Fortitude (force d’âme) est le nom de code de l’opération de désinformation menée par les Alliés en direction des Allemands, afin de protéger le secret du lieu, du jour et de l’heure du débarquement. Elle appartient à la catégorie militaire des « opérations de déception ». Son étude permet de mettre en avant les enjeux stratégiques liés à la diffusion de l’information et de nuancer notre compréhension de la guerre totale : manipulation psychologique de l’adversaire. Cette forme de guerre s’écarte de l’aspect quantitatif de la guerre totale puisque sa réussite tient à l’équilibre entre la volonté d’engager suffisamment de moyens pour être crédible et la nécessité de ne pas gaspiller trop de forces pour une opération fantôme.
Fortitude fait partie d’un ensemble de plans appelé par Churchill « Bodyguard », destiné à protéger la vérité des décisions stratégiques des Alliés par une garde de mensonges (décembre 1943). Cette opération a trois objectifs précis :
- faire croire aux Allemands que le débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais afin de fixer dans cet espace le maximum de garnisons allemandes. Plusieurs moyens sont utilisés pour atteindre cet objectif :
- les bombardements alliés sur le Pas-de-Calais s’intensifient à partir de mai 1944 afin de faire croire à des opérations préparatoires au débarquement (dix-neuf gares de triage sont visées, aucune autour de Caen),
- une armée fantôme, fabriquée en carton, bois et caoutchouc (240 faux LCT) et massée dans le Sud-Est londonien, est rendue visible pour les avions de reconnaissance allemands. Des éclairages, des bruits simulent l’activité de cette armée. L’insularité de la Grande-Bretagne se révèle ici un précieux atout,
- un faux trafic radio de grande ampleur est organisé à partir d’avril 1944 : les Allemands saisissent donc de fausses preuves de la vie d’une armée. Ce faux trafic occupe 1 500 opérateurs !
- un réseau d’agents doubles transmet de fausses informations aux Allemands ;
- maintenir la surprise du lieu, du jour, de l’heure du D-Day, notamment grâce à la fabrication de ports artificiels, les Mulberries (voir notice « Les Mulberries ») ;
- maintenir la majorité des forces allemandes dans le Pas-de-Calais encore quatorze jours après le 6 juin, en faisant croire que le débarquement en Normandie n’est qu’une opération de diversion ;
- le général Patton, l’un des meilleurs stratèges de l’armée américaine, se montre ostensiblement dans la région de Douvres afin d’accréditer l’idée que l’opération majeure se déroulera bien dans le Pas-de-Calais.
Fortitude atteint son objectif, puisque l’ennemi, engagé sur de fausses pistes, maintient un grand nombre de divisions dans le Pas-de-Calais, facilitant le renforcement de la tête de pont alliée en basse Seine.