droite de la toile. Face à lui, un arc de triomphe clôt l’autre extrémité du Champ-de-Mars, ouvrant sur la Seine. Au centre, une messe est célébrée par Talleyrand, avec trois cents prêtres. Succède à la messe la prestation de serment. Le marquis de La Fayette (arrivant sur un cheval blanc) au nom des gardes fédérés prononce celui de la garde nationale. Fidélité à la Nation, à la loi et au roi, engagement à maintenir la Constitution acceptée par le roi, protection de la sûreté des personnes sont le contenu essentiel de cette prestation. Le président de l’Assemblée, Charles de Bonnay, prête serment pour l’ensemble des députés et de leurs électeurs. Les députés des quatre-vingt-trois départements assistent à la fête.

Puis Louis XVI intervient comme chef de l’exécutif pour prêter serment à la Constitution et s’engager à appliquer et respecter la loi. Un Te Deum fut donné, les participants se quittèrent au milieu des embrassades, figurées sur le tableau comme un thème récurrent des célébrations collectives cher à David. Il est remarquable aussi que les républicains de 1880 aient évincé de la fête la messe et le Te Deum, la fête républicaine devient alors une fête sans Dieu.

La peinture fidèle à la météo du jour montre le ciel lourd d’un temps pluvieux. Les rayons de soleil forment alors un procédé pictural pour souligner le monde nouveau qui procède de l’événement. La participation de la foule fut immense, très enthousiaste, malgré le mauvais temps.  

L’enthousiasme de la première fête de la Fédération disparut lors de la suivante, en 1791. La méfiance liée aux événements du printemps, la fuite à Varennes notamment, anima la célébration à laquelle l’Assemblée ne s’associa pas ! Quelques jours plus tard, la fusillade du Champ-de-Mars envenima la situation.

D’autres villes eurent aussi leur fête de la Fédération en 1790. L’exemple de Lyon est bien connu. À l’extérieur de la ville, plaine des Brotteaux, des bataillons de la garde nationale et des délégations des départements voisins défilent comme au Champ-de-Mars. Un temple dédié à la Concorde civile, une statue de la Liberté avec une pique au bonnet phrygien dans une main et un rameau d’olivier dans l’autre. Une messe est célébrée en public, des serments prononcés de fidélités à la Constitution, à la Nation, à la Loi et au roi. Mais le texte se prolonge :

« Nous jurons d’être inviolablement attachés à ce grand principe de la liberté individuelle, de protéger les propriétés particulières et la propriété déclarées nationales, d’assurer la perception de tous les impôts ordonnés pour le maintien de la force publique, d’entretenir la libre circulation des subsistances dans toute l’étendue du royaume, de maintenir, partout où nous serons appelés, l’ordre et l’harmonie, sans lesquels les sociétés se détruisent au lieu de se perpétuer. Nous jurons enfin de regarder comme ennemis irréconciliables tous ceux qui tenteraient de porter atteinte à la nouvelle Constitution ; et nous reposant avec confiance sur la Providence qui soutient notre patriotisme, nous promettons de sacrifier nos fortunes et nos vies pour conserver à nos descendants cette liberté après laquelle nous soupirions depuis si longtemps. ».

Sermon prononcé lors de la fête de la Fédération de Lyon, 14 juillet 1790, in Jean-Baptiste Monfalcon, Histoire de la ville de Lyon, Volume 2, Guilbert et Dorier, 1847, pp. 884-885.

 

Par le 14 juillet 1789 la Révolution crée l’événement, par le 14 juillet 1790 elle crée l’expérience festive.