Les offensives de Champagne et d’Artois : brillants succès ou terribles échecs ?

Du 25 septembre au 6 octobre 1915 se déroulent les offensives franco-anglaises en Champagne et en Artois. La presse de l’époque, sans moyens de vérifier sur le terrain la réalité des combats, reprend la propagande développée dans les communiqués officiels. Un siècle plus tard, la tonalité des articles tirant le bilan de ces offensives est bien différente. La percée des lignes allemandes n’a pas eu lieu et pour quelques kilomètres grignotés, les pertes sont énormes. Rappelons qu’en ce qui concerne le Limousin, le 25 septembre 1915 est la journée la plus meurtrière de la Grande Guerre pour les soldats de Tulle (maximum absolu de 29 Morts sur un total de 648 Morts de 1914 à 1919), et qu’elle se détache comme la journée la plus sanglante de l’année 1915 pour les soldats de Haute-Vienne (348 Morts en une seule journée, sur un total de 3349 Morts pour l’ensemble de l’année).

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Le Populaire du Centre (1), journal socialiste publié à Limoges, reprend les communiqués officiels et titre deux jours après le début des offensives sur les “brillants succès”, en citant le chiffre de 12 000 Allemands faits prisonniers.

Le Populaire du Centre du 27 septembre 1915

PDC 1915 09 25 Champagne et Artois

(1) Le site de la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges permet de consulter en ligne deux siècles de la presse limousine. Pour la période de la Grande Guerre, vous pouvez télécharger chaque numéro du Populaire du Centre en faisant une recherche par date ou en saisissant un texte.

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1915. L’enlisement

Jean-Noël Grandhomme propose une analyse de l’ouvrage de Jean-Yves Le Naour, 1915. L’enlisement (Paris, Perrin, 2013, 408 pages).

Cet ouvrage est également cité dans le diaporama des essais historiques sur le site de la Mission du Centenaire.

 1915 l'enlissement

Si 1914 est l’année de l’entrée en guerre, de la Marne et de Tannenberg ; si 1916 est celle de Verdun et de la Somme ; 1917 celle des révolutions russes, de l’entrée en guerre des États-Unis et du Chemin des Dames ; et enfin 1918 celle de la victoire des Alliés, 1915 a souvent été qualifiée d’« année inutile ». Elle est pourtant riche en événements dramatiques, que nous retrace ici Jean-Yves Le Naour.

Pour les deux camps, 1914 se clôt sur le même constat : démesurément étendu à l’ouest comme à l’est, le front est désormais figé et semble hermétique. Ce constat amène pays de l’Entente et puissances centrales à réfléchir à des solutions alternatives afin de « percer ». Plusieurs stratégies sont mises en œuvre du côté des Franco-Britanniques. D’une part un « grignotage » incessant, mais pour l’essentiel vain. Dans une guerre d’usure, il faut épuiser l’adversaire sans craindre ses propres pertes. Les hommes deviennent alors des éléments de statistique. Cette stratégie, vouée à l’échec, est maintenue au-delà du raisonnable par Joffre et, alimentée par les Allemands, conduit aux hécatombes des « combats locaux » dans les Vosges, au Bois-le-Prêtre, aux Éparges, dans l’Argonne, les Flandres et ailleurs. Joffre donne, d’autre part, deux gigantesques coups de bélier dans la forteresse ennemie, en Artois et en Champagne en mai et en septembre, sans pouvoir l’ébranler. À la fin de l’année, épuisés, les Alliés ont perdu l’initiative des opérations.

Il faut féliciter Jean-Yves Le Naour de n’avoir pas fait l’impasse sur les enjeux militaires de la guerre, que beaucoup d’autres historiens jugent superflus (un comble !). De belles pages sont consacrées à la vie quotidienne des combattants, dans un temps de mutation où se généralisent les nouveaux uniformes, le casque, le masque à gaz, le crapouillot, le lance-flammes, les mines. On s’installe pour longtemps dans un conflit dont l’issue semble particulièrement incertaine.

L’auteur évoque aussi longuement la vie des civils, obligés de s’organiser dans la durée sans les « hommes dans la fleur de l’âge », que leur ramènent pourtant de temps à autre les premières permissions. Les premières lézardes dans l’union sacrée ou le Burgfrieden apparaissent aussi, avec le congrès socialiste de Zimmerwald (Suisse) ou la « rumeur infâme » lancée en France par les anticléricaux dans le but de faire passer les catholiques pour des « embusqués » (ce qu’ils ne sont certes pas).

Les fronts « secondaires » ne sont pas oubliés non plus : l’échec de l’Entente aux Dardanelles ; l’océan, où la guerre sous-marine irrite les Américains et les autres neutres (avec le torpillage du Lusitania en mai). Tandis que l’entrée en guerre de l’Italie n’apporte pas de changement significatif à la situation militaire, les Russes s’effondrent en Pologne et en Ukraine, offrant un boulevard vers le blé des plaines fertiles à des Empires centraux où la pénurie commence à se faire durement sentir. Le tsar remporte, en revanche, des victoires contre les Turcs dans le Caucase, dont l’Empire ottoman se venge en exterminant ses citoyens arméniens, perpétrant ainsi le premier génocide du xxe siècle.

Comme toujours, le propos de Jean-Yves Le Naour est fluide et synthétique. Le récit est accessible sans pour autant que les faits soient simplifiés à l’extrême. Il est seulement dommage qu’hors des notes de fin de volume, les sources et la bibliographie n’apparaissent pas. Espérons que cet oubli sera réparé dans 1916, 1917, 1918 et peut-être 1919, que nous attendons avec intérêt.

Jean-Noël Grandhomme. Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2014).

Le Populaire du Centre du 1er janvier 1915 : la Guerre

La poursuite de l’offensive…

Cinq mois après le début du conflit, la lecture du communiqué officiel donne l’impression d’une lente progression : dans le cadre de “violents combats”, les troupes françaises gagnent quelques mètres de tranchées (1) ou une moitié de village, maison par maison. Les descriptions détaillées des neufs jours de combats (du 16 au 25 décembre) ne font que renforcer l’impression générale d’un blocage sur l’ensemble du front. Des noms de lieux devenus tristement célèbres, se répètent à longueur de page : la ferme d’Alger près de Sillery, la ferme de Beauséjour près de Mesnil-les-Hurlus, le bois de Mortmart (Mort-Mare en Meurthe-et-Moselle)… Et l’on pourrait rallonger la liste de ces lieux de combats que l’on retrouve sur les fiches individuelles des Morts pour la France. Avec la mauvaise saison, la boue et le froid ne font que rajouter à l’horreur d’une guerre dont on ne sait pas qu’elle va  encore durer 47 mois…

On retiendra également de cette lecture, des détails sur la guerre aérienne, qui s’illustre par des bombardements de villes ennemies, des combats aériens, des réglages de tirs d’artillerie ou de navires, des activités de surveillance et de reconnaissance. De même, alors que l’Italie n’est pas encore entrée dans la guerre au côté des pays de l’Entente, on apprend la mort d’un petit-fils de Garibaldi, qui à la tête des volontaires italiens est tombé dans les tranchées de l’Argonne.

(1) Pour en savoir plus: Jean-Yves Le Naour, 1915. L’enlisement (Paris, Perrin, 2013, 408 pages). L’auteur dénonce la stratégie du “grignotage” de Joffre qui coûte la vie inutilement à 320 000 hommes en 1915.

PDC 01 01 1915 La Guerre

Source : première page du Populaire du Centre du 1er janvier 1915. Disponible sur le site de la Bfm de Limoges.

443 Morts pour la France originaires de Haute-Vienne en décembre 1914

Une hausse de plus de 60% des décès de Hauts-Viennois de novembre à décembre 1914, avec une concentration des morts en fin de mois.

En passant de 274 Morts pour la France nés en Haute-Vienne en novembre 1914, à 443 Morts pour la France en décembre 1914, l’augmentation est de 61,7%. Certes on ne retrouve pas les niveaux de pertes faramineux des deux premiers mois de la guerre (1332 morts en août et 1310 morts en septembre), mais les chiffres traduisent une reprise de l’intensité des combats. En moyenne les pertes s’élèvent en décembre 1 914 à 14 morts par jour contre une moyenne de 9 morts en novembre. Les vingt premiers jours du mois sont en dessous de la moyenne, sauf le 14 décembre avec 16 morts. Par contre le dernier tiers du mois est nettement plus meurtrier, le 20 décembre compte 46 morts et le maximum du mois est atteint le 21 décembre avec 89 morts. En ce qui concerne les soldats de Haute-Vienne, la trêve de Noël n’existe pas aux endroits du front où ils se trouvaient car on compte 30 morts ce jour de fête.

Derrière ces dates on trouve l’offensive de la première bataille de Champagne, qui commence le 20 décembre 1914 et va se prolonger jusqu’au 17 mars 1915*.

* La Première Guerre mondiale, John Keegan, collection Tempus des Éditions Perrin, 2005. Chapitre 6 L’impasse, p.227.

MPLF HV déc 1914 par jour

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