Les hommes politiques de la Grande Guerre

Une sélection de 14 hommes politiques français qui ont marqué la Grande Guerre

La IIIe République en France est née de l’effondrement du Second Empire, à la suite du désastre de Sedan de septembre 1870, dans la cadre de la guerre franco-prussienne. Elle s’est effondrée à son tour 70 ans plus tard, lors de la débâcle de juin 1940, face au IIIe Reich allemand. Mais elle a été capable d’affronter et de surmonter les 52 mois de conflit de la Première Guerre mondiale.  Quels étaient les principaux hommes politiques amenés à gouverner le pays pendant cette période cruciale ? Cet article ne propose pas une présentation exhaustive de la classe politique de l’époque, mais une sélection de 14 hommes politiques français qui ont marqué la Grande Guerre. 

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Dans cette liste de personnalités politiques, Raymond Poincaré (1860-1934) a occupé la fonction la plus prestigieuse en étant élu président de la République par le Parlement réuni à Versailles le 17 janvier 1913. Il l’emporte au second tour de scrutin avec l’appui de la droite républicaine et contre le candidat des Radicaux soutenu par Clemenceau. Parmi les faits politiques les plus marquants, on retiendra que Raymond Poincaré a soutenu l’adoption en juillet 1913 de la loi des trois ans qui  prolonge le service militaire d’une année supplémentaire, qu’il a renforcé l’alliance avec la Russie lors de son voyage officiel dans ce pays en juillet 1914, et qu’il est à l’origine de la  politique d’Union sacrée qui permet de rassembler la plupart des forces politiques, syndicales et religieuses autour du gouvernement.

Jean Jaurès (1859-1914) est la seule personnalité de la sélection qui n’a pas exercé le pouvoir, mais en tant que député socialiste SFIO, il a marqué la période par son engagement pacifiste. Il est assassiné à Paris le 31 juillet 1914, à la veille du déclenchement de la Première Guerre Mondiale.

Cinq présidents du Conseil et sept gouvernements de juin 1914 à janvier 1920

La stabilité politique n’est pas une des premières qualité de la IIIe République, malgré l’Union sacrée, la France va connaître pendant la Grande Guerre cinq présidents du Conseil et sept gouvernements. René Viviani (1863-1925), Républicain socialiste, dirige les deux premiers gouvernements de la Grande Guerre, du 13 juin 1914 au 29 octobre 1915 (1 an 4 mois et 17 jours). Il laisse la place à Aristide Briand (1862-1932), Républicain socialiste qui dirige également deux gouvernements, du 29 octobre 1915 au 17 mars 1917 (1 an 4 mois et 20 jours). Lui succède Alexandre Ribot (1842-1923), membre de l’alliance démocratique (centre-droit), qui dirige le gouvernement du 20 mars au 12 septembre 1917 (5 mois et 23 jours), une période marquée par l’échec de l’offensive Nivelle et par les mutineries dans l’armée française. Il est remplacé par le ministre de la Guerre Paul Painlevé (1863-1933) qui n’occupe la place de président du Conseil que pendant deux mois, du 12 septembre au 13 novembre 1917. Est alors appelé le plus connu des hommes politiques de la Grande Guerre, le radical Georges Clemenceau (1841-1929), qui va diriger le gouvernement du 16 novembre 1917 au 18 janvier 1920 (2 ans 2 mois et 2 jours). Partisan acharné de la poursuite de la guerre qui lui vaut son surnom de “Père la Victoire”, il mène ensuite les négociations de paix qui conduisent au Traité de Versailles signé le 28 juin 1919. Malgré sa forte popularité au sortir de la guerre, il n’est pas désigné comme candidat à la présidence de la République, il quitte alors le gouvernement et se retire de la vie politique.

Une sélection de cinq ministres et de deux sous-secrétaires d’État

Dans le premier gouvernement d’Union sacrée formé par René Viviani le 26 août 1914, on a retenu comme personnalité politique connue, Théophile Delcassé (1852-1923), qui retrouve la fonction de ministre des Affaires étrangères qu’il avait occupée durablement de 1898 à 1905, période où son action diplomatique avait conduit à la signature de l’Entente cordiale avec le Royaume-Uni en 1904.  Il réussit à détacher l’Italie de la Triple-Alliance en la faisant enter en guerre aux côtés des Alliés le 23 mai 1915, mais il échoue à écarter la Bulgarie du camp des puissance centrales, ce qui le conduit à démissionner le 13 octobre 1915.

Autre fonction importante, celle de ministre de l’Intérieur,  est occupée durablement par Louis-Jean Malvy (1875-1949) dans les six gouvernements qui se succèdent du 17 mars 1914 au 31 août 1917. On retiendra que lors de la déclaration de guerre, en décidant de ne pas appliquer les mesures d’arrestation et de détention préventive contre les militants socialistes et syndicalistes (fichés sur le carnet B), il contribue à l’adhésion des milieux ouvriers à l’Union sacrée. Au cours de l’année 1917, il sera victime d’une campagne de calomnie de la part de l’extrême-droite et de violentes attaques sur sa politique de la part de Clemenceau. Poussé à la démission, il demandera a être traduit devant la Haute Cour de Justice, émanation du Sénat. La Haute Cour le condamne pour “forfaiture” à cinq ans de bannissement le 6 août 1918. L’historien Jean-Yves Le Naour, considère aujourd’hui qu’il s’agit  d’une “nouvelle affaire Dreyfus”.*

L’affaire Malvy. Le Dreyfus de la Grande Guerre, de Jean-Yves Le Naour, éditions Hachette Littératures, 2007, 377 pages.

Trois autres personnalités sont significatives de l’ouverture politique du gouvernement Viviani sur sa gauche car il s’agit de membres de la SFIO : Jules Guesde (1845-1922) devient ministre d’Etat, Marcel Sembat (1862-1922), ministre des Travaux publics, et Albert Thomas (1878-1932), sous-secrétaire d’État à l’artillerie et à l’équipement militaire. Ce dernier conserve son portefeuille dans le gouvernement Briand, et il est même promu ministre de l’Armement et des fabrications de guerre, le 12 décembre 1916. Il exercera cette fonction jusqu’au 12 septembre 1917, et il faut souligner combien son sens de l’organisation a permis la mobilisation de toutes les ressources du pays pour la production d’armement. On retiendra également qu’il deviendra après-guerre, le premier directeur du Bureau International du Travail à Genève de 1921 à 1932.

Autre personnalité remarquable, Abel Ferry (1881-1918), neveu de Jules Ferry, jeune député des Vosges de la Gauche radicale (groupe de position centriste) est nommé sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères dans le premier gouvernement Viviani formé le 14 juin 1914. Mobilisé, il rejoint son régiment sur le front, tout en étant confirmé à son poste dans le second gouvernement Viviani jusqu’à sa chute, le 29 octobre 1915. Par la suite, en tant que député il est nommé contrôleur des Armées, le 29 juin 1916. Il parcourt inlassablement le front et rédige de nombre rapports pour la commission de l’Armée du Parlement. C’est lors d’une mission dans l’Aisne qu’il est grièvement blessé par un obus et qu’il décède sept jours plus tard à Jaulzy dans l’Oise, le 15 septembre 1918. Il fait ainsi partie des dix-sept députés Morts pour la France pendant la Grande Guerre.

Le dernier de la sélection, André Maginot (1877-1932), fait également partie des députés combattants. Mobilisé comme simple soldat, nommé sergent, il est blessé très grièvement et revient siéger à la Chambre en 1915. Adversaire de Briand, il devient Ministre des Colonies dans le gouvernement Ribot du 19 mars au 9 septembre 1917, et fait participer l’Empire français à l’effort de guerre. Dans l’entre-deux-guerres , il sera plusieurs fois ministres de la Guerre et à l’origine de la fameuse “ligne Maginot“.

La carte des lieux de naissance et de la carrière parlementaire des 14 hommes politiques

 

 

Trois sites pour aller plus loin sur le sujet

Pour commémorer la bataille de Verdun, le site gouvernement.fr a mis en ligne un webdocumentaire intitulé Gouverner en temps de guerre structuré en cinq parties. La première partie traite du contexte à la veille du déclenchement du conflit : la division politique des Français, la loi des trois ans, les élections législatives du printemps 1914. la seconde partie intitulée “Union sacrée” présente les mesures d’exceptions prises dès le 2 août 1914, le remaniement du gouvernement Viviani du 26 août 1914, et le départ du président de la République et du gouvernement à Bordeaux le 2 septembre 1914. La troisième partie intitulée “remaniements” montre qu’après le retour de l’exécutif à Paris, le 10 décembre 1914, le Parlement est désormais associé étroitement à la conduite de la guerre. Après la démission de René Viviani le 29 octobre 1915, trois autres gouvernements d’Union sacrée se succèdent, les deux premiers dirigés par Aristide Briand et le dernier par Alexandre Ribot. Le gouvernement suivant conduit par Paul Painlevé n’est plus d’Union sacrée et est renversé au bout de deux mois, le 13 novembre 1917. La quatrième partie est consacrée à l’action déterminée du gouvernement présidé par Georges Clemenceau et qui cumule également la fonction de ministre de la Guerre. La cinquième partie traite des négociations et de la convention d’armistice signée le 11 novembre 1918, et évoque la conférence de la Paix qui conduit à la signature du Traité de Versailles. Le portail national de ressources éduscol, recommande l’usage de cette ressource numérique  auprès des élèves de Troisième .

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Sur le site de l’Assemblée nationale, le dossier thématique 1914-1918 propose une chronologie de la Grande Guerre, les contenus de l’exposition “les députés et le Grande Guerre” et en particulier le catalogue de l’exposition (48 pages), un visuel sur la chambre des députés en 1914 (un filtre permet de sélectionner les députés par département), des informations sur les débats de la Chambre et les comités secrets.

Répartition des groupes politiques dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale en juin 1914

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Le site de SciencesPo intitulé Gagner la guerre (1914-1918) : la République de l’Union sacrée à la Victoirepropose en ligne une riche sélection de textes parus entre 1913 et 1919 : documents émanant du gouvernement et des deux Chambres du Parlement ; textes législatifs et rapports institutionnels ; documents de partis ou organisations politiques ; articles de journaux.

Deux applications ludiques sur les hommes politiques de la Grande Guerre