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Typologie de jeux physiques et numériques

par Natacha Dubois, médiatrice, Atelier Canopé de Toulouse,
[juin 2017]

Mots clés : jeu (loisirs), jeu éducatif

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De nombreux auteurs, qu'ils soient psychologues, psychanalystes, sociologues, philosophes, enseignants et autres praticiens, s'accordent à montrer l'importance du jeu dans l'enseignement et les apprentissages.

L'enfant, par le biais du jeu, pourra exercer toutes ses potentialités : motrices, affectives, sociales, perceptives et mentales [1]. Le jeu est un vecteur de communication puissant favorisant les échanges et les interactions entre élèves. Il est bien plus qu'un outil : « c'est une façon d'être au monde qui permet de le comprendre, de l'expérimenter et donc de le connaître » [2]. Selon H. Dres [3], à partir des travaux de J. Henriot (1969) : « Le jeu apparaît aussi bien comme une activité essentielle au développement de l'enfant, un outil d'apprentissage, de transmission de savoirs et d'éducation, un élément créateur de lien social et de communication, une occupation de loisir et une source de plaisir ».

Les points de vue divergent cependant sur le type de jeux à mettre en place en classe ainsi que sur le statut et le rôle du jeu dans les apprentissages scolaires. Pour Brougère, le jeu peut devenir un outil pour les apprentissages à condition qu'il soit intégré dans une démarche pédagogique qui lui donne sens.

On peut dès lors classer les jeux en deux grandes catégories :

D'une part, les jeux éducatifs, qui sont imaginés, développés et déployés à des fins pédagogiques et, d'autre part, les « jeux libres », « sans autre finalité que le jeu pour le jeu » [4]. Les jeux éducatifs sont « des produits culturels complexes, associant des caractéristiques propres au jeu (mais pas toutes) et des caractéristiques propres à l'exercice scolaire », en d'autres termes, ce sont « des activités mixtes qui conjuguent forme ludique et forme éducative » [5] Laurent Lescouarch [6], enseignant spécialisé RASED et d'université de Rouen, précise même qu'il existe deux types dans ce qui est appelé communément « jeux éducatifs » :

 

  • « les exercices à connotation ludique » où l'on habille un exercice de façon plus attrayante en mettant en place un système de comptage de points (réussites)
  • et « les jeux de tradition instrumentalisés » pour des objectifs scolaires. 

Il n'est ainsi pas rare de voir bon nombre de jeux éducatifs de fournisseurs de supports pédagogiques reprenant la célèbre piste du jeu de l'oie.

L'intérêt des jeux « éducatifs » pour les apprentissages scolaires est remis en question par certains auteurs : ce sont ni plus ni moins que des exercices déguisés qui ne reprennent pas les caractéristiques propres au jeu naturel : gratuité et spontanéité. D'après Yann Barrère [7], le jeu, s'il est détourné de son sens premier qui est l'aspect ludique, perdrait sa qualité même de jeu. Il conduirait à son instrumentalisation et à son appauvrissement.

Dans le jeu « libre », l'élève peut s'investir pleinement dans l'activité et accepter la prise de risque car il n'y a pas d'enjeu et d'impact sur la vie réelle [8]. Ce type de jeu serait bénéfique pour les apprentissages : plus un jeu cache son côté éducatif et plus il est éducatif [9]. « Il est suffisamment riche de vertus éducatives intrinsèques pour ne pas servir uniquement de caution à des pratiques scolaires traditionnelles » [10] Schiller pensait déjà que « l'enfant ne joue pas pour apprendre, mais il apprend parce qu'il joue ». 


Les trois formes de jeux - Natacha DUBOIS - Atelier Canopé de Toulouse

Selon Chandler et Tricot [11], dans le jeu « libre », l'enfant choisit quand et comment il joue dans un cadre temporel et spatial imparti, il prend ses propres décisions. L'enseignant n'assure aucun guidage direct.

Les jeux « spontanés » (jeux libres) […] contribuent de façon directe et importante aux apprentissages. « Ces jeux constituent même, avec l'exploration de l'environnement et les interactions entre pairs, l'un des principaux moteurs des apprentissages » (Geary, 2008 ; Chandler & Tricot, 2015).

Clark Abt (1970) [12] voit dans les jeux un support pouvant améliorer les résultats scolaires en réduisant la frontière entre « apprentissage scolaire » et « apprentissage informel ». Le jeu aurait un double statut : 

  • Une fonction adaptative : en jouant, les élèves se développent sur le plan social, affectif ou cognitif, ils apprennent à vivre ensemble.
  • Une fonction scolaire : en jouant, les élèves apprennent des connaissances dans le domaine de la langue, des arts ou de la découverte des nombres, etc. [13

Mais le « jeu libre » est difficile à mettre en place à l'école car contrairement à un exercice, on ne peut pas prévoir ce que l'enfant va apprendre. « Le jeu réel (libre et gratuit) ne peut pas s'inscrire dans un cadre pédagogique d'objectifs éducatifs préétablis ».

Selon Chandler et Tricot (2015), le jeu libre et le jeu structuré (intégré à une séquence d'enseignement qui a pour objectif de « faire acquérir explicitement des apprentissages spécifiques » à l'élève) peuvent coexister en classe. Le jeu structuré serait la continuité du jeu libre.

Jouer et apprendre – Eduscol. 2015
Jouer et apprendre – Eduscol. 2015

Notes de bas de page

[1] DRUART, Delphine ; WAUTERS, Augusta ; POURTOIS, Jean-Pierre. Laisse-moi jouer… j'apprends ! Bruxelles, De Boeck, 2011. 176p. 9782804182212

[2] BROUGÈRE, Gilles. Jeu et éducation. Paris, L'Harmattan, 1995. 284 p.

[3] DRÈS Hélène. Le jeu et la bibliothèque, un outil pour changer d'image ou un réel changement ?. [En ligne] mémoire de master 2 en Sciences de l'information et de la communication. Paris, Université Paris Ouest -Nanterre – La Défense. 2010, 169 p. [consulté le 15.06.2017] disponible sur : Opens external link in new windowhttp://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/49083-le-jeu-et-la-bibliotheque-un-outil-pour-changer-d-image-ou-un-reel-changement.pdf

[4] Montagner, Hubert. L'arbre enfant : une nouvelle approche du développement de l'enfant. Paris, France : O. Jacob, 2006.

[5] BROUGÈRE, Gilles. Jouer / Apprendre. Ed. Economica. 2005. 176 p. 978-2-717851199

[6] LESCOUARCH, Laurent. Le jeu en classe – L'impossible quête ?. Cahiers pédagogiques. Décembre 2006, n°448.

[7] BARRÈRE, Yann. Jouer à l'école : socialisation, culture, apprentissages. CRDP de Grenoble. 2006, 295p. 2-86622-754-9

[8] ALLÈS-JARDEL, Monique. Le jeu, mode d'expression du jeune enfant et facteur de son développement. Le journal des psychologues. Décembre 1996, n°143, pp. 21-25

[9] BIDEAU, Alain. Les jeux à l'école et hors de l'école : lesquels choisir, comment y jouer, comment les fabriquer, comment les inventer. E. Robert. 1989, 96p. 2-7093-0102-4

[10] LESCOUARCH, supra.

[11] « Jouer et apprendre » Eduscol. [en ligne] septembre 2015 [consulté le 15.06.2017] disponible sur : Opens external link in new windowhttp://cache.media.eduscol.education.fr/file/Apprendre/30/3/Ress_c1_jouer_jouerapprendre_458303.pdf

[12] KASBI, Yasmine. Les serious games : une révolution. Liège. Edipro. 2012, 302p. 978-2-87496-205-9

[13] TRICOT, André et RESPAUD, Stéphane, « jeux et apprentissages ». L'école maternelle sur son trente-et-un. [en ligne] 2017, pp92-96 [consulté le 15.06.2017] disponible sur : Opens external link in new windowhttp://cache.media.education.gouv.fr/file/03-Mars/41/6/Maternelle_sur_son_31_728416.pdf