Le paysage de la littérature jeunesse numérique

Le livre homothétique

Offre libre de droit ou gratuite

Mise à disposition de livres homothétiques

Intégrer ces livres dans le fonds est relativement simple. Une fois l'œuvre sélectionnée, il suffit de la référencer dans la base comme livre numérique et de renvoyer au téléchargement ou à la lecture de l'ouvrage en ligne à partir de la plateforme de dépôt. Il existe cependant d'autres formes de mise à disposition.

L'exemple d'une offre multi-plateformes

La bibliothèque numérique, telle que proposée par le CRDP de Nice, puise dans différents réservoirs. Elle élargit ainsi le panel de titres et de types de lecture (en ligne, en téléchargement) disponibles et rend possible l'intégration du payant et du gratuit. Elle permet de rationaliser les coûts et la gestion des écueils techniques au niveau d'une académie. Mais elle reste soumise aux conditions locales de mise en œuvre en établissement scolaire et aux capacités de médiation : intégration à la base de l'établissement, accès simplifié via le portail documentaire, valorisation possible de « parcours de lecture » à l'initiative de l'enseignant ou du professeur-documentaliste…

La part réservée à la littérature jeunesse est importante [9] car elle répond d'une part aux attentes institutionnelles mises en exergue dans une liste nationale de « lectures pour les collégiens »[10]. D'autre part s'agissant d'un type de lecture fortement sollicité par les élèves, en proposer une version numérique permet de faire un pont pratiques sociales et pratiques culturelles à la fois au sein de l'Ecole et à l'extérieur.

Une évolution en cours : Le Prêt Numérique en bibliothèque (PNB)

Il s'agit d'un programme conduit à l'initiative du groupe Dilicom [11], soutenu par le CNL (Centre National du Livre) et rassemblant différents acteurs du monde du livre, de l'industrie, de la recherche et de la culture.

« PNB est un dispositif d'échange d'informations (données commerciales, métadonnées descriptives, juridiques et techniques, données de gestion : état des droits de consultation, statistiques…) entre éditeurs, libraires et bibliothèques, dont le but est de faciliter le développement d'offres de livres numériques pour les bibliothèques » [12]. Le projet se développe peu à peu avec l'attention des professionnels. Le réseau Carel notamment, (Coopération pour l'accès aux ressources numériques en bibliothèque) suit ses évolutions et fait état de réflexions qui intéressent au premier plan les CDI : le risque d'un modèle calqué sur celui du livre physique, les DRM et les difficultés d'usages qui s'ensuivent, l'intérêt à s'appuyer sur les atouts du numérique en termes d'interactivité, de partage... [13]

Livre enrichi, appli-livre, application de lecture

A l'instar du manuel scolaire, le livre de jeunesse est l'objet d'enrichissements multimédias, sons, image fixe ou animée… La fiction comme le documentaire jeunesse sont propices à ces agréments. Les formes et les formats évoluent entraînant pour le médiateur de nouvelles problématiques de gestion et d'animations.

L'application : un livre ?

Le renouvellement des classiques

Parmi les applications de lecture, appli-livres, on trouve des adaptations originales de différents livres libres de droit dont le contenu est peu couteux et qui permet de renouveler l'attrait pour les classiques : Voyage au centre de la terre de Jules Verne [14], les nombreuses versions des contes de Perrault, d'Andersen, d'Alice au pays des merveilles...

Du web aux applications

Des pure-player [15] se sont aussi lancés dans l'aventure du livre numérique jeunesse, avec des sites web souvent accompagnés d'applications, repoussant toujours plus loin les frontières entre le jeu, le film d'animation et le livre (voir notamment Les fantastiques livres volants de Morris Lessmore [16]. Ils explorent ainsi de nouvelles formes de livres déclinés sur supports multiples, transmédias. Ils recherchent et testent la viabilité d'autres modèles économiques : e-plum [17], les feuilletons smartnovels [18], Mireilleloup [19]...

Une offre éparse et difficile à valoriser

Des sites ressources

Aujourd'hui cette offre est peu lisible et peu structurée. Elle est riche de propositions pour les moins de 10 ans [20]. L'article « l'album numérique » de Nathalie Colombier paru dans BBF en avril 2013 présente les évolutions de l'album narratif et du documentaire, la créativité dont ils sont l'objet. Des sites d'éditeurs ou de veille explorent largement ce domaine comme La souris qui raconte [21], Idbook [22] ou D'abord des enfants [23], Applimini [24].

Thomas Chaimbault [25], responsable de la formation des bibliothécaires à l'ENSSIB, dressait en 2012 le panorama des ressources numériques en bibliothèque montrant qu'en parallèle de cette dynamique, une diversité d'acteurs s'intéressait à la question. Pour les 11-15 ans, l'offre et les sites ressources sont plus rares : le site Declickids [26] ou le complément en ligne d'un numéro spécial de La revue des livres pour enfant [27] ouvrent des perspectives sur la manière d'enrichir un fonds de ressources numériques accessibles notamment sur tablettes et smartphones.

Rendre l'offre visible et lisible dans l'établissement ?

C'est un ensemble de questions auxquelles, comme les autres médiateurs, se heurte le professeur-documentaliste. Comment intégrer ces nouveaux supports dans le catalogue ? Comment acheter des applications, comment les rendre visibles et lisibles par le plus grand nombre ?

La présence de tablettes numériques dans les CDI, au gré des projets d'équipements portés par les académies et les collectivités, est de plus en plus fréquente. Proposer sur ces supports des applications de littérature jeunesse ouvre des perspectives enrichissantes pour la lecture mais implique différents niveaux de réflexion.

• Le choix des applications.
  • Elles sont nombreuses. Pour un même conte, on va trouver dans un magasin d'applications des versions gratuites, payantes, animées, illustrées, intégrant des jeux... Les sites de veille présentés ci-dessus vont apporter quelques éléments d'appréciation mais ils sont essentiellement dédiés à la littérature destinée aux moins de 12 ans. Une autre possibilité est de prendre l'attache du CDDP ou CRDP de proximité [28] qui dans certains cas peut proposer une veille et des tablettes en prêt intégrant des applications pré-installées [29] que l'on peut découvrir. On peut encore réfléchir en réseau à des critères de sélection d'appli-livres destinées aux 11-15 ans, à l'image du projet « Label » de la Petite Bibliothèque ronde [30].
• La mise à disposition : de nombreuses questions et peu de réponses...
  • Pré-installer des applications sur une tablette pour la prêter ensuite aux élèves est une solution évidente, souvent mise en place. Mais très vite, le nombre d'applications installées croît et il devient difficile de s'y retrouver même en multipliant les écrans et les dossiers ou en stockant les applications dans un cloud.
  • De plus l'acquisition d'applications payantes peut s'avérer complexe pour le service gestionnaire, pour la gestion des droits d'accès, pour la duplication sur plusieurs tablettes (souvent possibilité de faire cinq copies maximum), pour l'actualisation... Faut-il créer des applithèques [31] ? Référencer les applications dans le catalogue ? Imaginer de nouveaux outils de gestion en partenariat avec la recherche, les industriels ?

Autant de questions intéressantes à explorer afin d'élargir et de penser autrement les chemins d'accès à la lecture au collège en particulier. Le travail en réseau et le partage d'informations avec une diversité d'acteurs s'avère indispensable pour faire évoluer les pratiques et les routines. Et intégrer dans l'Ecole un vecteur supplémentaire d'ouverture aux mondes imaginaires.