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Qu'on la qualifie de société de l'information ou de la connaissance, en trente ans notre société nous a immergés dans un environnement médiatique continu via le numérique. Toutes les dimensions de la vie collective et individuelle (numérisation, multiplication des écrans, explosion informationnelle, économie de la connaissance, confusion des temps professionnels et privés, traçabilité des individus, avènement de « l'homme augmenté », automatisation du travail…) sont restructurées à une vitesse sidérante.

Les industries du web recueillent nos données et tentent de nous soumettre à une logique d'hyper-consommation. Les frontières se brouillent entre divertissement, culture, consommation. Les équipements fixes sont devenus nomades, proposant ainsi un nouvel espace temps. La production de contenu n'est plus, même si elles restent majoritaires, sous le seul contrôle des industries culturelles friandes de stratégies marketing (cf. Wikipedia). L'accès traditionnel multisupport aux médias se complexifie en rendant perméables les frontières entre équipementiers (Alcatel, Sony, Microsoft, Apple…), fournisseurs d'accès (France Télécom, Free, Vodafone, Fransat), plateformes de services (Google, Flickr, Facebook, Amazon) et producteurs de contenus. L'accès aux médias traditionnels (la presse écrite, la télévision, la radio, le cinéma et l'affichage) converge vers les écrans et le méta-media que devient Internet.

Dans ce contexte, les usages des médias s'inscrivent à la fois dans la continuité des usages traditionnels et la naissance de nouvelles pratiques en invitant chacun de nous à rechercher, comprendre, stocker, partager, adapter, produire des informations. Nous vivons, comme l'écrit Jérémy Rifkin dans la troisième révolution industrielle [1], celle de l'information en réseau où « les médias doivent être conçus comme un ensemble de techniques de production et de transmission de messages à l'aide d'un canal, d'un support (journal papier, ondes hertziennes, câble…) vers un terminal (récepteur écran) ainsi que comme le produit de cette technique (journaux, livres, émissions) ; dans un second temps comme une organisation économique, sociale et symbolique avec ses modalités de fonctionnement, ses acteurs multiples qui traitent ces messages et qui donnent lieu à des usages variés. » [2]

Comment l'école doit-elle négocier ce changement face à des élèves qui développent, dès le plus jeune âge, des pratiques dans cet environnement médiatique numérique ? Pratiques qui suscitent souvent un questionnement balançant entre peur et inquiétude d'un côté, et confiance et enthousiasme de l'autre : « la question des relations que la jeunesse entretient avec ces médias qui inquiète ou qui réjouit : les nouveaux médias exposent-ils nos jeunes à des dangers majeurs tels que la perte de repères, la dépendance cybernétique ou la dissolution du sens critique ? Ou la révolution numérique va-t-elle rendre radieux l'avenir de nos enfants en facilitant leur apprentissage et en favorisant la démocratie à travers le droit donné à chacun de s'exprimer sur la toile ? » [3] La réponse est aujourd'hui ouverte, ce peut être l'une ou l'autre de ces hypothèses et, à coup sûr, seule l'éducation permettra de contribuer au développement de l'hypothèse favorable.

La loi de refondation de l'école du 8 juillet 2013 inscrit l'EMI (Éducation aux médias et à l'information) comme obligatoire au collège. Sur le site Eduscol on trouve la définition suivante qui ancre clairement l'EMI dans la construction de la citoyenneté : « Permettre aux élèves d'exercer leur citoyenneté dans une société de l'information et de la communication, former des « cybercitoyens » actifs, éclairés et responsables de demain, tel est l'objectif de la relance d'une éducation aux médias et à l'information. Lecture critique et distanciée, capacité à publier, produire de l'information, s'informer, cela relève d'une pratique citoyenne des médias qui nécessite le développement de compétences info-documentaires et une initiation aux langages et formes médiatiques. » [4]

D'autre part, le Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation indique dans la partie « Compétences spécifiques aux professeurs documentalistes » [5] :

« Les professeurs documentalistes, enseignants et maîtres d'œuvre de l'acquisition par tous les élèves d'une culture de l'information et des médias »

« Les professeurs documentalistes apportent les aides nécessaires aux élèves et aux professeurs, notamment pour que les apprentissages et l'enseignement prennent en compte l'éducation aux médias et à l'information. Ils interviennent directement auprès des élèves dans les formations et les activités pédagogiques de leur propre initiative ou selon les besoins exprimés par les professeurs de discipline.

D 1. Maîtriser les connaissances et les compétences propres à l'éducation aux médias et à l'information

  • Connaître les principaux éléments des théories de l'information et de la communication.
  • Connaître la règlementation en matière d'usage des outils et des ressources numériques ; connaître le droit de l'information ainsi que les principes et les modalités de la protection des données personnelles et de la vie privée.
  • Connaître les principaux concepts et analyses en sociologie des médias et de la culture.
  • Savoir définir une stratégie pédagogique permettant la mise en place des objectifs et des apprentissages de l'éducation aux médias et à l'information, en concertation avec les autres professeurs.
  • Faciliter et mettre en œuvre des travaux disciplinaires ou interdisciplinaires qui font appel à la recherche et à la maîtrise de l'information.
  • Accompagner la production d'un travail personnel d'un élève ou d'un groupe d'élèves et les aider dans leur accès à l'autonomie. »

Cette nouvelle « éducation à », qui fait du professeur-documentaliste son maître-d'œuvre, est à interroger dans ses intérêts mais aussi ses limites. Il semble dans un premier temps indispensable de questionner ce nouvel environnement et les pratiques de nos élèves : quels usages font-ils des médias ?

Dans un second temps, il s'agira d'explorer les contenus de l'EMI. Enfin, il nous faudra interroger la mise en place de cet enseignement.

Notes de bas de page

[1] Rifkin, Jérémy. La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l'énergie, l'économie et le monde. Les liens qui libèrent, 2012.
[2] Jehel, Sophie. Quelle place pour le M dans l'EMI ? Médiadoc-Fadben, n°11, décembre 2013.
Cite Rieffel, Rémi. Que sont les médias ? Pratiques, identités, influences. Gallimard, 2005, p. 31.
[3] Assouline, David (rapporteur). Rapport d'information fait au nom de la commission des Affaires culturelles sur l’impact des nouveaux médias sur la  jeunesse. Sénat, octobre 2008, p. 9. Disponible également à l'adresse : Opens external link in new windowhttp://www.senat.fr/rap/r08-046/r08-0461.pdf (consulté le 10/09/2014)
[4] Education aux médias et à l'information [en ligne]. Eduscol (MAJ 13 février 2014). Disponible à l'adresse :Opens external link in new window http://eduscol.education.fr/cid72525/education-aux-medias-information.html (consulté le 10/09/2014)
[5] Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation [en ligne]. MEN, BO n°30, 25 juillet 2013 . Disponible à l'adresse : Opens external link in new windowhttp://www.education.gouv.fr/cid73215/le-referentiel-de-competences-des-enseignants-au-bo-du-25-juillet-2013.html (consulté le 10/09/2014)