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Cécile Durrheimer, professeur documentaliste au lycée Jacques Monod de Saint Jean de Braye (Loiret) nous décrit les différentes étapes du projet « Lecture et écriture numériques » qu'elle a co-organisé avec Michel Brosseau, professeur de lettres, pour une classe de seconde en 2013–2014.

Préalable

Notre travail en collaboration est le résultat des attentes de l'institution (Ambition pour la refondation de l'école : faire entrer l'école dans l'ère du numérique), de notre analyse des pratiques des élèves (les adolescents utilisent le numérique tous les jours, sans réfléchir sur leurs pratiques et sans forcément les diversifier, de nombreux élèves sont non-lecteurs), et d'un atout spécifique : M. Brosseau est écrivain, il pratique l'écriture sur le web et a l'habitude d'animer des ateliers d'écriture. Nous voulions motiver les élèves à la lecture par le biais du numérique et de l'écriture.

Ce projet a permis d'aborder avec les élèves les notions de lecture et livres numériques et de les faire réfléchir sur celle d'écriture numérique.

L'ensemble de ce projet (consignes d'écriture, productions des lycéens et des collégiens) est visible sur le blog http://webtextes.over-blog.com/. Cette plateforme a malheureusement été « polluée » par la publicité depuis. Ce n'était bien sûr pas le cas quand le projet a été mené.

Plusieurs étapes ont été proposées aux élèves

Etape 1

L'étape 1 consistait à faire réfléchir les élèves à leurs usages en matière de lecture numérique (1 heure par ½ classe) : Etape 1 : usages du numérique

Au cours du « Parcours lecture/écriture numérique », les élèves devaient évaluer leurs pratiques de lecture numérique en répondant à un questionnaire en ligne (Google drive) qui a été dépouillé au cours de la séance et qui a servi de base à un échange oral.

Puis, ils devaient faire une recherche guidée en allant sur le site « Le livre numérique ».et en se reportant au « Questionnaire usages numériques » (cf. document joint) sur le livre numérique. Les deux liseuses du CDI ont circulé dans le groupe au moment de la correction et de l'échange final.

Bilan :

Les échanges ont été intéressants, 4 élèves ont par la suite investi dans l'achat d'une liseuse personnelle, mais l'activité n'a pas déclenché d'emprunt des liseuses du CDI.

Etape 2

L'Étape 2 permettait aux élèves de découvrir des textes numériques sur internet (1 heure par ½ classe). : Etape 2 : à la découverte des ressources littéraires sur le web

Les thèmes abordés durant cette étape étaient les suivants : 

  • Avoir accès aux œuvres du passé : Le web permet l'accès à de nombreuses ressources littéraires appartenant au domaine public. La BNF (bibliothèque nationale de France) donne accès sur son site à de nombreux documents, notamment des manuscrits et des dossiers. Elle permet notamment d'avoir accès aux classiques de la littérature. Il existe aussi des sites sur lesquels on peut légalement télécharger des ouvrages appartenant au domaine public, comme feedbooks.
  • Avoir accès à la littérature contemporaine : Certains auteurs tiennent un blog. Celui-ci peut prendre différentes formes : des réflexions sur l'écriture, comme la série de Martin Winckler sur le métier d'écrivant. Un journal, comme dans la rubrique Journal éclaté du site Fragments, chutes et conséquences de Joachim Séné. Des extraits ou premières versions de textes sur lesquels ils sont en train de travailler, comme la série Science Remix sur le site Tiers Livre de François Bon. De même, Lucien Suel, sur Silo, propose aux lecteurs son travail de création poétique. »

Ces éléments étaient mis à disposition sur le blog créé par l'enseignant à l'occasion du projet. Un questionnaire permettait d'explorer certains des liens hypertextes du texte de présentation (Cf. Questionnaire ressources littéraires web).

Bilan :

De multiples explorations ont été proposées aux élèves, peut-être un peu trop, car certains ont du mal à appréhender la lecture d'une page web qu'ils ne connaissent pas. Un regret : le manque de temps (1 heure consacrée à cette activité).

Etape 3

Durant l'étape 3 les élèves écrivaient sur des supports numériques (2 heures par ½ classe et 1 heure classe entière) : Etape 3 : écrire via des outils numériques

Une classe de troisième du collège Saint-Exupéry voisin a été associée à nos élèves au cours cette étape, avec Caroline Vernay, professeur documentaliste et Odile Silva, professeur de lettres, permettant la mise en place d'une liaison collège / lycée.

Les élèves de seconde ont appris à « twitter » autour de l'actualité à la manière de Fénéon et de ses nouvelles en trois lignes. Ensuite, parallèlement à une classe de troisième du collège Saint-Exupéry, ils se sont projetés en 2080 pour rédiger des chroniques abraysiennes à partir d'images sélectionnées sur Google Maps - Street view : il fallait imaginer le futur de Saint-Jean de Braye. La dernière étape était une séance d'écriture collaborative : lycéens et collégiens écrivaient et se lisaient en même temps sur internet, mais chacun dans leur établissement, à la manière du « Je me souviens… » de Georges Pérec.

Séance 1 : Ecrire en utilisant Twitter

A nouveau, les éléments de contenu de la séance étaient disponibles sur le blog créé par l'enseignant à l'occasion du projet.

« Sur ce réseau social, la littérature est présente de différentes façons : 

  • des écrivains y font part de leur actualité, notamment de leurs publications sur leurs sites web (exemples : @StephenKing, @fbon, @Pa_Quignard, @regisjauffret)
  • ils peuvent aussi l'utiliser comme un carnet de notes
  • certains se servent de Twitter pour diffuser des extraits de textes littéraires 

Vous allez écrire, à la manière de Fénéon, en 140 caractères maximum, espaces compris. Comme point de départ, une sélection de tweets émanant d'organes de presse. Consignes : être bref et percutant, ou drôle. »

Un compte Twitter a été créé. Les élèves écrivaient sur un traitement de texte (pour compter le nombre de caractères qui ne devait pas dépasser 140), le professeur de lettres ou la documentaliste validait, puis le texte était recopié sur un ordinateur. Ce dernier était relié à un vidéoprojecteur pour permettre à tous les élèves de lire les différents messages. Il fallait faire prendre conscience aux élèves qu'ils ne pouvaient pas écrire n'importe quoi (contenu et correction grammaticale) puisqu'ils utilisaient un réseau social. Le résultat est à découvrir ici. Le contenu peut paraître étrange : il n'en est rien car il était en lien avec des éléments piochés dans l'actualité de l'époque.

Bilan :

La participation de l'ensemble des élèves à l'activité a été active. L'usage de l'écriture sous contrainte a permis de développement de leur créativité. Des élèves en difficulté ont dépassé leurs craintes par rapport à l'écrit et certains élèves ont enrichi leur message grâce à l'utilisation du hashtag, élément auquel nous n'avions pas pensé. Il y a eu une vraie circulation des écrits numériques (par exemple, pendant et après cette séance, des élèves ont « retwitté » certaines des productions), ce qui traduit l'appropriation de l'activité par les élèves.

Séance 2 : Chroniques abraysiennes :écrire avec Google Maps Street View

Les consignes d'écriture pour les élèves étaient les suivantes :

« Sur le modèle de Tentative d'épuisement d'un lieu parisien de Georges Perec, utiliser Google Maps Street View pour décrire un lieu situé sur la commune de Saint-Jean-de-Braye, non pas tel qu'il apparaît sur l'image donnée par Google, mais tel qu'il pourrait être devenu en 2080. Vous devrez imaginer quelles transformations se sont opérées, tant sur le plan des transports, des vêtements, des technologies, de l'habitat, etc. Votre texte devra demeurer descriptif. Pour réussir l'exercice, procédez d'abord à une observation minutieuse (jusqu'aux moindres détails !) du lieu tel qu'il est aujourd'hui avant d'imaginer ce qu'il pourrait devenir. Soyez inventifs ! »

Les textes élaborés par les élèves sont enregistrés sur la session élève puis publiés sur le blog webtextes.

Cette séance d'écriture est proposée en parallèle aux élèves de 3e du collège Saint-Exupéry voisin. Les textes des 3e comme ceux des 2nde sont publiés sur le blog, les uns lisent les productions des autres et réciproquement.

Bilan :

Les productions des collégiens étaient meilleures que celles de nos lycéens. Même si les élèves du lycée étaient en demi-groupe, il y avait souvent des « blocages » dus à l'exercice d'écriture à dépasser et au peu de temps pour observer, imaginer et écrire. 

Lycée Collège
Temps consacré : 1 heure Temps consacré : 2 heures
Les lycéens connaissent moins Saint-Jean de Braye, car ils viennent de l'extérieur Les collégiens connaissent mieux Saint-Jean de Braye : cela facilite peut-être l'imaginaire
Consigne pour les productions : faire des listes Consigne pour les productions : rédiger

Dans le blog, les images de Google ont été intégrées en « embed » </> afin de pouvoir les utiliser (Cf Image Google Street embed).

Séance 3

Il s'agissait d'une activité d'écriture partagée. Au cours d'une séance où chaque classe (3e / 2nde) travaille dans son établissement et communique via Google Drive, les classes rédigent ensembles des « Je me souviens » sur le thème des années collège, à la manière de Georges Perec. Le texte collectif est publié sur le blog webtextes. Tous les élèves ont écrit à partir de deux comptes, l'un au collège, l'autre au lycée. Au lycée, 5 postes étaient connectés en même temps sur ce compte. Une fois de plus, les enseignants validaient les textes avant qu'ils ne soient publiés. Chaque établissement avait un code couleur pour que l'on puisse en identifier l'origine à la lecture.

Bilan

C'est un exercice de maturation qui inscrit les élèves de seconde dans le monde du lycée. Cette séance a permis des échanges entre les élèves à la lecture des productions des autres.

Bilan général

Apprentissages des élèves

Plusieurs compétences documentaires ont été sollicitées. Les élèves ont d'abord prélevé des informations pour acquérir des connaissances sur les liseuses, puis sur les auteurs du web. Les premières séances leur ont permis de découvrir différentes sources en matière de lecture numérique sur internet, y compris le compte twitter de certains journaux.

Au niveau de l'EMI

Ils ont été invités à produire des documents sur des espaces publics (blog dont le lien était sur le site du lycée, Twitter) ou collaboratifs (Google Drive), en se montrant responsables de leurs publications (contenu, droit à l'usage des images, orthographe).

En matière d'écriture numérique

Ils ont appris à tenir compte de certaines contraintes techniques de l'outil informatique, tout en prenant conscience de certaines possibilités de création qui n'existent pas dans l'écriture papier (mutualisation, partage des écrits, usage des images…). Ils ont mis en œuvre différents modes de narration (descriptif, autobiographique, réécriture). Ils ont expérimenté la dissémination de leurs écrits via des retweets d'utilisateurs extérieurs à la sphère scolaire.

Démarche pédagogique

Ce projet a été très positif et a été reconduit sur deux classes l'année suivante. Ce projet nécessite beaucoup d'heures qui ont été prises en 2013-2014 sur les modules de français et sur l'accompagnement personnalisé. En 2014-2015, deux classes ont travaillé sur ce projet, l'une davantage sur la lecture et l'autre sur l'écriture.

Le second point positif a été le développement des échanges entre les documentalistes des deux établissements, annonciateurs d'autres projets. Mais pour la séance d'écriture collective, la contrainte de la gestion des horaires des classes entre lycée et collège (il existe un décalage de 30 minutes l'après-midi) peut être un frein à la collaboration.

Pour aller plus loin

Documents annexes