Vous êtes ici :

  • Google+
  • Imprimer

Divulguer, diffuser, partager, accéder, insérer, représenter, reproduire, citer, parodier, copier, coller, télécharger, modifier, contrefaire. Ce sont quelques unes des utilisations contemporaines des œuvres. Le développement d'Internet et des nouvelles technologies en multiplient les « emplois ». Les élèves mais aussi les enseignants sont amenés à user de plus en plus souvent d'une multitude d'œuvres protégées par le droit d'auteur.

Un des objectifs déclarés de la loi n°2013-595 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République est de développer une grande ambition pour enseigner par le numérique et enseigner le numérique. La maîtrise des technologies de l'information et de la communication et le bon usage des ressources numériques, notamment pédagogiques, constituent un enjeu et une opportunité majeurs en matière éducative. 

En créant le service public du numérique éducatif qui met en ligne des ressources pédagogiques et des logiciels au service des enseignants, des élèves et de leurs parents, la loi de refondation a souhaité apporter aux élèves une véritable éducation aux médias, qui est une clé de la citoyenneté à venir.

L'article L. 312-9 du Code de l'éducation indique : « la formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques est dispensée dans les écoles et les établissements d'enseignement (…). Elle comporte une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle. »

La connaissance de ces droits fait des enseignants-documentalistes des interlocuteurs privilégiés pour les diffuser et les faire comprendre aux élèves mais aussi à leurs collègues. L'enseignement des droits de la propriété intellectuelle est devenu une étape obligée de l'éducation aux médias et à l'information. Elle peut aussi trouver toute sa place dans l'enseignement moral et civique des élèves.

L'usage et l'environnement des œuvres sont très importants quant aux droits qui leurs sont attachés, telle utilisation sera libre si elle se situe dans le cadre d'une courte citation, telle autre pourra bénéficier de l'exception pédagogique.

« De plus en plus en souvent, soit à titre privé, soit dans le cadre scolaire, les élèves, mais aussi les professeurs, mettent en ligne des œuvres qui relèvent du droit d'auteur, par exemple à l'occasion de la rédaction d'un journal scolaire, de la mise en ligne d'un diaporama pour l'histoire des arts, ou lors de travaux de publication en éducation aux médias et à l'information… À l'avenir, avec le développement du numérique éducatif, ces pratiques vont se généraliser. [1

« les questions de propriété intellectuelle redeviennent l'objet aujourd'hui d'un débat philosophique et politique, ce qu'elles avaient cessé d'être pendant soixante ans »… « De nouvelles approches, logiciels libres et open source, tentent de garantir un certain régime de propriété qui veut concilier droit d'auteur et droit du public à avoir accès au savoir, à la connaissance, et, à la fois, créent un espace normatif de production. Les contenus ouverts, reprenant la logique des logiciels libres, insistent surtout sur le partage, la coopération et le travail en équipe… 

Un équilibre est à inventer pour que l'opportunité que constitue l'avènement de l'Internet puisse faire bénéficier des savoirs et de la Culture à tout un chacun tout en permettant aux auteurs une juste rémunération pour leurs travaux et leurs talents assurant ainsi un cercle vertueux.

Cette question qui saisit l'ensemble de la société trouve certaines réponses dans le domaine de l'Éducation.

Avant d'envisager ces solutions, il faut répondre à la question : qu'est-ce qu'une œuvre ? I Ceci fait, nous pourrons voir comment l'Internet ne change pas fondamentalement le droit sur les œuvres [2] II et à travers l'exemple de Canoprof et des conditions générales d'utilisation de ce service par ses utilisateurs considérer une proposition de partage des œuvres et de diffusion du savoir IV après avoir examiné les qualités et les défauts des licences Creative Commons III.

I Qu'est ce qu'une œuvre ?

Qu'y a-t-il d'irréductible dans l'œuvre qui mérite la protection de la loi ?

Une œuvre est protégée si elle est originale

Ce que l'on préserve en protégeant l'œuvre et, au travers de l'œuvre, c'est la personne de l'auteur. C'est sur ce fondement que la construction juridique des droits moraux d'auteur s'est faite. Le noyau de cette protection c'est l'originalité. Dès l'instant où une création présente une originalité, cette œuvre est protégée. L'originalité s'entend comme le reflet de la personnalité de l'auteur. Dès qu'une création porte une empreinte de la personnalité de son auteur, celle-ci est protégée quelque soit son mérite, sa destination, son genre, sa forme d'expression.

Beaucoup de travaux pédagogiques sont protégeables par le droit d'auteur : dissertation, exposé, illustration, poème, dessin, chant, présentation orale, vidéo, etc., peu importe qu'il y ait des emprunts ou non, pourvu qu'il y ait ne serait-ce qu'une empreinte de la personnalité de l'élève. Un élève qui réalise un travail pédagogique, à moins qu'il ne soit que strictement technique, sans apport créatif, est un auteur et est titulaire de droits d'auteur. Son travail pédagogique est protégé. Il convient donc d'obtenir l'autorisation écrite de l'élève-auteur (même mineur) et de ses représentants légaux pour utiliser sa création.

Dans le « copier-coller » qui est si « cher ! » à notre environnement, ce qui est pernicieux et répréhensible ce n'est pas tant l'emprunt à un autre auteur, c'est la négation de cet emprunt qui ne laisse pas place à une « parole » singulière. D'où l'importance d'apprendre aux élèves la propriété intellectuelle, « les droits d'auteur », ce qu'ils permettent, ce qu'ils interdisent, qu'emprunter aux autres n'est non seulement pas rédhibitoire mais qu'il s'agit d'une tendance naturelle de la création qui peut laisser aussi s' exprimer son originalité à la condition de respecter celle d'autrui. Dans la contrefaçon il n'y a pas d'œuvre.

L'originalité est une condition pour qu'une œuvre soit juridiquement protégée, c'est aussi la condition première et suffisante contrairement à d'autres domaines de la propriété intellectuelle.

Condition première et suffisante

Le mérite d'une œuvre ne doit pas être pris en compte (le dessin fait par un élève de classe maternelle ne sera ni plus ni moins protégé que celui d'un grand Maître), sa destination non plus. Peu importe que l'œuvre soit créée dans un but culturel ou utilitaire pour être protégée, le dessin pour illustrer une poudre de lessive sera protégé, le genre de l'œuvre (littéraire, cinématographique, peinture, autres) lui non plus ne doit pas être pris en compte ainsi que sa forme d'expression et donc peu importe le procédé de réalisation utilisé, écrit, oral, image de synthèse.

Chaque fois que « le juge » s'écarte de cette neutralité par rapport au mérite d'une œuvre pour en refuser la protection en se fondant sur ce motif, ses décisions sont censurées par la Cour de Cassation.

Par contre, pour être protégée la création doit être extériorisée. Le droit d'auteur ne protège pas les idées. Les idées, dit-on d'une façon un peu compassée, sont de libre parcours. L'œuvre doit être mise en forme. Il faut qu'il y ait une concrétisation de cette idée dans une forme tangible (papier, fichier informatique, brouillon, synopsis, etc.). L'emballage du Pont Neuf à Paris par le sculpteur Christo est protégé. Par contre cela ne lui donne pas un monopole sur l'idée d'emballer tel ou tel autre élément. Aussi a t-il perdu un procès intenté lorsqu'il a voulu s'opposer à l'emballage des arbres de l'avenue des Champs-Élysées par un « collègue-sculpteur » un peu opportuniste. C'est la mise en forme qui est protégée par le droit d'auteur pas l'idée.

Les droits d'auteur naissent à son bénéfice dès la création et ce sans aucune formalité, à la différence des brevets d'invention ou des marques qui nécessitent un dépôt à l'INPI (institut national de la propriété industrielle).

Qu'en est-il des œuvres réalisées à plusieurs ?

Pour les œuvres réalisées à plusieurs le Droit distingue les œuvres composites que l'on nomme aussi dérivées, les œuvres de collaboration et les œuvres collectives. Trois types d'œuvres, trois régimes juridiques distincts.

Les œuvres composites ou dérivées.

Dans l'œuvre composite, le créateur adapte une œuvre initiale pour en faire à partir d'elle une œuvre seconde sans qu'il y ait de coopération entre les auteurs de l'œuvre préexistante et ceux de l'œuvre nouvelle. Selon l'article L 113-4 du code de la propriété intellectuelle : « l'œuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'œuvre préexistante. »

L'élève qui utilise des articles trouvés sur Internet pour son travail pédagogique doit citer ses sources : « le nom de l'auteur, l'origine de l'extrait, le titre de l'œuvre, le nom de l'éditeur et l'année de parution, les pages empruntées. » Quelles que soient les œuvres, les sources de l'œuvre initiale doivent être mentionnées.

L'exploitation de l'œuvre seconde est subordonnée à l'autorisation de l'auteur de l'œuvre première. L'auteur de l'œuvre première a une priorité sur l'auteur de l'œuvre seconde qui lui permet d'interdire toute utilisation de son œuvre sans son consentement tant que celle-ci n'est pas tombée dans le domaine public (70 ans à partir du début de l'année civile suivant le décès de l'auteur). Notez bien qu'à cette échéance il faut toujours tenir compte des droits moraux d'auteur qui eux sont perpétuels. Les contrats ou les autorisations qui permettent de se servir d'une œuvre première doivent prévoir obligatoirement pour combien de temps l'autorisation est donnée et à la fin du terme il faut négocier une reconduction.

Certaines œuvres sont réalisées grâce au concours de plusieurs personnes. Dans ce cas le Code distingue les œuvres de collaboration et les œuvres collectives.

Les œuvres de collaboration

Dans l'œuvre de collaboration, chaque auteur est co-auteur de l'ensemble. Il faut l'autorisation des différents auteurs pour l'exploiter. L'œuvre de collaboration est définie selon l'article L 113-2 du Code de la propriété intellectuelle comme celle à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. L'œuvre est la propriété commune des co-auteurs. Il faut qu'il y ait une création effective des différents intervenants et que leur participation soit concertée. Il peut y avoir une répartition des tâches comme c'est le cas pour les auteurs d'une bande dessinée dès l'instant où les auteurs sont d'accord sur le résultat qu'ils veulent atteindre ce qui suppose une inspiration commune.

Dans l'œuvre de collaboration, il y a une communauté d'inspiration. Chacun connaît le résultat escompté même si les participations sont différentes.

C'est cet aspect qui n'existe pas dans l'œuvre collective.

Les œuvres collectives

Ce qui caractérise l'œuvre collective c'est qu'il n'y a pas de participation au tout de chacun des intervenants. Plusieurs personnes travaillent mais seul le coordonnateur sait le résultat qu'il veut atteindre. Selon l'article L 113-5 du Code de la propriété intellectuelle « l'œuvre collective est sauf preuve contraire la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur. » Dans l'œuvre collective la personnalité des différents auteurs disparaît derrière celui, personne physique ou personne morale, qui la publie.

Les exemples types d'œuvres collectives ce sont les journaux, les dictionnaires.

Une fois vue ces différences juridiques, nous pouvons envisager le sort de l'œuvre à l'ère d'Internet.

II Le sort de l'œuvre à l'ère de l'Internet : le formalisme du droit d'auteur français

Internet ne change pas fondamentalement l'application des droits de l'auteur sur son œuvre, mais les domaines d'utilisation étant multipliés il faut être plus prudent. Prudent, pour ne pas se mettre dans l'illégalité lorsqu'on prend connaissance des œuvres en ligne, mais aussi, lorsqu'on met une œuvre à disposition des autres pour ne pas outrepasser ses droits.

Le principe de l'interprétation restrictive des droits cédés

Les juges sont plus sévères pour ceux qui mettent à disposition de façon illicite des œuvres protégées que pour ceux qui les « consomment », et encore davantage s'ils effectuent cette mise à disposition à titre professionnel et/ou en retirent un bénéfice. Par exemple ce n'est pas parce que vous avez acquis un DVD dans le commerce que vous pouvez en faire profiter le club cinéma de votre collège. Vous n'avez en effet acquis en l'achetant que le droit de le visionner dans le cadre du cercle de famille.

Que dit le Code de la propriété intellectuelle à propos de l'utilisation des œuvres ?

L'article L 122-7 du Code vise les droits patrimoniaux d'auteur que sont le droit de reproduction et le droit de représentation en insistant déjà sur la nécessaire forme écrite pour les contrats de cession de droit. Selon cet article : « Le droit de représentation et le droit de reproduction sont cessibles à titre gratuit ou à titre onéreux. La cession du droit de représentation n'emporte pas celle du droit de reproduction. La cession du droit de reproduction n'emporte pas celle du droit de représentation. Lorsqu'un contrat comporte cession totale de l'un des deux droits visés au présent article, la portée en est limitée aux modes d'exploitation prévus au contrat. »

Chaque cession doit faire l'objet d'une cession distincte et formalisée dans un contrat.

L'article L 131-3 est tout aussi explicite :

« La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée… »

On le voit dans le droit d'auteur français, la cession des droits est soumise au formalisme de l'écrit et tous les modes de diffusion et d'exploitation d'une œuvre doivent être très précisément prévus et délimités dans le contrat de cession de la manière la plus claire possible. Cela n'est pas sans poser des problèmes. Problèmes qui peuvent être aussi source d'innovation.

Quel est le domaine d'exploitation prévu, est-ce un blog ? Un intranet ? Pour l'Internet ou pour un espace numérique de travail ? Pendant combien de temps ?

En effet, le principe qui s'applique en la matière est celui de l'interprétation restrictive des droits cédés. Il faut dans un contrat concernant la cession de droits citer tous les modes d'exploitation envisagés et éviter les clauses trop générales comme : « tous droits compris », car elles seront interprétées comme n'ayant pas prévu tel ou tel mode d'exploitation particulier non cité précisément.

Chaque fois que l'on souhaite donner une publicité supplémentaire à l'œuvre en élargissant son public cette ouverture doit s'accompagner d'une autorisation écrite de l'auteur que celle-ci se fasse à titre gratuit ou à titre onéreux.

Quand on souhaite publier en ligne, il faut donc bien distinguer les usages, c'est-à-dire principalement le type de publication que l'on choisit, site public ou portail à public restreint par authentification. En effet, la publication à public restreint peut bénéficier dans certains cas de l'exception pédagogique aux droits patrimoniaux d'auteur. C'est ce que nous allons voir en envisageant le statut de l'élève-créateur dont la création n'est pas protégée par le droit d'auteur dans certains cas.

L'élève-créateur reste un élève dans le cadre de l'Espace Numérique de travail selon l'article L122-5

Ainsi, une œuvre créée dans le cadre d'une collaboration entre des élèves et un enseignant à l'occasion d'un atelier de dessin ne peut être intégrée sur un site internet sans l'autorisation écrite de ces derniers. Les élèves ont un droit d'auteur sur leurs dessins. « Le problème ne se posera pas tant que les travaux pédagogiques de l'élève seront simplement conservés par l'établissement sous forme d'archives ou exploités en classe dans le cadre strict de la mission de service public d'enseignement (compte rendu par l'enseignant de l'exercice, corrigé, lecture en classe de la meilleure copie avec autorisation orale de l'élève).

Le problème se pose dès que l'établissement veut exploiter l'œuvre de l'élève en dehors de ce cadre strictement pédagogique dans un but annexe voire étranger à la mission d'enseignement : promotion de l'établissement au travers des travaux des élèves sur le site internet de l'établissement, exposition des travaux lors d'une journée porte ouverte ou au CDI (liste non limitative).

Dans ce cadre, il convient de demander l'autorisation expresse (autorisation écrite avec signature originale pour une exploitation précise) aux élèves même mineurs et à leurs parents pour représenter l'œuvre, particulièrement hors de l'établissement (internet, extranet, lieu situé en dehors de l'enceinte de l'établissement). Cette cession de droit d'exploitation peut se faire à titre gratuit, mais les élèves peuvent également demander à ce que cette cession soit payante. »

Les mises en ligne de travaux d'élèves ou d'enseignants sur un site public d'établissement scolaire ou sur le portail du CDI doivent respecter strictement le droit d'auteur. Par contre, les publications sur des portails à public restreint comme les espaces numériques de travail bénéficient de l'exception pédagogique. Les travaux des élèves font partie selon le texte de l'article L 122-5 de ce cadre qui profitent de l'exception pédagogique. Un enseignant peut utiliser dans le cadre strict de l'E.N.T. des travaux des élèves-créateurs sans avoir à demander une autorisation à l'élève-auteur [3].

Dans le cadre d'un espace numérique de travail qui n'est accessible que par la communauté pédagogique avec un identifiant il n'est pas nécessaire de demander une autorisation, avant publication de l'œuvre, car dans ce cadre là l'exception pédagogique peut couvrir l'utilisation de l'œuvre.

Il faut bien distinguer sa situation dans le cadre de l' E.N.T et dans le cadre des autres activités pédagogiques. Si une autorisation a été consentie par un élève-auteur et ses parents pour publication sur le site de l'établissement, l'enseignant qui utilise ces mêmes travaux d'élèves pour illustrer son blog pédagogique devra obtenir une autorisation complémentaire écrite de l'élève-auteur et de ses représentants légaux (s'il est mineur) pour ce nouveau mode de diffusion.

L'exception pédagogique prévue par l'article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle permet à un enseignant de reproduire, sans demander d'autorisation, des œuvres protégées, extraits limités, voire œuvre entière pour la photographie, la musique ou les films, dans le cadre d'accords négociés par le Ministère avec les ayants droit qu'ils rémunèrent globalement pour cette exception. Il faut pour cela que l'utilisation soit faite dans un cadre précis. L'utilisation à des fins d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche s'entend de l'utilisation d'une œuvre ou d'un extrait d'œuvre qui est destinée à éclairer ou étayer une discussion, un développement, une argumentation dans le cadre des cours des enseignants, des travaux des élèves et étudiants ou des travaux de recherche et enfin dans le cadre des sessions de formation des enseignants et des chercheurs. 

L'exception exclut les « œuvres conçues à des fins pédagogiques » (exemple : manuels) pour lequel le décret d'application ne ménage qu'un droit de citation d'extraits très limités, enfin, cette exception pédagogique est limitée au cadre de l'enseignement en présentiel ou d'un Espace Numérique de Travail.

En dehors du cadre des exceptions aux droits d'auteur, certaines solutions existent pour accéder aux œuvres.

Une solution à ce qui peut apparaître comme un formalisme pesant (nécessité d'un contrat écrit qui délimite très clairement les droits cédés) pour avoir accès à l'œuvre peut se trouver dans les licences Creative Commons qui renversent le principe de l'autorisation obligatoire. Dans ce cas ce n'est plus l'utilisateur qui demande à bénéficier de telle ou telle autorisation mais l'auteur qui, à l'avance, indique ce qu'il accepte ou pas. La licence fixe un cadre légal à l'utilisation d'une production, d'un contenu. Grâce à elle, l'auteur peut définir précisément les conditions d'utilisation de son œuvre. Les utilisations qui ne sont pas consenties peuvent faire l'objet d'une demande d'autorisation comme par le passé.

III Les licences Creative Commons où il serait autorisé d'autoriser ! : source d'insécurité juridique ?

Les licences Creative Commons sont fondées sur le droit d'auteur. Alors que le régime du droit d'auteur classique incite l'auteur à garder l'exclusivité sur la totalité de ses droits (« tous droits réservés »), ces licences encouragent à n'en conserver qu'une partie (« certains droits réservés »). Creative Commons travaille avec des experts en droit d'auteur dans le monde entier pour que ces licences soient valides quelle que soit la juridiction. Ces licences permettent au public d'utiliser les œuvres, sous certaines conditions, selon les préférences de l'auteur. Elles facilitent ainsi l'utilisation des œuvres (textes, photos, musique, sites web, etc) et elles s'adressent aux auteurs souhaitant : 

  • partager et faciliter l'utilisation de leur création par d'autres
  • autoriser gratuitement la reproduction et la diffusion (sous certaines conditions)
  • accorder plus de droits aux utilisateurs en complétant le droit d'auteur qui s'applique par défaut
  • faire évoluer une œuvre et enrichir le patrimoine commun (les biens communs ou Commons)
  • économiser les coûts de transaction
  • légaliser le peer to peer de leurs œuvres. 

Les licences Creative Commons permettent aux auteurs de fabriquer leurs propres licences en modulant les autorisations en fonction de leurs désidératas.

Quelles sont les options possibles ?

Il y en a quatre et la combinaison de ces quatre conditions débouchent sur six licences. 

  • Attribution (BY): L'auteur revendique son droit de paternité. L'utilisateur, qui souhaite diffuser l'œuvre, doit mentionner l'auteur. Toutes les licences Creative Commons obligent ceux qui utilisent ses œuvres à créditer l'auteur de la manière dont il le demande, sans pour autant suggérer qu'il approuve leur utilisation ou donne son aval ou son soutien.
  • Pas d'utilisation commerciale (NC) : l'auteur autorise les autres à reproduire, à diffuser et (à moins qu'ils choisissent « Pas de Modification ») à modifier son œuvre, pour toute utilisation autre que commerciale, à moins qu'ils obtiennent l'autorisation au préalable.
  • Pas de modification (ND) : l'auteur autorise la reproduction et la diffusion uniquement de l'original de l'œuvre. Si quelqu'un veut la modifier, il doit obtenir son autorisation au préalable.
  • Partage dans les memes conditions (SA) : l'auteur autorise les autres à reproduire, diffuser et modifier son œuvre, à condition qu'ils publient toute adaptation de son œuvre sous les mêmes conditions que son œuvre. Toute personne qui souhaiterait publier une adaptation sous d'autres conditions doit obtenir l'autorisation préalable de l'auteur. 

La possibilité donnée à l'auteur de choisir parmi ces quatre composantes donne lieu à six combinaisons de licences, six contrats possibles qui permettent aux titulaires de droits d'auteur de mettre leurs œuvres à disposition du public à des conditions prédéfinies. Grâce à un moteur de licence proposé par le site de Creative Commons, l'auteur obtient automatiquement un code HTML à insérer sur son site qui renvoie directement vers le contrat adapté à ses désirs. Les licences Creative Commons couvrent les besoins rencontrés dans l'éducation.

Les licences Creative Commons viennent en complément du droit applicable, elles ne se substituent pas au droit d'auteur.

Simples à utiliser et intégrées dans les standards du web, ces autorisations non exclusives permettent aux titulaires de droits d'autoriser le public à effectuer certaines utilisations, tout en ayant la possibilité de réserver les exploitations commerciales, les œuvres dérivées et les conditions de redistribution.

Les licences possibles 

  • Attribution (BY)
    Le titulaire des droits autorise toute exploitation de l'œuvre, y compris à des fins commerciales, ainsi que la création d'œuvres dérivées, dont la distribution est également autorisée sans restriction, à condition de l'attribuer à son l'auteur en citant son nom. Cette licence est recommandée pour la diffusion et l'utilisation maximale des œuvres.
  • Attribution + Pas de Modification (BY ND)
    Le titulaire des droits autorise toute utilisation de l'œuvre originale (y compris à des fins commerciales), mais n'autorise pas la création d'œuvres dérivées.
  • Attribution + Pas d'Utilisation Commerciale + Pas de Modification (BY NC ND)
    Le titulaire des droits autorise l'utilisation de l'œuvre originale à des fins non commerciales, mais n'autorise pas la création d'œuvres dérivées.
  • Attribution + Pas d'Utilisation Commerciale (BY NC)
    Le titulaire des droits autorise l'exploitation de l'œuvre, ainsi que la création d'œuvres dérivées, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une utilisation commerciale (les utilisations commerciales restant soumises à son autorisation).
  • Attribution + Pas d'Utilisation Commerciale + Partage dans les mêmes conditions (BY NC SA)
    Le titulaire des droits autorise l'exploitation de l'œuvre originale à des fins non commerciales, ainsi que la création d'œuvres dérivées, à condition qu'elles soient distribuées sous une licence identique à celle qui régit l'œuvre originale.
  • Attribution + Partage dans les mêmes conditions (BY SA)
    Le titulaire des droits autorise toute utilisation de l'œuvre originale (y compris à des fins commerciales) ainsi que la création d'œuvres dérivées, à condition qu'elles soient distribuées sous une licence identique à celle qui régit l'œuvre originale. Cette licence est souvent comparée aux licences « copyleft » des logiciels libres. C'est la licence utilisée par Wikipedia.

Les conditions communes à toutes les licences Creative Commons

Elles offrent une autorisation non exclusive de reproduire, distribuer et communiquer l'œuvre au public à titre gratuit, y compris pour des œuvres collectives. Elles font apparaître clairement au public les conditions de la licence de mise à disposition de cette création, à chaque utilisation ou diffusion.

Chacune des conditions optionnelles peut être levée après l'autorisation du titulaire des droits. Les exceptions au droit d'auteur ne sont en aucun cas affectées. Il est interdit d'utiliser des mesures techniques contradictoires avec les termes des licences. Le partage de fichiers (peer to peer) n'est pas considéré comme une utilisation commerciale.

Comment faire pour placer ses œuvres sous l'une des licences Creative Commons ?

La procédure se fait en ligne, il n'y a aucun document à signer. Si vous êtes auteur, ou avec l'accord des titulaires de droits, vous pouvez simplement choisir votre licence parmi les 6 combinaisons d'options existantes. Elles présentent l'avantage d'une certaine souplesse dans les droits concédés, alliée à une grande simplicité de mise en œuvre.

« Une licence permet de donner un cadre légal à l'utilisation d'une œuvre. Les licences Creative Commons sont internationales, modulables et gratuites. Elles sont reconnues en France et le ministère de la Justice, lui-même à l'origine d'une licence spécifique destinée aux informations publiques (Licence « information publique librement réutilisable »), a publié le texte de ladite licence, sous licence Creative Commons CC BY-SA c'est-à-dire paternité et partage à des conditions initiales à l'identique.

Les licences permettent de garantir la protection du droit d'auteur tout en permettant la libre circulation des idées et des œuvres. Chaque auteur peut choisir les critères de protection et d'utilisation de son œuvre.

« Dans le domaine de l'éducation, le partage, la confrontation des idées et des conceptions, la multiplicité des approches, la mise en commun des productions, les améliorations et les variantes créées contribuent à l'enrichissement progressif du patrimoine pédagogique, au bénéfice de tous. »

Malheureusement, la formulation générique des clauses de licences Créative Commons n'est pas conforme aux dispositions strictes des articles L 122-7 et L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle qui subordonnent la transmission des droits de l'auteur au fait que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant au lieu et quant à la durée.

Pour le dire autrement ces licences ne permettent pas de respecter le formalisme protecteur du droit d'auteur français qui exige de définir précisément les modalités de la cession des droits. Aussi celui qui utilise les publications d'accès libre n'a aucune assurance que l'auteur qui a choisi de recourir à la formule des Creative Commons n'exploite les failles juridiques pour le poursuivre pour contrefaçon. La possibilité est juridiquement ouverte. Comment dès lors bénéficier de la facilité qu'offrent le partage du savoir par ces licences tout en tentant d'assurer une sécurité juridique ?

C'est ce que nous allons voir à travers l'exemple du service Canoprof par Réseau Canopé.

IV L’exemple du service canoprof à travers les conditions générales d’utilisation de ce service par ses utilisateurs.

Réseau Canopé est un établissement public administratif qui édite des ressources pédagogiques transmédias, dont le but est de faire entrer l’école dans l’ère du numérique. A ce titre elle exploite gratuitement une plateforme internet accessible à l’adresse Opens external link in new windowcanoprof.fr qui permet à ses utilisateurs de construire, de créer, de cocréer, de partager leurs cours, de gérer et de publier sur des supports multiples des ressources pédagogiques.

Entre Réseau Canopé et l’utilisateur il est passé un contrat où l’utilisateur s’engage à connaître et à respecter en toutes circonstances les conditions d’utilisation de cette plateforme Canoprof. Elle permet aux enseignants utilisateurs de décrire la programmation de leurs enseignements, de rédiger la description des contenus de créer et générer des activités pédagogiques sur différents supports, de publier et diffuser dans un espace accessible sur le web à ses élèves. Elle permet à Réseau Canopé d’identifier les documents produits qui sont pertinents pour la communauté enseignante, d’en effectuer une copie et de l’indexer.

Trois possibilités, trois espaces, sont offerts à l’utilisateur après avoir téléchargé l’application Canoprof sur son ordinateur personnel. L’espace Canoprof « Desktop » où l’utilisateur crée, produit des documents de cours hors ligne sans être connecté. Les contenus sont alors stockés sur le disque dur de l’utilisateur. Deuxième possibilité, l’espace Canoprof « Cloud privé » où l’utilisateur crée en ligne des contenues pédagogiques offrant des fonctions collaboratives et un espace de publication web propre à chaque utilisateur. Enfin, dernière possibilité, l’espace Canoprof « Cloud public ». Dans cet espace les équipes de Réseau Canopé aident et accompagnent l’utilisateur à concevoir ses cours, copient et indexent les contenus pédagogiques jugés pertinents par les équipes de Réseau Canopé pour la communauté éducative. Les ressources non sélectionnées restent disponibles dans le « cloud » de l’utilisateur.

Dans l’utilisation du service chaque utilisateur s’engage à respecter les droits de propriété intellectuelle afférents au contenu fournis par Réseau Canopé et par les autres utilisateurs, ainsi que les droits des tiers. Réseau Canopé reste propriétaire du site et du service sous la seule réserve des contenus fournis par les utilisateurs ou par des tiers. Il accorde à l’utilisateur une autorisation, non exclusive, personnelle et non transférable d’utilisation du site et du service et des données qu’ils contiennent pour l’usage professionnel et à titre strictement personnel.

Chaque utilisateur concède, à titre gratuit à Réseau Canopé et aux autres utilisateurs une licence non exclusive d’utilisation du contenu et des données qu’il intègre et/ou met en ligne et partage via le Site et le Service. L’utilisateur accepte de mettre ses contenus et données sous une licence Creative Commons et il revient à chaque utilisateur de choisir la licence Creative Commons sous laquelle il met à disposition ses contenus et données.

En publiant ses contenus dans l’espace « Cloud » chaque utilisateur selon l’article 6.2 du contrat entre Réseau Canopé et l’utilisateur, déclare être pleinement conscient que le fait de mettre à disposition ou de partager des contenus sous licence d’exploitation Creative Commons ne l’exonère pas des droits d’auteur et accepte que ses contenus soient accessibles à Réseau Canopé et aux autres utilisateurs, pour les consulter, les utiliser conformément à la licence Creative Common attribution-partage dans les mêmes conditions. (BY SA)

Il accepte expressément cette utilisation de ses données personnelles qui relève de l’essence même de l’espace collaboratif « Canoprof Cloud » du site et du service. Il accepte que ses données soient, dans le respect de son droit moral d’auteur, reproduites, représentées, adaptées et traduites, par exemple, pour les rendre conforme aux programmes d’enseignement et/ou pour garantir le respect des droits d’autrui. Cette licence, termine l’article, est consentie pour le monde entier et pour la durée de protection des droits applicable. En cas de rupture du contrat la licence accordée par l’utilisateur à Réseau Canopé et aux autres utilisateurs continuerait à produire tous ses effets à l’égard de l’ensemble des parties. Par ailleurs, Réseau Canopé n’a pas d’obligation de surveillance des données et contenus des utilisateurs stockés et diffusés via le Site et le Service. Conformément à la loi, dans l’hypothèse où Réseau Canopé serait informé qu’un contenu « manifestement illicite » serait diffusé sur le Site ou à travers le Service, il pourra être amené à le supprimer.

Le contrat entre Réseau Canopé et ses utilisateurs donne un cadre précis par rapport à l’utilisation des licences Creative Commons qui permet de limiter le risque juridique propre à ces licences et de les utiliser dans un environnement sécurisé permettant ainsi la création et la diffusion du savoir.

Notes de bas de page

[1] Opens external link in new windowhttps://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_1319451/ressources-numeriques-et-droit-dusage onglet=onglet1&portal=piapp1_58856&cid=piapp1_58805

[2] A ce propos voir l'article Droits d'auteur, droits du public : une approche historique par Anne Latournerie à l'adresse : Opens external link in new windowhttps://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2004-2-page-21.htm#anchor_plan

[3] Voir aussi à ce sujet : Le statut des travaux d'élèves par Philippe Gauvin, sur Savoirs CDI