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Préparation au CAPES externe : corrigé des exercices 4,5,6

par Marie-France Blanquet,
[janvier 2009]

Mots clés : commentaire critique , capes

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Exercice numéro 4

[Lire l'énnoncé]

Remarque générale : L’intérêt de lire des recensions, dans le cadre de la préparation du capes, est triple : cela permet de voir sur quel point les analystes portent leur critique, avec quelle argumentation. Cela permet aussi de suivre l’actualité des publications mais surtout de connaître des réflexions originales qui peuvent servir dans la rédaction du commentaire critique. Ainsi les recensions  proposées ici seront utilisées dans les exercices 6.

DERSRICHARD, Yves. Bibliothèques et autoformation : la formation tout au long de la vie ; quels rôles pour les bibliothèques à l’heure du multimédia ? colloque organisé par la Bpi le 5 décembre 2005 au centre Georges Pompidou à Paris. BBF [en ligne], 2007,  t. 52, n° 1.
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-01-0135-006

Yves Desrichard émet des jugements pour évaluer les contenus des conférences données à l’occasion du colloque de la BPI dont il rend compte.
Ces jugements portent sur la pertinence des limites posées par les organisateurs : en « réduisant » le sujet du colloque à l’autoformation et en lui donnant un sous-titre pertinent : « significativement ». Plus loin, il remarque un questionnement récurrent sur la place du bibliothécaire dans le processus d’autoformation. Ceci prouve le bien-fondé du colloque à travers la communauté d’interrogation de professionnels différents.
Ses jugements portent également sur les informations traitées par les contributeurs. Il en salue l’intérêt, la richesse et la documentation (« riches et documentées »),  mais également des manques : une absence de développement sur  les discussions portant sur les bases de l’autoformation qui laisse le lecteur « un peu sur sa faim ». Plus loin, il remarque un autre manque de développement sur  les bibliothèques du savoir qui auraient méritées d’être présentées de manière plus détaillée. Dans le même ordre d’idée, il regrette l’absence des bibliothécaires de BU, très engagés dans l’autoformation. (Cela veut dire que l’auteur de la recension connaît l’action de ces bibliothèques à travers les Urfist, et a donc une culture professionnelle qui lui permet de souligner ce point)
La « bonne idée » d’ajouter un rapport donne lieu à des critiques d’ordre externe portant sur la difficulté d’accès au contenu : « lecture ardue ». C’est  surtout une critique d’ordre interne quand le rapport est qualifié de « passionnant », l’analyse fine, précisant l’ampleur du questionnement. « Nous sommes loin  de la simple interrogation… », écrit le critique signifiant par là l’intérêt professionnel mais aussi général, ouvrant sur de nouvelles problématiques et réflexions ;

HERSENT, Jean-François. Passeurs culturels dans le monde des médias et de l’édition en Europe (XIXe et XXe siècles) sous la direction de Diana Cooper-Richet, Jean-Yves Mollier, Ahmed Silem. BBF [en ligne], 2006, t. 51, n° 1
Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-01-0128-010

Très peu d’apports critiques dans cette recension sur un thème qui intéresse en premier chef les enseignants documentalistes, pour un ouvrage qui parait aux Presses de l’Enssib, mais qui ne comprend dans les passeurs culturels ni bibliothécaires ni documentalistes !
Toutes les critiques sont concentrées dans le premier passage de l’analyse de J.F Hersent dans lequel il souligne l’originalité  et la rareté du sujet abordé par le document analysé (« peu nombreux », « c’est tout le mérite ») mais aussi son étendue (« extrêmement varié, étendue et richesse »). Cependant, JF Hersent émet un jugement de valeur sur l’ensemble en disant son « profond intérêt » et son « enthousiasme » qu’il entend faire partager à son lecteur en suscitant l’envie de lire. Pour cela, il effectue un assez long compte-rendu des communications des auteurs qui permet de connaître leurs réflexions.

BRIDE, Patrice. Ruptures scolaires - L’école à l’épreuve de la question sociale de Mathias Millet, Daniel Thin.  Cahiers pédagogiques [en ligne], mardi 4 avril 2006.
 Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2294
 
La critique interne porte sur l’étendue  du sujet : « enquête très approfondie », sur sa pertinence et l’originalité de son approche : « évite clairement le double piège » ; « résultats clairs » ; « démonstrations claires, argumentées, précises et claires ».La critique externe est également présente en soulignant le public concerné par l’étude. Il s’agit ici des enseignants : « il peut aider », « il invite fortement ». Mais cela concerne aussi l’institution scolaire  invitée à « imaginer d’autres solutions ». La critique porte également sur le niveau de vocabulaire sociologique toujours explicité ; disant ainsi l’accès facilité du document.

ZAKHARTCHOUK, Jean-Michel. Faits d’école de François Dubet. Cahiers pédagogiques [en ligne], lundi 6 octobre 2008.
Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=3932
 
Peu d’éléments critiques dans cette recension. Ils portent sur le comment ? (« Claire et vigoureuse »), sur le quand (« actualisant »), mais surtout sur le Qui et le pour qui ? L’auteur est décrit comme un homme de communication mais aussi un penseur original exerçant comme sociologue une certaine autorité. Les pédagogues auxquels s’adressent ces articles peuvent voir « plus clairement », devenir citoyen engagé (« lucidité et déniaisement »).

Exercice numéro 5

[Lire l'énoncé]

Remarque générale : Outre les objectifs précédemment définis, cet exercice poursuit un double but : celui de montrer que pour les ouvrages très techniques, comme ici celui portant sur l’identité numérique, la critique est souvent d’ordre externe, inquiète de découvrir l’autorité de l’auteur. Par contre, dans des livres qui suscitent débats et prises de positions, ce qui est le cas ici pour Les Dix plaies d’Internet, la critique est souvent interne, nécessaire pour expliciter les argumentations donnant crédibilité aux jugements émis par l’auteur.
Par ailleurs, dans la préparation  du Capes, cet exercice a pour but de vous démontrer qu’il n’y a pas de vérités ni d’erreurs dans l’émission d’une critique. Toutes les critiques sont admises pourvu qu’elles soient argumentées. Les membres du jury sont prêts à entendre tous vos commentaires critiques, même s’ils ne sont pas d’accord, à condition que vous expliquiez le pourquoi de votre critique.
Plus tard, dans votre vie professionnelle, la lecture de plusieurs recensions est indispensable pour guider vos choix d’acquisitions en fonction des besoins de vos utilisateurs.

MANIEZ, Dominique. Les dix plaies d’Internet : les dangers d’un outil fabuleux. Paris : Dunod, 2008
Lien vers l’éditeur avec une présentation de l'ouvrage et la possibilité de le feuilleter en ligne.
Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://www.dunod.com/pages/ouvrages/ficheouvrage.asp?id=51586
Ce document représente la quatrième de couverture de l’ouvrage concerné. Elle est donnée pour permettre de voir comment l’auteur présente son ouvrage et à qui il le destine (ici le grand public)

Sortie du livre de Dominique Maniez "Les dix plaies d'Internet" [en ligne]. Webosoft Info, avril 2008
Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://www.webosoft.info/forum/forum-t431-p1,les-dix-plaies-d-internet.html

Il en est de même pour ce texte, entretien mené par 01net avec l’auteur qui lui permet d’établir les circonstances de l’écriture de son texte et de préciser ses prises de position

Lectures des recensions

BLANQUET, Marie-France. L'abus d'internet peut  nuire à l'esprit critique. Documentaliste-Sciences de l’information, 2008, vol. 45, n°3, p.86-87
[en ligne sur SavoirsCDI]
(article mis en ligne avec autorisation du directeur de publication de Documentaliste)

La recension est publiée dans une revue professionnelle associative importante en France. L’analyse est donc écrite par rapport à ce public professionnel très concerné dans son travail quotidien par le réseau internet
La critique interne relève l’objectif du livre, traduit dans le terme d’esprit critique qui revient dans tous les chapitres. Cependant, si l’auteur de cette analyse en souligne l’intérêt, il se dépêche d’ajouter le manque d’originalité dans les informations apportées et les réflexions menées. Ce livre n’apprend pas grand-chose à ceux qui suivent l’actualité d’internet. Le mérite du livre est de rassembler toutes ces données, éparpillées dans différents documents. Cependant le principal reproche repose sur le parti pris négatif de l’auteur qui finit par le trahir. Le lecteur peut être agacé par le systématiquement contre. Il eut peut-être mieux valu équilibrer les chapitres en disant le pourquoi du sous-titre : « cet outil fabuleux ». Une autre critique porte sur le manque de cohérence de l’auteur qui désigne l’anonymat comme une des plaies d’internet mais l’accepte de la part de la dénonciatrice la plus virulente de Wikipédia. Enfin, la critique souligne une sorte de déséquilibre, voire de hors sujet, qui entraîne l’auteur dans des développements techniques qui ne devraient pas être dans un livre qui se présente comme un appel à la réflexion.
La critique externe porte sur le langage en soulignant les jeux de mots donnés aux titres des chapitres. Ceci n’est pas une attitude scientifique rigoureuse mais plutôt une pratique journalistique ; l’auteur est d’ailleurs journaliste.

SURAULT, Karl. A lire : Les dix plaies d'Internet : les dangers d'un outil fabuleux, de Dominique Maniez [en ligne]. IUFM du Pacifique, mardi, 30 Septembre 2008.
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La critique est écrite par un formateur en information documentation dans une revue produite par la médiathèque de l’IUFM du Pacifique. Elle s’adresse donc en priorité à des formateurs et à des étudiants, publics ciblés par D. Maniez.
Pour le critique, cet auteur assure une « entreprise d’élucidation salutaire » , c’est dire le bien fondé de son travail à l’objectif à la fois modeste et ambitieux traduit dans le terme clé d’esprit critique. Il relève toutefois une limite en notant l’analyse rapide mené par D. Maniez sur certains usages d’internet et en conseillant la lecture de ce texte comme une introduction ; donc comme une lecture nécessitant un approfondissement à l’aide d’autres textes. Par contre, il présente le texte comme équilibré et qui échappe au manichéisme !
L’ouvrage est accessible et clair. L’auteur de la recension souligne le rôle du titre accrocheur (style journalistique) mais maladroit mais il ne dit pourquoi il porte ce jugement. Sa critique la plus sévère porte sur l’impossibilité, pour celui qui s’en tient au livre, de connaître l’auteur et donc son autorité pour écrire.

ANNE, Julie. Les dix plaies d'Internet : lecture. Café pédagogique [en ligne ]. 2008, n°95
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Pages/2008/94_CDI_Lecture.aspx

 
La critique paraît dans le Café pédagogique, revue très connue dans le monde de l’enseignement auquel s’adresse l’auteur de la recension
Le mot clé de critique arrive très vite dans cette analyse pour dire les objectifs de l’auteur : « L’idée force du livre est « esprit critique ». Les chapitres de l’ouvrage sont qualifiés de « volontairement non exhaustifs » signifiant la nécessité de compléter la lecture par d’autres ouvrages. La critique signale l’intérêt de l’actualisation des données juridiques, relève l’intérêt de certaines idées, telle l’insolente idée d’un « permis d’écrire ». L’intérêt de l’ouvrage réside dans son aspect synthétique sur des questions récurrentes. A. Julie remarque que ce livre n’apporte « peut-être pas beaucoup de chose fondamentalement nouvelles pour les documentalistes ».
La critique interne porte sur l’autorité de l’auteur : enseignant à l’Enssib, mais aussi sur l’ambiguïté du titre. Le public ciblé y apprend beaucoup de choses quand pour les professionnels de l’information, cet ouvrage offre des argumentaires pour défendre ses points de vue.

BARDEAUX, Frédéric. Tous les "Dominique Maniez" sont la 11ème plaie d'Internet ![en ligne]. Agencements. blogs, 13 mai 2008.
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Le titre de la recension écrite par un conseil en communication donne le ton. La suite va dans le même sens, parlant d’un ton ironique et moqueur du « brillant ouvrage » et de son éditeur. Mais l’analyste ne dit pas le pourquoi de ces « hum hum !» qui sous-entendent beaucoup de choses non explicitées. De plus, le sous titre détournant les publicités sur le danger du tabac parait inapproprié à F.Bardeau.
L’introduction défensive laisse planer un doute sur la clarté de l’auteur, voire sur son honnêteté : « D’où une autre parade… », plus loin il est question d’ « hypocrisie pure ». Mais ses capacités intellectuelles sont également mises en doute puisqu’il développe « la traditionnelle confusion … ». Plus loin, lui est reproché de mettre sur le même plan des journaux citoyens très distincts et d’avoir une argumentation bancale sur l’anonymat. Les arguments donnés sur Wikipédia sont considérés comme partials puisque les reproches adressés pourraient l’être à de nombreux autres documents. (Ici, F. Bardeau justifie sa critique). Il la justifie également pour le statut d’auteur qui se démocratise. Par ailleurs, ce critique relève que  l’auteur traite des sujets et à la mode et ne prend pas le problème dans le bon sens et parle d’emblée très mal… pour finir carrément dans la caricature. Le seul point d’accord porte sur le respect des données personnelles et sur la nécessité d’une formation mais de nouveau une séparation s’opère sur la personnalité de ceux qui doivent l’assurer.
La critique externe porte sur les auteurs que D. Maniez cite dans son ouvrage (Breton, Wolton, Lanier, Assouline…) avec lequel l’auteur de la recension ne semble pas en accord mais sans réellement dire réellement pourquoi. Mais elle porte surtout l’auteur qui se bloque dans uns position « surplombante et infantilisante du pédagogue… »
Cette recension est intéressante car elle est un modèle de ce qu’il ne faut pas faire. Elle ressemble plus à un règlement de compte qu’à une analyse critique. Elle ne justifie pas toujours ses attaques et quand elle les justifie, elle le fait sur un ton moqueur ou agressif regrettable.

Note : il ne s’agit pas ici d’entamer une étude comparative des recensions lues. On peut noter toutefois des points de convergence, en particulier sur l’aspect synthétique de l’œuvre, les remarques sur le titre et sur l’anonymat.

ITEANU, Olivier. L’identité numérique en question. Paris : Eyrolles, 2008
Les deux autres critiques sont proposées pour comprendre que les ouvrages spécialisés dans un domaine non central pour les professionnels de l’information font l’objet de critiques rapides ; le compte-rendu prenant le pas sur l’aspect critique

COUSIN, Capucine. L’identité numérique, entre droit à l’anonymat et nouvelles identités en ligne [en ligne]. Nonfiction.fr, 4 juin 2008 
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ligne.htm

 
L’analyse paraît dans un site généraliste qui se veut le « quotidien des livres et des idées ». C. Cousin signale l’originalité, par la nouveauté,  l’importance du sujet pour chacun d’entre nous. Le livre arrive à point nommé même si l’on peut regretter un manque de développement « prospectif » sur les futurs enjeux à venir.
L’auteur est avocat spécialisé en nouvelles technologies. Il écrit donc avec l’autorité de sa profession de « bon juriste ». Il propose à son lecteur un ouvrage pratique, « truffé de conseils » qui suscite l’envie non seulement de lire mais surtout d’utiliser l’ouvrage.

BATTISTI, Michèle. Un enjeu fondamental pour la société de l'information. Documentaliste-Sciences de l’information, 2008, vol. 45, n°3 , p.88
[en ligne sur SavoirsCDI]
(article mis en ligne avec autorisation du directeur de publication de Documentaliste)

L’auteur de la recension, rédactrice du Droit de l’information, est bien connu  comme spécialiste des problèmes liés au droit par les adhérents de l’ADBS. Elle publie dans la revue Documentaliste-Sciences de l’information. Sa critique s’adresse donc aux professionnels de l’information. Elle salue l’auteur qui pose de bonnes questions et qui expose de façon claire et concise les difficiles et complexes questions juridiques et sait les rendre passionnantes. Le sujet est traité de façon exhaustive (« éventail très large »). Le lecteur a donc envie de lire ce document.

Note : incontestablement, les analyses se rejoignent sur les qualités pédagogiques de l’auteur sur un sujet juridique qui pourrait, a priori, paraître rébarbatif

Exercice 6.1

[Lire l'énoncé]

Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtreMERKLEN,Denis, MURARD, Numa. Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? : violences sociales et culture de l’écrit. In Lavidesidées [en ligne], 7 janvier 2008.
Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://www.laviedesidees.fr/Pourquoi-brule-t-on-des.html

Introduction

Régulièrement, lors de révoltes populaires en France, des bibliothèques de quartiers sont incendiées. Pourquoi ? Interrogent deux sociologues du CNRS qui travaillent sur ce sujet depuis plus d’un an et ont déjà publié sur ce thème. Ils livrent  le résultat de leurs réflexions dans un site fondé par un ensemble de chercheurs animés par le désir de faire vivre les idées en partageant leurs pensées et leurs études. Ceci pour permettre à leurs lecteurs de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent  et, ici tout spécialement leur société, domaine dans lequel ils situent leur texte.
La lecture de ce texte peut-il aider l’enseignant documentaliste à comprendre le comportement de certains élèves et à réagir ? Le sous-titre de l’article l’oriente vers une problématique très large puisque les violences sociales sont mises en relation avec la culture de l’écrit et donc du document. Les incendiaires des bibliothèques sont-ils des opposants à cette culture ? Peuvent-ils être ces élèves qui ne fréquentent jamais le CDI ou qui se livrent à des désordres diverses, semblables à ceux que décrivent les auteurs et que relatent des enseignants documentalistes sur leurs listes de diffusion ? Pourquoi sont-ils contre cette culture ? Pourquoi éprouvent-ils le besoin de le faire savoir de façon si destructrice ? Est-ce pour imposer une autre culture et laquelle? Parce que personne ne les écoute ? Parce qu’ils ne savent pas s’exprimer autrement ? Les responsables concernés par ces actes de vandalisme ont-ils un pouvoir d’action, lequel et avec quelle portée?
Pour répondre à ces questionnements, il importe dans une première partie d’analyser, en s’appuyant sur l’expérience des auteurs, les raisons pour lesquelles « on » brûle des bibliothèques dont on rappellera brièvement les missions publiques, sachant que ce sont elles qu’ « on » incendie. Car ce « on » est important dans le titre principal donné à l’étude. Il faut identifier la population qu’il décrit et qui peut, peut-être, expliquer le pourquoi. Dans un deuxième partie et, en fonction des réponses apportées à la description de ce « on », il conviendra de déterminer les possibilités d’action, voire de réactions, -leurs natures, leurs portées et leurs limites- que peuvent avoir les enseignants documentalistes confrontés, comme les autres acteurs de la communauté éducative, à ces situations. Il importera donc de cerner la spécificité de leur mission.
La première réaction qu’a l’enseignant documentaliste dans la lecture de ce texte concerne le degré de synonymie qu’il convient d’établir entre bibliothèque et CDI et de transformer le titre : Pourquoi brûle-t-on des CDI ? Ici, les intitulés de CDI et de bibliothèques peuvent être confondus. Cela malgré des différences indiscutables : les bibliothèques accueillent des publics de tout âge, elles ont généralement une ouverture directe contrairement au CDI, inclus dans une école, le CDI propose des documents en relation avec les programmes… Cependant, ces organismes sont très proches. Les auteurs font d’ailleurs allusion dans leur conclusion à cette rencontre entre les deux organisations. Toutes les deux représentent le résultat d’une action émanant d’une institution socio-politique : municipalité ou école qui se croisent dans des objectifs culturels. Ils ont également en commun ces usages multiples : lieu d’échanges, offres diversifiées ouvertes sur le multimédia, espace d’autoformation ou de liberté. Tous les deux sont animés par des professionnels- et non des bénévoles ou des militants- soucieux du besoin de leurs utilisateurs et poursuivant l’objectif de s’en rapprocher le plus possible. Tous les deux ont des accès gratuits. Cependant l’indéniable proximité entre ces deux types d’organismes réside dans la nature des fonds proposés : des documents écrits et tout particulièrement des livres. En ce sens,  ces organismes « qui contiennent des livres », ce que les auteurs qualifient de « marque de prestige » sont bien des symboles de la culture de l’écrit.

Dés lors, la préoccupation que peut avoir l’enseignant documentaliste dans la lecture de ce texte est de poser les repères qui lui permet de faire coïncider ces « on » qui brûlent les bibliothèques avec sa propre population scolaire limitée aux jeunes, préadolescents ou adolescents.
Le premier repère est donné par les auteurs qui changent le « on » pour parler d’« eux » et passer des anonymes aux étrangers, pour désigner les autres, ceux qui n’ont pas fait du livre, l’objet de leur profession et l’affirmation de « leur position sociale dans le marché du livre ». Car le livre est dans nos sociétés un objet qui n’est pas comme les autres et la lecture est une action spécifique. De nombreux auteurs, tel Robert Chartier évoqué dans ce texte, en reconnaissent le statut original. Se dessine donc un schéma de communication qui place les « pour et professionnel de la culture de l’écrit » face aux « anti ». Les premiers sont (ou se sentent) investis d’une mission : celle de gérer un fonds de livres  afin de les mettre à disposition pour les faire lire à leurs lecteurs. « Eux » ne la comprennent pas ou ne l’acceptent pas. Ils voient ces institutions  apparaître dans leur environnement, remplies de messages qu’ils ne saisissent pas mais surtout dont ils ne veulent pas.
Cependant,  tous les utilisateurs de ces organismes ne sont pas ou ne deviennent pas des incendiaires. Ils savent utiliser les ressources offertes pour s’épanouir et s’intégrer. Alors pourquoi ces institutions qui « réussissent » dans leurs actions pour une partie des usagers, attirent-elles une telle agressivité pour une autre partie d’usagers pour lesquelles elles existent ? Pourquoi vouloir détruire ce qui est fait dans un but de servir, cela expliquant les raisons de l’incompréhension et l’indignation profonde des acteurs engagés dans ces organismes ? On ne peut penser ici qu’au poème de Victor Hugo écrit face à un incendiaire de bibliothèque. "A qui la faute ? " Interroge cet immense poète dans un texte à la gloire du livre et de son action bénéfique sur tous (« Il détruit l’échafaud, la guerre, la famine. Il parle, plus d’esclave et plus de paria »). « Je ne sais pas lire ! » est la réponse de l’incendiaire. Est-elle la même ici ?
Les auteurs  explicitent très clairement d’autres raisons, tout en précisant la description de ces groupes destructeurs. C’est que les bibliothèques qui veulent être des lieux d’inclusion peuvent, au contraire, être vécues comme des lieux d’exclusion. Ces lieux qui veulent être ouverts peuvent, au contraire, être perçus comme des lieux fermés sur un mode unique d’intégration, une monoculture. Bibliothèques comme CDI sont perçus comme des moules dans lesquels « eux » ne veulent ou ne peuvent entrer car ils ont une autre forme de sociabilité ; un autre univers social et culturel avec lequel on leur demande de rompre, qu’on leur demande d’oublier. « Les univers associés du Rap, au Hip-hop et à la culture de la rue sont-ils compatibles avec cette forme d’intellectualité représentée par le livre » interrogent les auteurs ? Et dans cette interrogation, ils  livrent une partie du portrait de ces « eux » qui ont une culture populaire aux genres culturels et langagiers propres (« les rebeus, les renois ») en opposition souvent avec les exigences de la langue écrite qui leur apparaît, aux dires des auteurs, dans une formule forte « comme une langue étrangère ». Ceux qui brûlent des bibliothèques appartiennent à une classe ouvrière au sens large, classe plurielle qui a perdu son identité, devenue invisible, éclatée en multi fragments qui donne naissance à une classe ouvrière respectable et à un prolétariat qui s’enfonce dans un dénuement de plus en plus extrême et qui s’éloigne  également de plus en plus des normes sociales. Ces prolétaires vivent dans les banlieues, les quartiers. Ce sont des jeunes de cités, jeunes de quartier souvent en échec personnel, scolaire, professionnel, social, en échec total. La culture cultivée devient dés lors un instrument essentiel de l’humiliation qu’ils subissent. Ceux qui brûlent des bibliothèques sont des gens humiliés et les plus humiliés d’entre eux s’expriment par les tags et par le feu. La bibliothèque, « représentation de la vertu », en se rapprochant d’eux, en devenant bibliothèques de quartier et donc de proximité, devient un rappel permanent de leur déviance. Et donc de leur non réussite… Leurs présences attisent leur humiliation, sentiment que le philosophe Alain présente comme insupportable pour l’homme, et eux attisent le feu pour brûler le symbole de leur humiliation.
Cependant, le terme d’humiliation paraît faible, voire inapproprié pour expliquer, (justifier ?) la révolte, la fureur, la violence et la destruction. Est-il correct de dire que les bibliothèques sont des agents ou des moyens utilisés pour humilier, c’est-à-dire faire apparaître quelqu’un comme inférieur, méprisable en abaissant sa dignité ; ce qui correspond à la définition du mot, selon le Trésor de la langue française ? Le terme choisi par les auteurs peut effectivement étonner car l’action d’humilier et le moyen sélectionné pour la réussir résident dans l’intention, la volonté de créer, de la part de l’émetteur, ce sentiment chez le destinataire. Or cette intention est complètement étrangère au monde des bibliothécaires et des enseignants documentaliste. On peut même dire qu’ils lui tournent complètement le dos. L’humiliation est donc fabriquée par celui qui la subit. Il convient donc d’analyser les raisons pour lesquelles il construit ce sentiment et comment on peut lui permettre de comprendre qu’il naît d’un malentendu ; ceci d’autant plus que tous les gens humiliés n’utilisent pas le langage de la violence pour faire comprendre leur ressenti.
Les explications données par les auteurs sont relativement décevantes car elles font fi d’un environnement global. Il est dommage, par exemple, qu’ils n’évoquent  les autodafés  que pour dire «  que dans le contexte présent, l’attaque d’une bibliothèque de quartier ne peut pourtant pas être considérée simplement comme un autodafé ». Les autodafés ont toujours existé pour des raisons idéologiques, religieuses ou politiques. Quand des livres brûlent, ce n’est pas seulement du papier qui brûle. Ce sont des contenus, des idées, tout ce qu’ils racontent par écrit, symboles effectivement des civilisations de l’écrit, de ses spécificités, de ses règles et de ses exigences, qui brûlent.  Les incendiaires s’érigent en censeurs pour exprimer leur désaccord avec ces contenus.Aujourd’hui, les autodafés trouvent leurs origines dans les conflits sociaux qui séparent l’Etat et certains jeunes des classes populaires des banlieues. Ils sont donc d’origine multiple, à la fois religieuse, politique et sociale. On remarque d’ailleurs que les auteurs insistent à plusieurs reprises sur la notion de laïcité, inséparable de celle de bibliothèque.
Par ailleurs, il est dommage que les auteurs ne s’interrogent pas sur les attaques perpétrées par ces mêmes jeunes de cité sur les pompiers, les médecins…ou sur les voitures régulièrement incendiées au jour de l’an. Ceci pourrait  renforcer la thèse d’un conflit de culture plus large, voire de civilisation et replacerait la culture savante par opposition à la culture populaire comme une facette spécifique, mais pas la seule, des ruptures opposant définitivement des classes sociales. Les bibliothèques brûlent mais aussi d’autres institutions sociales indiquant l’intention de tracer la ligne de démarcation idéologique séparant les groupes sociaux. Le livre joue peut-être un rôle leader dans la construction de cette ligne mais pas de façon unique. Il est un peu regrettable que les auteurs n’abordent cette facette qu’en conclusion pour parfaire définitivement le portrait de leur population. Car les incendiaires entrent dans la catégorie des analphabètes ou plus probablement des illettrés. « Et si la littératie, pour un nombre de plus en plus élevé était d’abord l’occasion de souffrir et ensuite de se mettre en fureur en écoutant ou en lisant les discours des intellectuels de toute sorte, de tout ceux qui font profession de  cette littératie ? Face à cette fureur, tout un ensemble social se sent « menacé » par ceux qui « font du bruit » et s’agitent lorsqu’ils écoutent une musique qu’il ne connaît pas. Mais la réciproque est vraie : « Beaucoup se sentent menacés par ceux qui assoient leur pouvoir sur la maîtrise de l’écrit ». Dans ce schéma de communication où la menace –mais pas la même- est partagée, mais pas l’humiliation ni la réponse en terme de violence, l’enseignant documentaliste trouve-t-il des éléments de réflexion pour mieux comprendre certains élèves. Trouve-t-il des assistances  pour savoir agir ou réagir ?  Pour organiser une rencontre autre que celle basée sur la menace ou la violence ?

Ce texte, malgré ses limites, peut aider les enseignants documentalistes engagés comme les bibliothécaires dans des actions éducatives basées en priorité sur le livre, symbole de la culture de l’écrit,  sur trois principaux points. Le premier réside dans l’obligation de se remettre en cause en allant à la rencontre de ce type d’usagers de troisième type, ces jeunes de quartier ou de cité qu’il croise dans son école et parfois dans son CDI ; le deuxième, plus professionnel, consiste à s’interroger sur l’organisme qu’il conduit : bibliothèque ou CDI et le bien-fondé de son utilité. Le troisième enfin porte sur la confirmation de ses missions professionnelles.
Ce texte peut incontestablement aider à comprendre,  car il explique, -au sens étymologique du terme-, les évolutions d’une classe sociale populaire face à une institution et la profession qui lui est attachée, déléguée sociale pour dire la culture de l’écrit. Les mutations des cultures populaires décrites dans ce texte permettent de comprendre la naissance d’un nouveau prolétariat et sa perception d’exclusion, celle-là même qu’ont eu bien avant «  eux », les ouvriers, face aux valeurs de la bourgeoisie. Comprendre une population en voie de formation avant de la condamner en terme de barbarie ou ne savoir que s’indigner face à cette violence qui vient en « réponse au dévouement » est un apport fort de ce texte qui oblige à passer de l’autre côté, celui des « eux » ; à prendre du recul pour sortir de ses certitudes et repenser ses engagements. Car ce texte invite à se situer dans deux ensembles informes différents. Le premier est cet ensemble informe résumé  dans le terme de quartier ou de banlieue qui homogénéise en un mot des particularités, des individualités confondues quand elles mériteraient, au contraire, d’être soigneusement distinguées et reconnues.
Par ailleurs, ce texte oblige à se situer dans un autre ensemble informe, en posant sur soi le regard que ces jeunes ont sur « nous » : celui que constitue tout un ensemble de professions pour « eux », celui que forment « gouvernement, municipalité, sociologue ; bibliothécaires, enseignants, sociologues… », vaste catégorie qui ne fait pas ce qu’il faut ou le fait « pour nous endormir ». Dans le schéma de communication précédemment évoqué, les professionnels constituent un tout où se confondent missions, statuts et rôles de professions, pour nous très distinctes. Autour du livre, ceux qui brûlent des bibliothèques rassemblent tout un ensemble confus mais marqué du sceau de l’autorité mais aussi de la conformité aux normes sociales.
Par ailleurs, les bibliothèques sont perçues comme inutiles car ce que les jeunes demandent, c’est du travail et non des organismes dont ils n’ont que faire, pour accéder à une culture vécue comme un somnifère ou un tranquillisant : « cultivez-vous et restez dans vos coins ».
En effet, la mission des bibliothèques et des CDI se révèle vaine pour beaucoup. « Donnez leur du travail au lieu d’une bibliothèque » déclare un enquêté. Cela renvoie sur une réflexion majeure: celle de l’utilité réelle des bibliothèques mais aussi des services de documentation dans les écoles. Cependant, cette réflexion est à mener à deux niveaux : celui de certains décideurs et  pairs et celui des incendiaires. On peut se demander si ces deux groupes, complètement contraires, ne se rencontrent pas pourtant à un instant T sur un accord : celui de la culture et de son inutilité pour vivre ou survivre. De nombreuses personnes réussissent, en effet, qui n’ont aucune culture, qui ne lisent jamais. Ils confortent l’idée de l’inutilité culturelle en considérant et en prouvant, du même coup, l’inutilité des cdi dans les écoles ou des bibliothèques dans les quartiers. Ils rejoignent, en ce sens, mais de façon plus grave par des incendies virtuels, ceux qui brûlent réellement des bibliothèques pour signifier leur inutilité. Ceux qui ne lisent jamais (et les enquêtes sur la lecture en France montre cette population dans toutes les classes sociales) confortent l’idée que la lecture et avec elle la culture est superflue. Comment ne pas penser ici à l’illustration de la « Nef des fous » de Sébastien Brant qui indique que de vastes lectures ne garantissent pas la véritable sagesse. Elle signale au mépris le fou qui succombe à la bibliomanie et, qui au lieu d’étudier la « vraie science » s’attache à une « multitude de livres inutiles ». Comment ne pas penser également à Montesquieu mettant dans les « Lettres persanes » (n 133) visitant une bibliothèque d’un couvent où le supérieur lui présente son bibliothécaire « qui s’occupe jour et jour à déchiffrer tous les livres : c’est un homme qui n’est bon à rien… ! »
Cependant, dans un autre ordre idée, il faut reconnaître que la sacralisation du livre peut avoir un retour négatif et que ceux qui font du livre la voie royale et unique pour accéder à  la culture se révèlent nuisibles. C’est en ce sens qu’Eugène Morel, pourtant très bibliophile, très engagé dans la création des bibliothèques de lecture publique en France, fustige le bibliophile : « Ce sont eux qui font tout le mal et momifient les livres ». Etienne Gaillard va dans le même sens en reconnaissant que nous nous sommes « empêtrés, trop longtemps sans doute, dans une vision religieuse du livre, aveuglés par le caractère sacré qu’on a souvent voulu lui conférer (de l’Eglise à l’Education nationale) (La diversité éditoriale est-elle menacée ? La vie des idées, 2008). Philippe Meirieux le suit en expliquant pourquoi l’image est une ennemie pour celui qui n’accorde de lettres de noblesse qu’au texte (L’évolution du statut de l’image dans les pratiques pédagogiques. Savoirs CDI, 2003). Il faut savoir que de tous temps, les bibliothèques ont suscité des réactions étonnantes. Les bibliothèques imaginaires de Borges, d’Eco ou de Puységur sont le lieu d’une intense activité étrange qui peut faire penser que le livre relève de l’ésotérisme et n’appartient qu’aux initiés, provoquant ainsi une impression d’exclusion.
Or c’est précisément ce que combattent les bibliothécaires et les enseignants documentalistes qui considèrent l’accès au document et au livre pour tous comme une de leur mission prioritaire. Et précisément, ce texte les conforte dans cette mission commencée depuis longtemps par d’illustres prédécesseurs. Dewey, Otlet, Ranganathan, Roubakine et bien d’autres ont tous œuvré pour la démocratisation des bibliothèques et de la lecture. Mais tous ont su dire la lenteur des résultats. L’action du professionnel de l’information d’aujourd’hui doit continuer dans le même sens. Leurs actions dans ces « ambivalentes bibliothèques »  répondent à une mission de rapprochement avec les populations. En ce sens, ces organismes nourrissent de multiples formes d’affirmation individuelle. Elles signent donc en ce sens un certificat de réussite en ouvrant toutes ces portes d’intégration. L’enquête menée par les auteurs montre qu’une même personne peut être incendiaire et lecteur. Les portes ne sont donc pas définitivement closes.
Le bibliothécaire, le documentaliste doit, via sa politique d’acquisition, offrir un fonds le plus adapté et diversifié possible à ses usagers. Il doit continuer à intégrer toutes les technologies, tels les e-books, pour offrir  d’autres modes d’accès aux savoirs ou à la culture. Il doit aussi continuer son rôle d’accompagnateur en animant l’espace, en accueillant tout le monde et en  offrant toutes les ressources susceptibles de lui convenir. Il doit, comme le suggère le texte, montrer et prouver sa professionnalisation. Mais il doit savoir que les résultats de son action sont lointains, très lointains. Ainsi il rejoint la longue chaîne des Humanistes de tous les temps et de tous les lieux qui savent que leur travail, à long terme, portera un jour ses fruits au profit de l’Humanité

En Afrique, quand un vieillard meurt c’est une bibliothèque qui brûle. Aujourd’hui, ce sont des jeunes qui brûlent des bibliothèques. Alors ce que ce texte apporte en priorité à l’enseignant documentaliste, c’est la confirmation que les bibliothèques, pour nous, les CDI, en toute humilité doivent continuer leur travail. Humiliation et humilité, ces concepts ne sont-ils pas construits sur la même racine : humus ?

Exercice 6.2

[Lire l'énoncé]

CHOURROT, Olivier. Le bibliothécaire est-il un médiateur ? BBF [en ligne], 2007, t. 52, n° 6. Ouvre ce lien externe dans une nouvelle fenêtrehttp://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-06-0067-000

Le terme de médiation est à la mode. De très nombreuses professions, tels les traducteurs, les éditeurs, les libraires… l’utilisent pour qualifier leur rôle et en signifier l’importance. C’est le cas du bibliothécaire qui, ainsi que l’exprime l’auteur du texte commenté, « aime à se présenter comme un « médiateur ». La médiation est au cœur de l’idée que le bibliothécaire se fait de lui-même rappelle l’Association des bibliothécaires de France à l’occasion d’un débat virtuel intitulé : Bibliothécaire : quel métier, quel territoire ? Toutefois, Olivier Chourrot, lui-même bibliothécaire, s’interroge sur le bien-fondé de ce qualificatif. Le bibliothécaire est-il un médiateur ? Au terme de son travail, l’auteur privilégie le terme d’accompagnateur à celui de médiateur.
La question et sa solution sont posées, de façon récente, dans un document hôte bien connu des professionnels de l’information pour la qualité de ses articles : le Bulletin des Bibliothèques de France édité par l’ENSSIB.
Les enseignants documentalistes décrivent, également, souvent leur profession en terme de médiation et se désignent comme médiateurs. Peuvent-ils, en s’aidant du texte d’O. Chourrot, s’interrogeant sur la pertinence de ces qualificatifs, préférer, eux aussi, les termes d’accompagnement et  d’accompagnateur pour synthétiser leurs activités professionnelles ? Ces termes sont-il plus appropriés pour traduire l’essence de leurs missions et pourquoi ? Quelle signification donner à ces termes ? Quel degré de ressemblance sémantique ou, au contraire, de différence peut-on leur accorder pour effectuer ce choix ? En faisant celui-ci, creuse-t-on plus profondément pour mieux signifier ces missions? S’agit-il simplement d’un changement d’intitulé ?
Pour répondre à ces interrogations, il importe, dans un premier temps, d’analyser si la situation décrite par O.Chourrot peut être transférée sur l’enseignant documentaliste. Il conviendra ensuite d’examiner les termes de médiation et de médiateur afin d’en mesurer les significations et comprendre les raisons qui entraînent l’auteur à en préférer d’autres. Il s’agira, dès lors, d’analyser les termes d’accompagnateur et d’accompagnement afin de poser, en conclusion, le diagnostic suggéré par le sujet : en quoi l’enseignant-documentaliste est-il plus un accompagnateur qu’un médiateur ?

Documentation et documentaliste : médiation et médiateur
La première citation qui ouvre ce texte est pleine de promesse, décrivant la médiation comme une mission, terme chargé d’une certaine valeur positive. Mais cette promesse est vite éteinte par la seconde citation qui voit les médiateurs partout, « mais personne ne sait à quoi ils servent », l’inutilité étant plutôt chargée d’une valeur négative ! Cela veut-il dire que les professions qui se parent de la médiation ont une mission inutile, rendue ou devenue inutile ? L’auteur constate que ce terme fleurit, depuis qu’il n’est plus absolument indispensable de recourir au truchement du bibliothécaire pour accéder aux documents. Il ajoute que ce terme permet d’ancrer le métier dans une légitimité culturelle ou sociale. Ces lignes peuvent convenir totalement pour décrire le documentaliste. Comme son cousin germain bibliothécaire, il est confronté au réseau internet qui permet, du moins en apparence, à l’utilisateur final de trouver toutes les informations dont il a besoin, sans passer par l’intermédiaire d’une profession dédiée à la recherche d’information.  De nombreux témoignages d’enseignants-documentalistes portent sur l’attitude des élèves, venus au CDI dans l’unique but « d’aller sur internet » ; l’ordinateur devenant leur « médiateur » pour accéder aux informations demandées par les enseignants de discipline. Face à cette situation, les enseignants documentalistes se sont engouffrés dans la médiation, terme très présent dans leurs publications  ou dans leurs rencontres, pour des raisons qui ressemblent beaucoup à celles qu’explicite l’auteur : pour se donner une légitimité. Le mot médiation est devenu une sorte de mot magique contenant le bien-fondé et la nécessité impérative de celui qui en revêt la charge. Mais si la médiation est partout, elle est largement impensée, prétend l’auteur. En est-il de même dans le monde de la documentation scolaire ? Pourquoi s’est-elle imposée de « façon fulgurante comme le rock ou le jean » ?  Est-elle « ce remède universel aux maux de la société postmoderne » ? Quel sens revêtent ces termes lorsqu’ils sont « largement pensés » ?
Le terme de médiation a deux sens, rappelle O. Chourrot. Le premier occupe un champ sémantique  très large qui peut convenir pour désigner tout un ensemble d’activités ; le second est plus précis en  revêtant un sens juridique. Par ailleurs, l’auteur de ce texte ne semble jamais établir de distinction entre le mot qui représente une personne (le médiateur) et son action (la médiation).  Il convient, dès lors, de se demander si cette distinction mérite d’être faite et pourquoi ?

La médiation documentaire.
Le premier sens du terme médiation, -fait de servir d’intermédiaire entre deux ou plus choses- ainsi que celui de médiateur, -personne ou chose qui sert de lien entre deux ou plusieurs entités-, est si large qu’il ne veut presque plus rien dire, pouvant « s’appliquer à toute situation ». Ces termes ne retrouvent un peu de signification qu’accompagnés d’un terme les précisant. Les documentalistes parlent, en ce sens, de pré-coordination. On doit donc ne réfléchir ici que sur la médiation documentaire et le médiateur documentaire et non sur la médiation et le médiateur en général. Cependant, si le terme de médiation documentaire décrit bien la profession du documentaliste, celui  de médiateur documentaire entraîne plutôt à réfléchir sur la seconde acception du terme que l’auteur présente comme très précis, et que nous considérons plus loin. Etablir cette distinction pourrait, peut-être, permettre de sortir des « ambiguïtés d’un universel remède ». On peut, en effet, remarquer que l’auteur ne parle dans le passage intitulé : «  La médiation, ou les ambiguïtés d’un universel remède » que du  médiateur, -et encore n’est-il pas vraiment le bibliothécaire-, que de médiation. Or, ces termes méritent d’être différenciés malgré leur proximité linguistique évidente. Tentons d’en expliciter les raisons.
La médiation documentaire décrit parfaitement le métier de l’enseignant documentaliste devenant, via le fonds documentaire géré, un intermédiaire chargé de mettre à disposition un ensemble de documents, de toutes sortes, pour permettre à ses utilisateurs d’obtenir les informations dont ils ont besoin. C’est bien ainsi que le père fondateur de la documentation, Paul Otlet, décrit cette activité. C’est aussi l’intention que lui donne M. Dewey en voulant se rapprocher au plus prés de l’utilisateur final, en lui offrant un fonds documentaire en libre accès et classifié. Le terme de médiation est parfaitement approprié pour traduire la fonction documentaire. Le documentaliste est effectivement celui qui, à travers son travail, sert d’intermédiaire entre une masse d’information inorganisée et un fonds qu’il organise. Dans cette médiation, il apporte de la valeur ajoutée : son rôle étant bien de discipliner des informations données en vrac. Des bases de données catalographiques ou bibliographiques sont les témoins de cette médiation et peuvent servir d’exemples pour la concrétiser. Lorsqu’un utilisateur interroge un catalogue,- tels le Visual Catalog, Aquabrowser ou Ariane 2.0- construits en utilisant au mieux les avancées technologiques  pour faciliter sa recherche et la rendre plus efficace, le documentaliste est virtuellement présent à travers cette réalisation. Sa médiation se concrétise dans cet outil qui permet à son utilisateur de chercher et surtout de trouver. Il « accompagne » l’usager, via les facilités de recherche construites intentionnellement, pour qu’il effectue son chemin dans le catalogue sans ennui ni difficulté et en toute autonomie. En rendant le catalogue le plus convivial possible, il joue parfaitement son rôle de médiation. A-t-il alors une conception hédoniste de sa médiation ? On peut le penser lorsque l’on voit l’extrême convivialité et l’extrême ergonomie de ces outils, comparés au triste et froid Sudoc. Dans un numéro du BBF de 2008 consacré à la "Mise en espace des collections", tous les auteurs mettent en évidence ce désir de capturer des lecteurs en élaborant des pages d’accueil de plus en plus attirantes. Mais, dans le même temps, le professionnel de l’information poursuit également les objectifs de validation et d’animation que décrit O. Chourrot. Dans ce « grand vrac informationnel », le documentaliste met de l’ordre. Et ce texte le conforte à la fois dans son rôle de professionnel de l’information via sa politique d’acquisition et sa gestion documentaire et  (et non ou) dans ses « missions éducatives et de recherche, pour lesquelles la validation des contenus à une importance spécifique ». L’auteur parle, à propos de validation, du « point aveugle du métier de bibliothécaire ». L’enseignant documentaliste ne peut qu’être en désaccord avec cette affirmation. Le point n’est pas aveugle du tout. Il est même en pleine lumière. Car le rôle du bibliothécaire comme celui de  l’enseignant-documentaliste n’est pas de valider les documents ; il ne l’a jamais été. Cela appartient aux scientifiques. Son rôle est d’éveiller l’esprit sur la nécessité de le faire en vérifiant des données incontournables telles les dates, la présence des noms d’auteurs, des légendes photographiques… Il est aussi d’inciter les usagers à croiser des sources afin de confronter les savoirs, les opinions et d’acquérir ainsi un regard critique. Il est également d’éveiller la curiosité en leur  permettant de découvrir, dans les flux, des sources et des ressources nouvelles, invisibles ou grises, tel le Visuwords ou Tenbyten... Il n’y a pas donc pas d’opposition à créer entre médiation-validation et médiation-animation, comme le suggère l’auteur,  si on inclut dans l’activité professionnelle de l’enseignant documentaliste l’analyse des besoins de ses utilisateurs. Ceci peut le conduire, comme le fait la bibliothèque de l’Université des sciences et technologies de Lille, à créer des services innovants et originaux, tel Iris,  répondant à l’attente des étudiants ou comme le fait le CRDP de Bourgogne avec Clic images 2.0 à l’attente de l’enseignant. Le documentaliste à l’ancienne est mort, certes, comme le proclame un peu vite Jean Michel. Cependant, le terme de médiation  lui convient encore plus pour traduire la spécificité de son métier confronté à un nouvel environnement, à de nouveaux espaces documentaires, à des flux informationnels qui ressemblent à des tsunamis, face auxquels, s’il a de l’imagination, il y a tant à faire. Tous les  « vrais » documentalistes sont sur les chantiers de l’information pour construire des portails, prévenir de la naissance d’un nouvel outil, alerter en fonction des besoins.... Est-ce faire alors de la médiation instrumentale ? Cette conception ne doit pas choquer et n’est pas péjorative. Car le documentaliste est bien cette personne qui met « l’offre documentaire à disposition du public ». Sa médiation se fait à travers des instruments ou des outils. Cela ne veut pas dire qu’il est lui-même instrumentalisé. Cela veut dire qu’il atteint un seuil de professionnalisation élevé pour savoir le faire et qu’il a reçu, pour cela, une solide formation. Mais cette médiation en fait-il un médiateur ? Le constructeur d’un pont, médiation entre deux rives, devient-il,  à travers le pont construit, un médiateur ? Le documentaliste qui établit un pont entre une masse informationnelle informelle et l’usager final devient-il un médiateur ?

Le médiateur documentaire
Nous avons découvert, dans la première partie de ce travail en nous aidant du texte d’O. Chourrot,  que le terme de médiation convient très bien pour traduire l’essence des métiers de la documentation. Les enseignants-documentalistes ont bien un rôle de médiation, via des outils de plus en plus adaptés aux besoins des usagers. Dans le cas contraire, il ne serait que des passe-information  ou passe-documents! Le documentaliste fait bien de la médiation lorsqu’il permet à ses usagers, par des moyens différenciés, d’accéder aux informations ou aux savoirs dont ils ont besoin pour progresser dans leur construction. Cependant dans cette médiation, le médiateur n’est pas obligatoirement présent. Il est représenté par ses actions. Il rejoint tous ces métiers, tel celui de traducteur,  qui permet par son travail, d’avoir accès à une littérature non accessible pour celui qui ne maîtrise point la langue d’origine de l’œuvre traduite. Mais traduction et traducteur (indépendamment de sa qualité) ne se confondent pas. Il en va  de même lorsque l’on parle de médiation et de médiateur. Ce dernier  terme dirige le regard sur le statut et sur le rôle de celui qui a en charge d’être un intermédiaire permanent ou ponctuel, dans une situation le plus souvent conflictuelle. Le regard ne porte plus sur la médiation et son résultat, mais sur le médiateur et les acteurs nécessitant une médiation.  Et cela change beaucoup de chose dans le schéma de communication, axé désormais, non plus sur le média, mais sur les personnes ou les groupes de personne réunis dans ce schéma en désaccord face à un médiateur, arbitre. Le médiateur soulève des problématiques liées aux relations humaines. Nous trouvons là, la deuxième acception du terme, « au sens très précis, encadré par les lois ou la coutume », tel que l’explique l’auteur. La médiation devient une entremise destinée à concilier ou à faire parvenir à un accord, à un accommodement des personnes ou des parties ayant des différends. Et du même coup, le médiateur devient cette personne qui s’entremet entre ces personnes en désaccords pour tenter de les faire parvenir à un accord ou à un accommodement. Dans ce sens, le mot-clé qui caractérise la médiation est conflit. La médiation n’est plus documentaire ou culturelle,  mais sociale mettant en relation un public d’usagers « peu au fait des normes du lieu », bibliothèques ou CDI et ce lieu dans lesquels travaillent les professionnels de l’information. Les groupes de personnes en présence sont ces professionnels et leurs usagers. C’est la raison pour laquelle ont été créés des postes de « médiateurs du livre » chargés de guider  et de socialiser ces nouveaux publics. Et les relations, rappelle O. Chourrot, à travers un cas particulier, peuvent être tellement tendues entre les personnels titulaires et certains groupes de jeunes que la « médiatrice se présente à tort ou à raison comme l’arbitre des relations interpersonnelles ». Face à ces données, on peut se demander pourquoi des initiatives, telle les « blousons rouges » de Roubaix, ont été prises et s’interroger sur le bien fondé du terme de médiateur pour traduire leur mission. Il faut replacer ces initiatives dans le contexte social actuel où la dégradation des relations sociales entraîne l’apparition de médiateurs dans de nombreux domaines : familial, scolaire, administratif.... Il en est de même dans les bibliothèques ou CDI où des adolescents ont des comportements asociaux : vols, dégradations et même incendies. Tout le monde connaît les raisons de ces crises ou conflits. C’est l’attitude consumériste de l’usager qui n’aborde le bien ou le service public que sous l’angle des droits qu’il peut en retirer. C’est aussi le comportement bruyant, provocateur de certains publics, le développement de comportements agressifs vis-à-vis de l’institution et de ses personnels. Appartient-il, dès lors, aux professionnels de l’information d’assurer l’éducation de ces nouveaux publics ? Les bibliothécaires sont en situation de devoir socialiser leurs usagers en se faisant éducateurs, répond Bernard Charlot dans « Des jeunes et des bibliothèques ». Peut-on concevoir l’apparition d’un nouveau métier dans nos CDI de médiateur de la documentation ? Rappelons que c’est une police de proximité qui remplace les « blousons rouges » ! Cela signifie bien que le terme de médiateur est peu approprié dans ces situations là. Ici le blouson rouge ou le médiateur du livre n’engage pas un dialogue avec les deux parties pour les départager. Il ne l’engage qu’avec le groupe perturbateur pour les convaincre de comprendre et d’adopter les comportements admis dans les lieux d’information : non dégradation des documents, silence, respect des personnes… Etre médiateur, c’est écouter les deux parties en opposition. Quel accord pour des jeunes qui dégradent, volent ou même brûlent des bibliothèques ?
Etre médiateur repose sur une solide formation. On ne s’improvise pas médiateur comme le montre le lourd programme de l’Institut français de la médiation. La Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation définit cette dernière comme une discipline à part entière précisant que la médiation est le seul processus de règlement des différends. La médiation, dit-elle, est le seul moyen assisté par un tiers qui promeut la liberté de décision des protagonistes d’un conflit. C’est pour avoir méconnu cette difficulté qu’il y a à être médiateur que les blousons rouges ont échoué ou que des emplois-jeunes ne conviennent pas. Par ailleurs, il faut remarquer que les blousons rouges ne sont pas des bibliothécaires. Ils sont des médiateurs, animateurs qui travaillent dans une bibliothèque. Pendant ce temps le bibliothécaire ou le documentaliste restent des professionnels de l’information et seulement cela.
Dans ce sens là, ni le bibliothécaire ni le documentaliste ne sont des médiateurs et heureusement. Quel dommage d’associer ce métier au conflit lorsque ses créateurs lui donne un visage si humaniste ! Alors le terme d’accompagnateur convient-il mieux ?

Quel  bien fondé pour un remplacement ?
Sur ce point, l’auteur n’apporte pas beaucoup de données en omettant, entre autre, de donner les définitions que peuvent revêtir ces termes. Pour faire admettre sa proposition, il aurait du  développer le concept d’accompagnement et d’accompagnateur de la même manière que celui de médiation et de médiateur. Il propose le qualificatif de bibliothécaire accompagnateur sur la base d’initiatives prises dans des bibliothèques européennes mais de façon trop brève et sans renvoi bibliographique,  pour permettre à son lecteur d’en mesurer l’impact. On remarque toutefois qu’il limite cette proposition dans les moments où le bibliothécaire est au contact du public. Il suggère alors un accompagnement personnalisé, plus adapté aux publics diversifiés, habituels ou occasionnels, à leurs attentes et à leurs pratiques. La notion d’accompagnement ne prend donc sens que sur une seule facette importante du métier : la rencontre avec l’usager. Elle revêt alors le sens d’« action de se déplacer avec un être animé ». L’accompagnement est bien cette action ou fonction consistant à accompagner quelqu’un et l’accompagnateur est cette personne qui accompagne une personne ou un groupe de personne en déplacement. Avec le terme d’accompagnement, l’accent est mis précisément  sur cette notion d’animation et de déplacement. Pour cela, le documentaliste est plus un accompagnateur qu’un médiateur. Cela pour une raison essentielle. En mettant l’accent sur la personne, le terme d’accompagnement redonne à sa mission ses lettres de noblesse pleines d’ humanisme. Cela peut se discuter sur deux points : celle du mouvement et celle de la mise en valeur de la personne accompagnée.
Une des missions essentielles de l’enseignant-documentaliste qui rejoint, en principe celle des enseignants de discipline, est d’aider les élèves à sortir de leur passivité afin de les rendre actifs dans leurs apprentissages et leur construction. C’est de les mettre en mouvement. Le documentaliste intervient dans l’école pour permettre à l’élève de bâtir son autonomie en consultant directement les documents mis à sa disposition. Une personne en mouvement est une personne qui vit, qui avance, qui a un but. Celui qui l’accompagne est un guide, une aide, une compagnie. Les documentalistes ont souvent souligné l’importance de cette action qui incite l’élève, au contraire du cours magistral écouté, à bâtir son propre savoir. Cela avec l’aide conjugué de tous les acteurs de la communauté éducative. L’accompagnement prend dès lors un sens de cheminer avec, de marcher dans le même sens avec un même but : aller au bout de la destination, « side to side », comme l’explicite O. Chourrot. Il rejoint en ce sens l’accompagnateur scolaire misant sur les capacités des personnes à développer leur autonomie en développant leurs capacités d’initiative, la construction de leur projet. Comme lui, son accompagnement est fondé sur l’écoute, le dialogue incitatif, et une relation confiante. Cet accompagnement doit permettre l’émergence du désir dont l’auteur parle de façon un peu inattendue. Mais son lecteur comprend que le désir est le moteur actif de la démarche à entreprendre pour trouver les moyens de réaliser ses objectifs individuels. Pour l’enseignant-documentaliste, cela passe par la médiation documentaire décrite dans la première partie de son travail. Le concept d’accompagnement est dynamique, au contraire, du terme de médiateur, stoppé par le règlement du conflit ou du différend à résoudre.
Par ailleurs, si nous empruntons à la musique, le sens que cet art donne à l’accompagnateur, nous trouvons là une deuxième raison pour qualifier ainsi l’enseignant-documentaliste et préférer ce terme à celui de médiateur. En musique, le devoir imposé à tout accompagnateur est de soutenir et faire briller la personne qui chante. On peut en dire autant de l’enseignant et donc de l’enseignant-documentaliste. La mission de tout enseignant est d’accompagner l’élève pour lui donner les bases de sa vie, l’aider à les construire et de continuer à le faire tout au long de sa vie quand, devenu adulte, il ne sera plus ou moins accompagné. L’enseignant-documentaliste se reconnaît, pour la part spécifique qui lui revient, dans cette mission. Son rôle est de faire de l’élève un acteur, un réalisateur et de valoriser son travail grâce à tous les moyens dont il dispose : exposition, banque de données de travaux personnels ou collectifs, participations à des blogs, des travaux collaboratifs… qui mettent les élèves en valeur et leur donnent la possibilité d’assumer leur développement et leur responsabilité.

Les enseignants documentalistes, comme de très nombreuses autres professions s’interrogent sur leur avenir et doutent d’eux-mêmes face aux mutations liées, en particulier aux technologies. Une partie de leurs responsabilités en matière de politique documentaire est amputée sous l’effet du web, déferlante documentaire qui peut permettre de les penser inutiles. Se présenter comme médiateur n’est pas une solution. Le documentaliste doit se battre et continuer à se battre sur sa mission documentaire, mission de médiation, par essence. Par contre, il doit également continuer à se battre sur la facette profondément humaniste de sa fonction. Accompagner la résume bien car ce terme qualifie bien toutes les professions qui rencontrent l’homme, et surtout, comme les professions de l’enseignement, lorsqu’il rencontre l’homme en devenir, l’homme en construction.